publiée le 19 Novembre 2011
pour http://fr.globalvoicesonline.org
La semaine qui s'est écoulée a été une semaine assez compliquée pour le gouvernement péruvien. A peine venait-on de fêter les 100 premiers jours du gouvernement d'Ollanta Humala que trois conflits sociaux liés à l'activité minière se sont intensifiés, à savoir une grève des agriculteurs dans la province d'Andahuaylas, qui exigeaient la fermeture de deux usines de traitement du cuivre et la suspension des concessions et des activités minières dans la région, une journée de manifestation à Cajamarca contre le projet minier Conga, déclenchée par la disparition possible de vingt lagunes et le blocage des routes à Huari et Cátac, dans la région d'Ancash par des membres de communautés autochtones pour exiger le respect des engagements environnementaux quant aux mines d'Antamina et de Huallanca.
De tous les conflits, celui qui s'est aggravé le plus a été celui de la province d'Andahuaylas où la manifestation, faute d'un accord avec la commission de haut niveau réunie pour négocier, s'est soldée par l'incendie de quelques locaux et par environ 38 blessés suite à un affrontement entre les habitants et la police. Tout ceci s'est passé alors que l'affaire de trafic d'influence présumé du vice-Président Omar Chehade faisait encore la Une des médias et que le Président Humala était à l'étranger.
Les journalistes se sont empressés de mentionner dans les éditoriaux et les articles d'opinion entre autres choses la fin de la lune de miel entre le peuple et le nouveau gouvernement et la conspiration existante contre les compagnies minières.
Mais dans les blogs, les opinions et les points de vue sont quelque peu différents. Par exemple, sur le blog Consulta Previa, après avoir analysé le soutien aux manifestations du candidat d'alors, à savoir Ollanta Humala ,dans ses promesses de campagne, on va droit au cœur du sujet:
Le sujet de fond est de savoir si l'exploitation minière peut se développer dans l'aquifère. Notre réponse est NON. Une fois seulement que ceci sera clair, on pourra parler d'un dialogue juste. Que ce point de départ engendre des coûts plus importants pour les investisseurs, cela ne fait pas de doute. Mais il ne s'agit pas de subordonner le développement à l'asséchement des lagunes et des zones humides ou à la pollution des sources et des eaux souterraines. C'est déjà extrêmement clair pour tout le monde. Pourquoi le Pérou ne devrait-il pas avoir le droit de réclamer à ce sujet la modernité ?Dans le blog ¿Estamos jodidos? (Sommes-nous des salauds?) on s'intéresse à l'exploitation minière mais pour des raisons plus discutables, en lien avec le contrôle de la production déclarée :
Nous avons insisté des tas de fois sur le fait que dans les projets miniers c'est à l'État de participer aux extractions et ce, pour deux raisons : d'abord, pour contrôler ce qui est extrait, ensuite, pour s'occuper de toutes les conséquences sur l'environnement, c'est pourquoi les investissements, qu'ils soient extrêmement importants ou non, doivent être faits avec une prise de participation du gouvernement de 50 à 51% dans le conseil d'administration et, si ceci s'avère aussi rentable qu'il est dit, la participation doit à plus forte raison demeurer sous le contrôle de l'Etat.
Mais la méfiance n'est pas uniquement éprouvée à l'égard des compagnies minières, elle l'est aussi à l'encontre du gouvernement :
Humala n'est pas idiot. Il se rend parfaitement compte des dégâts qu'engendrent dans le pays tous ces abus sociaux et qu'on a besoin de lui dans le pays, non à l'étranger. […] Alors que trame-t-il ? … Ne serait-ce pas qu'on en arrive à une situation ingérable et qu'il vienne à nous dire que la situation est telle que pour son bien, le pays a décidé de l'expropriation des principales mines et banques du pays. Attention, attention… Le Président, un ancien militaire, n'est en rien idiot.Dans la même optique, on trouve cette critique du blog “Políticamente Incorrecto” (Politiquement incorrect) de Víctor Robles sur l'action du Premier Ministre Salomón Lerner :
Le message qu'il a laissé est le même que celui des Premiers Ministres Simon et Del Castillo : “Si tu veux que nous t'écoutions et que nous satisfaisions tes demandes, tu n'as qu'à assiéger des villes, bloquer des routes, mettre à sac des marchés et caillasser des bus”. Est-ce la grande transformation que nous a promis le candidat Ollanta Humala ? […] A juste titre, beaucoup d'entre nous se demandent si par hasard ce climat de violence contre l'investissement privé ne serait pas encouragé de manière souterraine par le gouvernement lui-même.Dans le blog Gran Combo Club, Silvio Rendón critique aussi le Président Ollanta Humala mais pour d'autres raisons :
Nous nous dirigeons vers une parfaite dictature ou une nouvelle “super cohabitation”. Ollanta Humala ne va pas honorer ses promesses de faire fermer les mines ni ne va rien faire contre les abus commis à l'égard des travailleurs. Humala est aujourd'hui le même chien (ou chat) du jardinier qu'avant. * Il a donné un faible coup , un faible coup de “barre”. […] Humala n'en fera assurément qu'à sa tête si les gens le laissent faire. […] Mais si les gens réagissent rapidement et comprennent qu'Humala a déjà manqué à ses promesses et lui brandissent un carton rouge très rapidement, on pourrait alors éviter le fait accompli. Toledo a dû reculer, García a dû reculer. Il ne resterait pas d'autre alternative à Humala que celle de reculer.Reliant les votes des dernières élections aux manifestations actuelles, Rendón ajoute:
Les gens en ont assez qu'on les trompe. […] Peu importe que quelques-uns, principalement à Lima, justifient et camouflent le mépris du vote populaire par de la “maturité politique” ou “de l'apprentissage démocratique”. On a besoin d'un gouvernement qui fasse ce qu'il promet. Les grandes entreprises devront renoncer à certaines exploitations minières comme elles ont dû renoncer à privatiser l'électricité à Arequipa. […] Si Humala fait ce qu'ont fait les précédents gouvernements, il obtiendra les mêmes résultats qu'eux : la révolte des citoyens. Ceux-ci n'accepteront pas que leur vote soit méprisé.En analysant en particulier le cas de la compagnie minière Yanacocha qui gère, à Cajamarca, un projet minier du nom de Conga, Jacqueline Fowks de Notas de Lenovo résume la position tout à la fois toute puissante et arrogante de l'entreprise:
L'histoire récente de la compagnie Yanacocha-Newmont dans sa relation avec les communautés en matière de sécurité et d'environnement explique sa situation actuelle: à savoir que ses détracteurs ont des arguments contre elle. Rappelons que l'entreprise ne reconnaît pas totalement sa responsabilité quant aux conséquences du déversement de mercure à Choropampa et qu'elle a obtenu de ‘pouvoir dédommager des plaignants en dehors des tribunaux mais sans commune proportion avec l'ampleur du préjudice. En matière de sécurité, un rapport de 2009 a mis en évidence les pratiques illégales et irrégulières du personnel de Forza [NDLT: Forza amazonica est une des quatre plus grandes sociétés de sécurité du Pérou], des policiers rémunérés par l'entreprise, c'est ce qui est arrivé en particulier à Combayo. Lorsque j'ai demandé en 2010 une interview afin de savoir si ces pratiques de sécurité avaient changé suite à cette évaluation et aux recommandations faites, l'entreprise a refusé de répondre sur le sujet.Les conflits sont loin d'être terminés. Dans la province d'Andahuaylas, la manifestation se poursuit en dépit de la trêve décidée par les paysans car une faction continue la lutte tandis qu'on mentionne ici et là sa probable manipulation par des groupes infiltrés. A Cajamarca, le Président de la Région est accusé d'avoir appelé à la grève et la compagnie minière Yanacocha est loin de faire l'unanimité car les critiques sur sa gestion de l'environnement continuent de pleuvoir. Il est clair qu'il s'agit de sujets graves comme le démontre cette vidéo et interview du parlementaire Javier Diez Cansecoen en laquelle il expose divers points de ce problème qu'est l'exploitation minière.
Ndt : Il est fait ici référence au proverbe “Il est comme le chien du jardinier, qui ne mange point de choux et n'en laisse pas manger aux autres” selon lequel celui qui ne peut se servir de quelque chose empêche les autres aussi de s'en servir. L'ancien Président Alan Garcia utilisa cette expression pour dénoncer ceux qui ne faisaient rien pour développer le pays et empêchaient les autres de le faire.
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