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mercredi 16 novembre 2011
Ecouter en mp3
pour http://www.agoravox.fr
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La Silicon Valley est aujourd’hui le théâtre d’une guerre d’un genre nouveau. Une guerre numérique alimentée par la course à l’information ; information dont le contrôle assure le pouvoir, qu’en témoigne le siècle passé où la propagande a servi de base à la suprématie totalitaire.
A l’heure où le consommateur accueille à bras ouverts les dernières nouveautés issues des laboratoires d’Apple, exploite le potentiel de Facebook, ou profite des services gratuits de Google, le Processus est en marche. Il s’agit d’un processus d’intégration intensive et durable d’Internet à nos vies, faisant de nous des êtres interconnectés, à la fois émetteurs et récepteurs d’informations, en constante interaction avec notre environnement.
Les enjeux sont de taille et le changement inéluctable : consommation, mode de vie, loisirs et éducation sont à revoir. De là découle la nécessité d’une analyse dialectique et dynamique de notre rapport avec la technologie, plus précisément de la relation entre les géants du secteur de l’information globale et ses utilisateurs.
L’analyse sera limitée à trois leaders du marché : Facebook, Google et Apple. Ainsi, sur la base des différentes voies empruntées par chacune de ces firmes, il conviendra de s’intéresser à leurs perspectives d’avenir quant à cette lutte de pouvoir numérique, placée dans le cadre d’une véritable géopolitique de l’information.
1. Facebook, colosse aux pieds d’argile
1.1. Autrefois imité, maintenant concurrencé
Ayant posé les bases du Web social tel que nous le connaissons, Facebook a jusqu’à présent fait la course en tête des réseaux sociaux. Si Mark Zuckerberg peut se targuer d’avoir été pionnier dans le domaine, il ne sera pas pour autant leader intemporel.
En effet, depuis la création de la société en 2004, aucune entreprise concurrente n’a su faire de l’ombre à Facebook. Une raison à cela ? Trop de tentatives d’imitation sans réel désir d’innovation : concurrencer Facebook ne revient pas à créer un réseau social équivalent avec quelques nouveautés, mais consiste bel et bien à repenser les bases de ce système social. C’est là que Google+ entre en jeu.
Il est intéressant de noter par ailleurs que les réseaux sociaux thématiques (Flickr, Linkedin) ou encore limitatifs (Twitter) sont exclus de la liste des concurrents potentiels de Facebook, réseau social global.
1.2. Dynamisme forcé, image ternie
L’ouverture de Google+ au grand public en Juillet 2011 a marqué un tournant pour l’entreprise. Contesté sur son propre terrain, Facebook s’active et met en place durant l’été une série de nouveautés directement incorporées à l’interface de son site afin de combler les lacunes de son système et rattraper son retard par rapport à un Google+ embryonnaire certes, mais d’ores et déjà menaçant. La gestion des données personnelles et du partage d’information est reproduite, l’interface évolue au même moment où le contrôle de la vie privée est accru.
Ce lot de modifications chez Facebook bouscule encore une fois les habitudes des utilisateurs qui se retrouvent face à un site dont l’ampleur et la densité peut effrayer. L’opacité du système et la complexité de la gestion des informations personnelles, dont témoignent les procès de confidentialité à l’encontre du site, contribuent à la diabolisation de Facebook.
Les utilisateurs de Facebook sont donc enclins à migrer vers des solutions alternatives dès lors que ces dernières proposent des services équivalents capables de générer un flux d’activité comparable à celui de Facebook – À discuter.
1.3. Potentialité et évolution
Si les modifications récentes de Facebook et l’arrivée de nouveaux concurrents remettent en question la position dominante du site, il est encore trop tôt pour condamner le réseau social aux 800 millions d’utilisateurs.
En effet, Facebook développe son potentiel en se dotant peu à peu d’applications satellites à l’image de Yelp ou encore Spotify qui enrichissent grandement l’expérience utilisateur en proposant des services jusque là absent de la plateforme sociale.
Les revenus de la publicité sont aussi à prendre en compte : certes, Facebook reste loin derrière le leader du marketing internet Google, mais son taux de croissance est jusqu’à trois fois plus important que celui de son concurrent – l’écart se ressert.
Néanmoins, l’innovation reste au cœur de l’entreprise. Faire peau neuve et repenser l’idéologie du site pourrait redonner un nouveau souffle à Facebook, qui doit se détacher de cette image inquiétante de propriétaire de notre identité numérique. L’annonce de Facebook Timeline présage une modification stratégique pour l’entreprise, modification risquée au regard de l’aversion au changement des utilisateurs pour qui habitude est synonyme de sécurité.
L’attention doit dès lors être portée sur les besoins évolutifs des internautes. Adaptabilité et flexibilité seront de mise afin de répondre à leurs attentes – de ce point de vue, Google+ semble plus en phase avec les enjeux actuels et mériterait d’être plus connu.
2. Google+, si affinités
2.1. Google et le web social
Après l’échec du lancement d’Orkut en 2004 et plus tard de Buzz, Google entame enfin un virage social prometteur. C’est en juin 2011 que le géant du Web présente son dernier né : Google+.
Le travail effectué est remarquable : l’interface purifiée et simplifié du site sert de vitrine à ce qui s’avère être une plateforme sociale pour le moins complète. A une représentation fidèle de la vie sociale permise par le système de « cercles », vient s’ajouter une large panoplie de services dont la liste ne cesse de croître au fil des mises à jour : vidéoconférence, éditeur photo avancé ou encore page d’entreprises sont de la partie. Et Larry Page, PDG de Google annonce que ce n’est qu’un début.
C’est ainsi que Google parvient à se détacher des standards mis en place par Facebook pour proposer son propre réseau social auquel ne manque l’activisme des utilisateurs qui estiment inutile l’utilisation de Google+ en vue de la faible fréquentation du site.
2.2. La mise en place du premier Hub Internet : de l’intégration à l’homogénéisation
Google se doit de répondre à la demande, donner des raisons aux internautes de rejoindre son réseau et les inciter à faire partie de cette nouvelle expérience communautaire. Nouvelle ? Certainement. Car si Google+ n’en est aujourd’hui qu’à ses débuts, il convient de se placer dans une perspective dynamique où le potentiel de Google réside dans son pouvoir intégrateur.
A terme, le projet Google+ devrait rallier la plupart des services Google. Se plaçant dans une optique dialogique, le réseau social devrait pouvoir améliorer la qualité d’autres applications de l’entreprise, à l’instar de Maps, Youtube ou encore Gmail. Ainsi, Google+, en absorbant ces services pourra faire figure de plateforme multimédia complète disposant, contrairement à Facebook, d’une intégration, suivie d’une homogénéisation poussée et concentrée des besoins primaires de l’internaute d’aujourd’hui : musique, vidéo, documents, mails, contacts, navigation, recherche, etc – la liste est longue.
Reste à attirer les utilisateurs dans l’orbite du réseau. Pour cela, Google dispose de différentes solutions, plus ou moins contestées et contestables.
2.3. Stratégies de déploiement : concurrence, concurrences
Nul ne pourra reprocher à Google+ par exemple de s’être payé le luxe d’une publicité pour le moins voyante – une grande flèche bleue invitant à entrer dans le monde de Google+ - sur le site internet le plus consulté et la page d’accueil de la plupart d’entre nous : Google.com.
Néanmoins, l’entreprise pourrait adopter une politique concurrentielle plus agressive en profitant d’un effet de levier permis par sa position dominante de géant du Web et de la publicité numérique. Pour ce faire, Google pourrait favoriser les résultats de Google+ lors des recherches sur son site par exemple, ou encore, dans un cas extrême, rendre accessible la recherche Google, ainsi que l’ensemble des services du groupe, uniquement par le biais de l’interface de Google+. Effet garanti, certes, mais sanctions aussi : n’oublions pas que Google est déjà sous la surveillance des autorités de la concurrence.
Enfin, Android : ce système d’exploitation mobile signé Google ne cesse de se développer et de conquérir le cœur de plus en plus d’utilisateurs. L’intégration accrue de Google+ au cœur de ce système d’exploitation mobile dynamisera les deux entités qui profiteront d’avantages mutuels. Il viendra un temps ou l’écosystème développé autour des téléphones mobiles alimentera l’activité de Google+, et inversement. Sur ce terrain, Google se place en tant que concurrent direct d’Apple, avec ses millions de terminaux mobiles qui attendent au fond de vos poches la révolution du Web 3.0.
3. Apple : une longueur d’avance ?
3.1. Potentiel social, mais encore ?
Le Web social reste à portée de main pour Apple. En connectant tous ses appareils, Apple pourrait être à l’origine d’un réseau prenant appui sur les nombreux terminaux vendus, et qui bénéficie d’une culture communautaire longuement entretenue auprès des utilisateurs et autres fans de la marque. Ce dernier point met l’accent sur un déterminant essentiel de la course à l’information : la loyauté et la confiance des consommateurs envers la firme à la pomme est sans aucun doute un atout de taille dans cette rude compétition.
Si Ping ou encore Genius, deux services à caractère plus ou moins social, font pâle figure face aux géants du Web Social, Apple n’est pas pour autant dépassé dans la guerre de l’information. Il semblerait que l’entreprise ait plutôt une longueur d’avance dans le domaine. En effet, tandis que Facebook et Google se disputent la place du leader du Web 2.0, Apple fait cavalier seul vers la future et troisième révolution internet.
3.2. Convergence et interdépendance
Se focalisant jusqu’à présent sur le déploiement et la vente de ses terminaux — Ordinateurs portables, iPhones, iPad principalement — Apple se concentre tout autant sur l’amélioration de son matériel et de ses logiciels que sur la conquête du cœur des réfractaires à la marque.
Néanmoins, le dessein d’Apple est plus ambitieux : avant-gardiste et innovante, l’entreprise canalise ses efforts afin d’homogénéiser sa gamme de produit, autant sur le plan esthétique que logiciel. Cette convergence a été clairement annoncée lors de la présentation de Mac OS X Lion qui revendique avoir intériorisé l’expérience de l’entreprise acquise grâce à ses terminaux tactiles.
La stratégie d’uniformisation employée par l’entreprise transparait à la fois au travers de la mise en place d’iCloud, ou encore de logiciels tels que iMessage, Facetime ou autre, et présage d’une convergence poussée des différentes plateformes qui aboutirait à la création d’un écosystème Apple : c’est là que l’internet des objets pourrait effectivement voir le jour.
Si l’interaction entre appareils et la communication d’informations de façon intuitive, transparente et permanente font partie des enjeux de cette nouvelle ère, quelle place accorder à l’utilisateur dans ce nouvel environnement ?
3.3. Redéfinir les frontières entre l’homme et la machine
Siri. Loin d’être un simple gadget destiné à booster les ventes de l’iPhone 4S, cet assistant personnel marque le début du changement de l’expérience utilisateur.
Le mécanisme est simple et prenant : personnifier l’iPhone pour en faire un conseiller, un objet « intelligent », voire même un compagnon. Siri se place ainsi dans une optique d’optimisation de l’expérience utilisateur. Certes, Siri n’en est qu’à ses débuts et possède encore quelques défauts qui nuisent à son utilisation, mais son potentiel futur est énorme, d’autant plus que son implantation au cœur de tous les systèmes d’exploitation d’Apple ne saurait tarder.
L’entreprise se concentre de la même manière sur la façon dont l’utilisateur interagit avec ses appareils au quotidien : après l’expérience tactile apportée par l’iPhone, les travaux sur la 3D et les lentilles/écrans pourraient encore bouleverser nos habitudes.
Ainsi, il s’avère qu’Apple a fait le choix d’une intégration poussée de l’utilisateur au processus d’interdépendance qui se met en place entre les différents appareils de la firme. Dès lors, communication et uniformisation se conjuguent et se complètent afin d’asseoir les bases solides d’un futur où l’information est omniprésente et disponible à tout moment : la réalité se trouve alors augmentée. Il convient à présent de mettre en évidence les principaux enjeux et autres implications sous-jacentes aux transformations que connaît le monde d’aujourd’hui.
Conclusions et implications
En définitive, il apparaît que la guerre de l’information ne connaît pas d’issue certaine. Si Facebook et Google se livrent une rude concurrence pour le poste de leader du Web Social, notamment grâce à l’intégration de plus en plus poussée de services périphériques à leurs plateformes sociales, Apple est d’ores et déjà engagée sur la voie du Web 3.0.
Cependant, quel que soit le résultat de cet affrontement, de grands changements sont à prévoir : l’information est désormais partout, son intégration à la vie quotidienne est inéluctable. L’adaptation de notre monde, autant sur le plan politique, législatif ou encore économique, s’inscrit dans un processus d’évolution de long terme.
En ce qui concerne la consommation par exemple, la prédominance et l’accessibilité à l’information permettront l’adaptation de la production à la demande, ainsi qu’un pas en avant concernant la publicité ciblée, qui bénéficiera non seulement de plus de précision, mais aussi de l’instantanéité.
De même, la régulation de l’espace internet est à prévoir et des changements drastiques sont à mettre en place pour mieux contrôler les possibilités infinies offertes par le net.
Dresser une liste exhaustive des modifications à venir serait non seulement imprécis, mais surtout impossible en vue de l’ampleur du phénomène.
Néanmoins, une des grandes problématiques reste la relation entre ces leaders de l’information et les gouvernements. Il convient dès lors de se demander si la puissance acquise par ses firmes sera absorbée, contrôlée voire intégrée aux appareils d’Etat, ou au contraire, l’indépendance relative de ces entreprise sera préservée, au quel cas le Pouvoir se verrait changer de mains. Ainsi, Apple, Google, Facebook, ou tout nouvel entrant sur le marché, peut être considéré comme un architecte du monde de demain, un monde où les frontières terrestres pourraient bien se voir remplacées par des frontières numériques. Après l’ère des nations, place à l’ère de l’information.
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