par
PERMALINK
« Ne croyez pas, chers compatriotes, ceux qui proposent que nous sortions de l'euro. L'isolement de la France serait une folie. La fin de l'euro, serait la fin de l'Europe. Je m'opposerai de toutes mes forces à ce retour en arrière qui ferait fi de 60ans de construction européenne qui ont apporté la paix et la fraternité sur notre continent. Je le dis avec d'autant plus de fermeté que j'ai toujours milité pour la préférence communautaire et que je me suis toujours battu pour la protection de notre industrie... »
Voilà en substance les mots du Président de la République à propos de la monnaie unique. (1)
Nous avons tous compris que les élites des partis d'alternance au pouvoir, s'accrocheraient, quoi qu'il en coûte, à la monnaie unique. Pourtant la construction européenne ne s'est pas toujours faite dans l'intérêt des peuples européens. Déjà en 2005, le Nobel français d'économie Maurice Allais évaluait les effets de l’abandon de la préférence communautaire, décidé en 1974 par Bruxelles sur les économies nationales. Il établissait la baisse du taux de croissance du PIB réel par habitant de l’ordre de 30 à 50% pour les pays signataires du traité de Rome.
Déterminé à faire bouger les lignes, en juin 2010 Maurice Allais s'était indigné de la destruction programmée de notre industrie et de notre grenier agricole dans la publication économique interne de la prestigieuse école des Mines : « L’enjeu capital actuel est le risque d’une destruction de l’agriculture et de l’industrie françaises. Ce danger est réel et j’emploie le mot destruction car il est représentatif de la réalité. Un tel risque provient du mouvement incessant des délocalisations, elles-même dues aux différences de salaires entre, d’une part, des pays développés tels que ceux de l’Amérique du Nord ou d’Europe de l’Ouest, et, d’autre part, ceux d’Asie ou d’Europe orientale, par exemple la Roumanie ou la Pologne »
Maurice Allais suggèrait le rétablissement des préférences régionales. Il revendiquait un protectionnisme raisonné et pragmatique en marge de la rigidité de l'idéologie néolibérale. « Un point essentiel tient à la définition de ces espaces régionaux, qui ne devront pas être trop vastes et devront rechercher une homogénéité interne, ce que je définis comme « des ensembles régionaux groupant des pays de développement économique comparable, chaque association régionale se protégeant raisonnablement vis à vis des autres. » » (2)
Le diplomate Stéphane Hessel, auteur du best-seller « Indignez-vous ! »ne serait pas loin de partager le point de vue de Maurice Allais quand il affirme : « Ce n'est pas en se donnant à une idéologie qu'on fera progresser la société : on le fera par une réforme équilibrée et démocratique. Les idéologies ont fait beaucoup de mal, l'idéologie communiste comme l'idéologie néolibérale. Il faut écouter les gens, savoir ce qui les indigne, comprendre sur quoi on peut travailler avec eux, et non pas leur dire, comme le font les idéologues : voilà ce que tu dois faire. » (3)
S'agissant du rôle protecteur de l'euro pour les pays membres, le prix Nobel américain d'économie Paul Krugman, lui non plus, ne s'y est pas trompé. Voilà un expert indépendant des luttes intestines européennes, qu'on ne peut accuser d'être à la foi juge et parti et qui nous fait un décryptage sans état d'âme.
L'expérience résultant de l' analyse comparée entre d'une part l'Irlande, pays européen de la zone euro et d'autre part l'Islande, pays européen extérieur à la zone euro, s'avère très instructif. On a affaire à deux pays de taille modeste, voisins et au niveau de vie assez semblable.
Paul Krugman constate qu' « avant l'éclatement bancaire, la dette publique irlandaise était faible. Or, les contribuables devenant soudain redevables pour d'énormes pertes bancaires, alors même que les recettes plongeaient, la solvabilité du pays fut mise en doute. L'Irlande tenta alors de rassurer les marchés avec un sévère programme de réduction des coûts.
Prenez une minute pour réfléchir à cela. Ces dettes furent contractées, non par des programmes publics, mais par des magouilleurs privés qui ne cherchaient rien d'autre que leur propre profit. C'est maintenant aux citoyens irlandais lambda de porter le poids de ces dettes. Enfin, pour être plus précis, ils portent un poids bien plus lourd que la dette - parce que ces réductions de coûts ont causé une grave récession, ce qui fait qu'en plus de supporter les dettes bancaires, les Irlandais souffrent aujourd'hui d'une baisse de leurs revenus et d'une hausse du chômage. »
En revanche, « à ce stade, l'Islande semble faire mieux, pour le moins, que son quasi-homonyme. Sa crise économique ne fut pas pire que celle de l'Irlande, ses pertes d'emplois moins sévères, et elle semble en meilleure posture pour une reprise. En fait, les investisseurs semblent considérer aujourd'hui que la dette islandaise est plus sûre que la dette irlandaise. Comment une telle chose est-elle possible ? …… l'Islande a laissé les créanciers étrangers des banques qui s'étaient emballées payer le prix de leur propre manque de jugeote plutôt que d'obliger ses propres contribuables à garantir de mauvaises dettes privées. Comme le note le Fonds monétaire international - d'un ton approbateur ….
L'Islande a également bénéficié du fait que, contrairement à l'Irlande, elle possède encore sa propre monnaie : la dévaluation du krone, qui a rendu les exportations islandaises plus compétitives, fut un facteur important dans la limitation de la crise islandaise. » (4)
Il faut tout de même préciser que l'Islande a fait sa révolution en douceur, événement historique aux portes de l'Europe qui n'a pas été relayé par la « grande » presse audiovisuelle.
En 2008, confronté à la faillite brutale du système bancaire, le pays fait le choix de nationaliser les banques. Très vite le pays doit faire face à la faillite d’Icesave, une banque en ligne dont les opérations étaient tournées notamment vers le Royaume-Uni. Sous la pression de la commission européenne le gouvernement soumet un projet de loi au parlement prévoyant le règlement de la dette par l'Etat islandais. Le parlement vote le renflouement des banques. Le texte prévoit le paiement échelonné d'ici à 2024 d'environ 3,8 milliards d'euros, soit l'équivalent de près de 40% du produit intérieur brut annuel de l'île, ruinée par l'effondrement de ses banques en octobre 2008. Mais les contribuables irlandais ne l'entendent pas de cette oreille. Une pétition citoyenne circule, ratifiée par près d'un islandais sur quatre (5). Le Président du pays, Olafur Grimsson refuse de promulguer la décision éminemment politique et prend l'initiative de soumettre ce choix de politique à référendum. Les Islandais rejetteront le texte à la majorité écrasante de 93%.
Consécration de cette révolution, l’élection d’une Assemblée constituante le 27 novembre 2010. Un appel à candidatures (étaient exclus les élus nationaux. Il fallait avoir dix-huit ans révolus et être soutenu par au moins trente personnes) a suscité des vocations chez 522 volontaires. C’est parmi eux qu’ont été élus les 25 constituants.
Les constituants se réuniront à partir de la mi-février 2011 et rendront leur copie avant l’été. (6) Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la réaffirmation de la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’agit donc de l’élaboration d’un nouveau contrat social et, pour un tel objectif, il faut, ce que beaucoup ici semblent ignorer, la participation de toute la nation.
Dans une interview avec l’agence d’information financière Bloomberg, le Président Olafur Grimsson explique :« La différence [avec l’Irlande] c’est qu’en Islande nous avons laissé les banques faire faillite. C’étaient des banques privées et on n’y a pas injecté d’argent pour les maintenir à flot ; l’Etat n’a pas à assumer cette responsabilité. »
Il renchérit :« L’Islande se porte bien mieux qu’attendu » et ajoute : « Peut-on demander aux gens ordinaires – les agriculteurs et les pêcheurs, les enseignants, les docteurs et les infirmières – d’assumer la responsabilité de la faillite des banques privées ? Cette question, qui fut au cœur du débat dans le cas de la banque islandaise Icesave, va être la question brûlante dans de nombreux pays européens. » (7)
[1]http://www.dailymotion.com/video/xg...
[2]http://hal-ensmp.archives-ouvertes.fr/
[3]http://www.rue89.com/entretien/2010...
[4]New York Times News Service chronique pour la RTBF
http://www.rtbf.be/info/economie/ch...
[5]http://www.latribune.fr/actualites/...
[6]http://www.parisseveille.info/ et http://www.politique-actu.com/debat...
[7]http://www.bloomberg.com/
PERMALINK
« Ne croyez pas, chers compatriotes, ceux qui proposent que nous sortions de l'euro. L'isolement de la France serait une folie. La fin de l'euro, serait la fin de l'Europe. Je m'opposerai de toutes mes forces à ce retour en arrière qui ferait fi de 60ans de construction européenne qui ont apporté la paix et la fraternité sur notre continent. Je le dis avec d'autant plus de fermeté que j'ai toujours milité pour la préférence communautaire et que je me suis toujours battu pour la protection de notre industrie... »
Voilà en substance les mots du Président de la République à propos de la monnaie unique. (1)
Nous avons tous compris que les élites des partis d'alternance au pouvoir, s'accrocheraient, quoi qu'il en coûte, à la monnaie unique. Pourtant la construction européenne ne s'est pas toujours faite dans l'intérêt des peuples européens. Déjà en 2005, le Nobel français d'économie Maurice Allais évaluait les effets de l’abandon de la préférence communautaire, décidé en 1974 par Bruxelles sur les économies nationales. Il établissait la baisse du taux de croissance du PIB réel par habitant de l’ordre de 30 à 50% pour les pays signataires du traité de Rome.
Déterminé à faire bouger les lignes, en juin 2010 Maurice Allais s'était indigné de la destruction programmée de notre industrie et de notre grenier agricole dans la publication économique interne de la prestigieuse école des Mines : « L’enjeu capital actuel est le risque d’une destruction de l’agriculture et de l’industrie françaises. Ce danger est réel et j’emploie le mot destruction car il est représentatif de la réalité. Un tel risque provient du mouvement incessant des délocalisations, elles-même dues aux différences de salaires entre, d’une part, des pays développés tels que ceux de l’Amérique du Nord ou d’Europe de l’Ouest, et, d’autre part, ceux d’Asie ou d’Europe orientale, par exemple la Roumanie ou la Pologne »
Maurice Allais suggèrait le rétablissement des préférences régionales. Il revendiquait un protectionnisme raisonné et pragmatique en marge de la rigidité de l'idéologie néolibérale. « Un point essentiel tient à la définition de ces espaces régionaux, qui ne devront pas être trop vastes et devront rechercher une homogénéité interne, ce que je définis comme « des ensembles régionaux groupant des pays de développement économique comparable, chaque association régionale se protégeant raisonnablement vis à vis des autres. » » (2)
Le diplomate Stéphane Hessel, auteur du best-seller « Indignez-vous ! »ne serait pas loin de partager le point de vue de Maurice Allais quand il affirme : « Ce n'est pas en se donnant à une idéologie qu'on fera progresser la société : on le fera par une réforme équilibrée et démocratique. Les idéologies ont fait beaucoup de mal, l'idéologie communiste comme l'idéologie néolibérale. Il faut écouter les gens, savoir ce qui les indigne, comprendre sur quoi on peut travailler avec eux, et non pas leur dire, comme le font les idéologues : voilà ce que tu dois faire. » (3)
S'agissant du rôle protecteur de l'euro pour les pays membres, le prix Nobel américain d'économie Paul Krugman, lui non plus, ne s'y est pas trompé. Voilà un expert indépendant des luttes intestines européennes, qu'on ne peut accuser d'être à la foi juge et parti et qui nous fait un décryptage sans état d'âme.
L'expérience résultant de l' analyse comparée entre d'une part l'Irlande, pays européen de la zone euro et d'autre part l'Islande, pays européen extérieur à la zone euro, s'avère très instructif. On a affaire à deux pays de taille modeste, voisins et au niveau de vie assez semblable.
Paul Krugman constate qu' « avant l'éclatement bancaire, la dette publique irlandaise était faible. Or, les contribuables devenant soudain redevables pour d'énormes pertes bancaires, alors même que les recettes plongeaient, la solvabilité du pays fut mise en doute. L'Irlande tenta alors de rassurer les marchés avec un sévère programme de réduction des coûts.
Prenez une minute pour réfléchir à cela. Ces dettes furent contractées, non par des programmes publics, mais par des magouilleurs privés qui ne cherchaient rien d'autre que leur propre profit. C'est maintenant aux citoyens irlandais lambda de porter le poids de ces dettes. Enfin, pour être plus précis, ils portent un poids bien plus lourd que la dette - parce que ces réductions de coûts ont causé une grave récession, ce qui fait qu'en plus de supporter les dettes bancaires, les Irlandais souffrent aujourd'hui d'une baisse de leurs revenus et d'une hausse du chômage. »
En revanche, « à ce stade, l'Islande semble faire mieux, pour le moins, que son quasi-homonyme. Sa crise économique ne fut pas pire que celle de l'Irlande, ses pertes d'emplois moins sévères, et elle semble en meilleure posture pour une reprise. En fait, les investisseurs semblent considérer aujourd'hui que la dette islandaise est plus sûre que la dette irlandaise. Comment une telle chose est-elle possible ? …… l'Islande a laissé les créanciers étrangers des banques qui s'étaient emballées payer le prix de leur propre manque de jugeote plutôt que d'obliger ses propres contribuables à garantir de mauvaises dettes privées. Comme le note le Fonds monétaire international - d'un ton approbateur ….
L'Islande a également bénéficié du fait que, contrairement à l'Irlande, elle possède encore sa propre monnaie : la dévaluation du krone, qui a rendu les exportations islandaises plus compétitives, fut un facteur important dans la limitation de la crise islandaise. » (4)
Il faut tout de même préciser que l'Islande a fait sa révolution en douceur, événement historique aux portes de l'Europe qui n'a pas été relayé par la « grande » presse audiovisuelle.
En 2008, confronté à la faillite brutale du système bancaire, le pays fait le choix de nationaliser les banques. Très vite le pays doit faire face à la faillite d’Icesave, une banque en ligne dont les opérations étaient tournées notamment vers le Royaume-Uni. Sous la pression de la commission européenne le gouvernement soumet un projet de loi au parlement prévoyant le règlement de la dette par l'Etat islandais. Le parlement vote le renflouement des banques. Le texte prévoit le paiement échelonné d'ici à 2024 d'environ 3,8 milliards d'euros, soit l'équivalent de près de 40% du produit intérieur brut annuel de l'île, ruinée par l'effondrement de ses banques en octobre 2008. Mais les contribuables irlandais ne l'entendent pas de cette oreille. Une pétition citoyenne circule, ratifiée par près d'un islandais sur quatre (5). Le Président du pays, Olafur Grimsson refuse de promulguer la décision éminemment politique et prend l'initiative de soumettre ce choix de politique à référendum. Les Islandais rejetteront le texte à la majorité écrasante de 93%.
Consécration de cette révolution, l’élection d’une Assemblée constituante le 27 novembre 2010. Un appel à candidatures (étaient exclus les élus nationaux. Il fallait avoir dix-huit ans révolus et être soutenu par au moins trente personnes) a suscité des vocations chez 522 volontaires. C’est parmi eux qu’ont été élus les 25 constituants.
Les constituants se réuniront à partir de la mi-février 2011 et rendront leur copie avant l’été. (6) Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la réaffirmation de la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif. Il s’agit donc de l’élaboration d’un nouveau contrat social et, pour un tel objectif, il faut, ce que beaucoup ici semblent ignorer, la participation de toute la nation.
Dans une interview avec l’agence d’information financière Bloomberg, le Président Olafur Grimsson explique :« La différence [avec l’Irlande] c’est qu’en Islande nous avons laissé les banques faire faillite. C’étaient des banques privées et on n’y a pas injecté d’argent pour les maintenir à flot ; l’Etat n’a pas à assumer cette responsabilité. »
Il renchérit :« L’Islande se porte bien mieux qu’attendu » et ajoute : « Peut-on demander aux gens ordinaires – les agriculteurs et les pêcheurs, les enseignants, les docteurs et les infirmières – d’assumer la responsabilité de la faillite des banques privées ? Cette question, qui fut au cœur du débat dans le cas de la banque islandaise Icesave, va être la question brûlante dans de nombreux pays européens. » (7)
[1]http://www.dailymotion.com/video/xg...
[2]http://hal-ensmp.archives-ouvertes.fr/
[3]http://www.rue89.com/entretien/2010...
[4]New York Times News Service chronique pour la RTBF
http://www.rtbf.be/info/economie/ch...
[5]http://www.latribune.fr/actualites/...
[6]http://www.parisseveille.info/ et http://www.politique-actu.com/debat...
[7]http://www.bloomberg.com/
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