Par Julien Teil
pour http://laguerrehumanitaire-lefilm.tumblr.com
Lorsque la National Endowment for Democracy est crée en 1982, elle prévoit d’utiliser le prétexte des “droits de l’homme et de la démocratie” pour justifier ses activités. Elle va ainsi parvenir à sceller de très importants partenariats avec différentes associations de renommée internationale dans les années 90, comme par exemple avec la FIDH ( Fédération Internationale des Droits de l’Homme). La même décennie sera marquée par la participation des organisations de droits de l’homme, dont celles de la NED, aux premiers travaux qui conduiront à la naissance d’une cour de justice internationale permanente. Ces travaux démarrent en 1994 et aboutissent à l’adoption du statut de Rome en 1998. Mais seuls 121 pays sur 200 ratifieront les statuts de la Cour Pénale Internationale (CPI). Les ONG de la NED et de l’IEEDH (Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme) s’engagent alors dans un véritable lobby afin de convaincre les pays méfiants à l’égard de la Cour Pénale Internationale. Par ailleurs, certains intellectuels ont à l’époque vivement critiqué ce projet, dénonçant une chose prévisible: Cette nouvelle cour de justice pourrait en définitive devenir un instrument supplémentaire des puissants contre les faibles. En cette fin d’année 2011 le comportement de la Cour Pénale Internationale et de son actuel procureur Luis-Moreno Ocampo, ne font que montrer la légitimité de ces inquiétudes. La crédibilité de la CPI est plus qu’atteinte, son fonctionnement contesté, mais par-dessus tout son impartialité. Elle a en effet, dans le cas libyen, pris position en faveur d’un camp dans une Guerre Civile et cela sur la base d’aucune preuve solide.
Le double jeu des Etats-Unis face à la CPI.
Après deux réunions de l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1995, un comité préparatoire (PrepCom) est crée afin d’élaborer les statuts de la future Cour Pénale Internationale. Ce comité se réunira plusieurs fois par an jusqu’en 1998 - année de l’adoption du Statut de Rome. Au nom de la lutte pour la reconnaissance de la responsabilité des auteurs de crimes, de nombreuses ONG ont participé à PrepCom notamment en se réunissant au sein d’une organisation : La Coalition pour la Cour Pénale Internationale.
Cette dernière regroupe aujourd’hui plus de 1000 ONGs qui, au delà d’avoir participé à PrepCom, poursuivent une activité de lobbying auprès des Etats qui n’auraient pas encore reconnus la Cour Pénale Internationale. L’organisation est administrée par un Comité exécutif rassemblant une vingtaine d’ONGs parmi lesquelles Amnesty International ; la FIDH ; Human Rights Watch ; mais aussi des organisations de la NED comme l’ Associacion Pro Derechos Humanos (APRODEH). L’organisation se dote également d’un Conseil Consultatif dont le président est Kofi Annan et de membres parmi lesquels Lloyd Axworthy (un des pères de la R2P - responsabilité de protéger) ; le Juge Richard Goldstone ; le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein de Jordanie ; etc.
Parmi les ONG ayant participé à PrepCom, certaines incarnent de façon évidente les intérêts des États-Unis que l’on peut résumer ainsi: Les États-Unis ne souhaitent pas ratifier certains statuts de la Cour Pénale Internationale et ainsi rester à l’abri de cette justice. Mais ils souhaitent néanmoins pousser les États du monde entier, et en particulier ceux du Sud et leurs concurrents stratégiques à se soumettre à cette justice et donc à reconnaître la Cour et le Statut de Rome. A la suite de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale , l’hostilité états-unienne s’exprime premièrement par un refus catégorique de toute coopération avec la Cour Pénale Internationale dans le cadre des possibles crimes américains commis dans la “lutte contre le terrorisme”. Cette volonté est formalisée par l’ American Service Members Protection Act (ASPA) signé le 2 Août 2002 par l’ex-président George W. Bush et garantit d’utiliser « tous les moyens nécessaires et appropriés pour libérer un citoyen américain détenu par la CPI ». Par ailleurs, les États-Unis tentent d’instrumentaliser la base légale de l’article 98 du Statut de Rome qui oblige une coopération des États signataires avec la CPI. Or les États-Unis n’entendent pas se soumettre à ceci et signent plus de 60 Accords Bilatéraux d’Immunité (ABI) afin d’exclure ses officiels et ex-officiels résidents dans les pays signataires de ces ABI de se rendre à la Cour Pénale Internationale dans le cadre d’un mandat d’arrêt.
Cette pratique est dénoncée par les mêmes ONG de la Coalition pour la Cour Pénale Internationale mais sans réel effet. En effet, les conséquences de la condamnation de la pratique états-unienne ne vont pas plus loin que les différentes condamnations concernant l’application partiale de la R2P (Responsabilité de Protéger) - qui n’a par exemple jamais été appliquée pour la protection du peuple palestinien. Les États-Unis se posent donc officiellement au dessus d’une justice internationale dont ils font par ailleurs la promotion auprès des États qui sont soient leurs adversaires stratégiques ; soient ceux vis à vis desquels ils ont des ambitions impériales.
Pour y parvenir, la NED et ses partenaires sélectionnent et forment des personnes à devenir des “défenseurs des droits de l’homme” et créent ainsi un véritable réseau de “société civile internationale”, ce à quoi on peut être assimilé le World Movement for Democracy de la NED. Les membre de ce réseau, bien qu’ayant une capacité d’action locale et indépendante, demeurent sous le contrôle de la NED et fournissent ainsi un support aux volontés impériales des États-Unis et de leurs alliés.
La Ned en Afrique
L’Afrique Sub-Saharienne est longtemps restée une zone d’influence francophone dont la France se servait pour poursuivre une politique post-coloniale de prédation des richesses (Uranium ; Pétrole ; Gaz). Mais au cours des années 90, les partenariats entre la National Endowment for Democracy et les ONG de droits de l’homme françaises se sont multipliés. Cette réalité peut être interprétée comme un manque de sérieux de la part des associations françaises dans la critique du néo-colonialisme mais en réalité c’est avant tout la question politique qui va influencer le travail et les réseaux des ONG de droits de l’homme en Afrique.
Un document daté d’Octobre 1998 peut attester de l’influence alors croissante de la NED en Afrique. Il s’agit d’un appel lancé par l’ONG Derechos Human Rights, une organisation financée par la NED en Amérique Latine. En réalité ce document a été écrit et publié par l’ Observatory for the Protection of Human Rights defenders (Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme). Cette organisation a été conjointement fondée par la FIDH et l’organisation mondiale contre la torture - une organisation présidée par l’ex-fonctionnaire français aux Nations Unies Yves Berthelot. Le contenu du document fait état de l’arrestation de plusieurs “défenseurs des droits de l’homme” en République Démocratique du Congo (RDC) :
Immaculé Biraheka est la Directrice de l’organisation PAIF (Promotion et Appui aux Initiatives Feminines) basée à Goma, en République Démocratique du Congo (RDC). Cette organisation reçoit dés 1996 une bourse de la NED par l’intermédiaire de l’International Human Rights Law Group puis directement par la NED pour les années 2000, 2001, 2003, 2004, et 2005. Elle reçoit le Democracy Award en 2006, la récompense de la NED. Elle est officiellement arrêtée le 8 mai 1998 pour avoir rencontré Dave Peterson, le responsable de la NED pour l’Afrique depuis 1998.
Paul Nsapu est l’actuel vice-président de la FIDH. Selon le Comité pour la Solidarité avec le Congo Kinshasa, il est arrêté en compagnie de Sabin Banza, le lundi 27 avril 1998 à la sortie d’un rendez-vous à l’ambassade de Belgique à Kinshasa. Ils sont alors respectivement président et vice-président de la Ligue des Électeurs (Elector’s League). Le président Laurent Désiré Kabila les accuse d’être des “espions au service de la Belgique et fomentant un complot pour le renverser”. La Ligue Des Électeurs est une organisation membre du réseau de la FIDH et du World Movement for Democracy (NED). Paul Nsapu est par ailleurs le coordinateur du Bureau National pour l’Observatoire et la Surveillance des Elections en République Démocratique du Congo.
Le 28 Octobre 2011, il est cette fois arrêté à Dakar alors qu’il y était attendu pour une conférence de presse où il devait présenter le dernier rapport de la FIDH et de l’Organisation Mondiale de la Torture. Il est cette fois arrêté en compagnie d’Alioune Tine, le président de la RADDHO.
Alioune Tine est connu pour être un violent opposant au président Wade. En effet, il multiplie depuis un certain temps ses voyages à l’étranger afin d’y obtenir le support des pays occidentaux. Il est par ailleurs le président de la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme). La réunion fête cette année ses 20 ans et est financée par des ambassades (États-Unis , Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne) ; des ONG et fondations (Human Rights Watch, Fondation Ford ; etc.) mais surtout par AEDH (Agir ensemble pour les Droits de l’Homme), un partenaire français essentiel de la NED en Afrique. Son récent voyage aux États-Unis afin de demander une “intervention occidentale” au Sénégal ne fait aucun doute quant à ses ambitions.
La NED et la France partent en croisade droits-de-l’hommiste.
En décembre 2009, le président de la NED Carl Gershman se rend en France afin de resserrer les liens de la NED avec la France. Il y rencontre par la même occasion François Zimmeray, l’ex-Ambassadeur pour les droits de l’homme de l’ex-Ministre des Affaires Étrangères Bernard Kouchner. Des rencontres avec AEDH, la FIDH et d’autres associations sont organisées.
La NED et la CPI.
Il est difficile de mesurer avec précision l’influence de la NED dans le soutien à la Cour Pénale Internationale et à sa reconnaissance internationale (États-Unis exclus). Il y a néanmoins des grandes lignes qui se dégagent des rapports entretenus par les membres de la NED et la Cour Pénale Internationale.
Alioune Tine, le président de la RADDHO s’est personnellement investi dans les travaux PrepCom de la CPI de 1996 à 1998. Par ailleurs et sur un autre volet relatif à la CPI, il a participé à la médiation en Côte d’Ivoire sous l’égide du National Democratic Institute (NDI), l’organisation démocrate de la NED. En 2009, il avait également appelé à la saisine de la Cour Pénale Internationale pour les “crimes commis en Guinée”.
Luis-Moreno Ocampo , l’actuel procureur de la Cour Pénale Internationale dont les preuves publiques attestant des crimes contre l’humanité commis par la Jamahiriya arabe libyenne se limitent à des articles de presse et des déclarations d’associations liées à la FIDH où à la NED, a lui même co-fondé une organisation de la NED en Argentine. Il s’agit de l’organisation Poder Ciudadano qui vise à “promouvoir la responsabilité citoyenne et la participation à la vie publique”.
Plus généralement, le travail de lobby auprès de la Cour Pénale Internationale a été délégué à la Coalition pour la Cour Pénale Internationale ainsi qu’à l’IEDDH (Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme). L’IEEDH est un projet qui fut initié par le parlement européen et son actuel vice-président Edward McMillan-Scott.
L’IEEDH est en réalité un instrument similaire à la NED pour l’Union Européenne et fonctionne sur le même modèle : c’est à dire en finançant des milliers d’organisations dans le monde. Au delà de s’attribuer un combat en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, l’IEEDH favorise le travail de la NED en Europe et à l’international. Par ailleurs, son fondateur Edward Mc-Millan est un très bon ami de Carl Gershman, le président de la NED. Celui-ci le remercia chaleureusement pour son discours lors d’un séminaire de l’IRI (International Republican Institute) - la branche républicaine de la NED.
La Coalition pour la Cour Pénale Internationale quant à elle poursuit officiellement un travail de lobby pour pousser des pays comme le Salvador à ratifier le statut de Rome. Elle revendique certains succès comme la ratification du Sénégal ou l’organisation de sempiternels plaidoyés en faveur de la ratification du Statut de Rome par les pays du Sud.
La Cour Pénale Internationale est manifestement un outil de domination dont les propres principes ne sont pas respectés par ceux qui sont chargés de la conduire. Le cas libyen est gravissime et reflète de façon évidente l’incarnation du colonialisme contemporain qui entend utiliser les droits de l’homme comme principe colonisateur. La codification du droit d’ingérence dans la R2P (Responsabilité de Protéger), alliée à une cour de justice partiale et au conseil de sécurité des Nations Unies, empêchent la possibilité même de l’exercice des principes dont ils prétendent pourtant être les outils. La National Endowment for Democracy et leurs alliés quant à eux fournissent la substance essentielle sans laquelle ce système de domination moderne ne pourrait fonctionner. Et il ne s’agit pas simplement d’un système idéologique et virtuel mais également d’hommes formés à ces idéologies ainsi que de structures financées et soutenues diplomatiquement. Ceci met en lumière l’alliance de l‘“Impérialisme Humanitaire” avec la “Justice Internationale” et révèle qu’ils ne peuvent exister de manière strictement indépendante.
pour http://laguerrehumanitaire-lefilm.tumblr.com
Lorsque la National Endowment for Democracy est crée en 1982, elle prévoit d’utiliser le prétexte des “droits de l’homme et de la démocratie” pour justifier ses activités. Elle va ainsi parvenir à sceller de très importants partenariats avec différentes associations de renommée internationale dans les années 90, comme par exemple avec la FIDH ( Fédération Internationale des Droits de l’Homme). La même décennie sera marquée par la participation des organisations de droits de l’homme, dont celles de la NED, aux premiers travaux qui conduiront à la naissance d’une cour de justice internationale permanente. Ces travaux démarrent en 1994 et aboutissent à l’adoption du statut de Rome en 1998. Mais seuls 121 pays sur 200 ratifieront les statuts de la Cour Pénale Internationale (CPI). Les ONG de la NED et de l’IEEDH (Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme) s’engagent alors dans un véritable lobby afin de convaincre les pays méfiants à l’égard de la Cour Pénale Internationale. Par ailleurs, certains intellectuels ont à l’époque vivement critiqué ce projet, dénonçant une chose prévisible: Cette nouvelle cour de justice pourrait en définitive devenir un instrument supplémentaire des puissants contre les faibles. En cette fin d’année 2011 le comportement de la Cour Pénale Internationale et de son actuel procureur Luis-Moreno Ocampo, ne font que montrer la légitimité de ces inquiétudes. La crédibilité de la CPI est plus qu’atteinte, son fonctionnement contesté, mais par-dessus tout son impartialité. Elle a en effet, dans le cas libyen, pris position en faveur d’un camp dans une Guerre Civile et cela sur la base d’aucune preuve solide.
Le double jeu des Etats-Unis face à la CPI.
Après deux réunions de l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1995, un comité préparatoire (PrepCom) est crée afin d’élaborer les statuts de la future Cour Pénale Internationale. Ce comité se réunira plusieurs fois par an jusqu’en 1998 - année de l’adoption du Statut de Rome. Au nom de la lutte pour la reconnaissance de la responsabilité des auteurs de crimes, de nombreuses ONG ont participé à PrepCom notamment en se réunissant au sein d’une organisation : La Coalition pour la Cour Pénale Internationale.
Cette dernière regroupe aujourd’hui plus de 1000 ONGs qui, au delà d’avoir participé à PrepCom, poursuivent une activité de lobbying auprès des Etats qui n’auraient pas encore reconnus la Cour Pénale Internationale. L’organisation est administrée par un Comité exécutif rassemblant une vingtaine d’ONGs parmi lesquelles Amnesty International ; la FIDH ; Human Rights Watch ; mais aussi des organisations de la NED comme l’ Associacion Pro Derechos Humanos (APRODEH). L’organisation se dote également d’un Conseil Consultatif dont le président est Kofi Annan et de membres parmi lesquels Lloyd Axworthy (un des pères de la R2P - responsabilité de protéger) ; le Juge Richard Goldstone ; le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein de Jordanie ; etc.
Parmi les ONG ayant participé à PrepCom, certaines incarnent de façon évidente les intérêts des États-Unis que l’on peut résumer ainsi: Les États-Unis ne souhaitent pas ratifier certains statuts de la Cour Pénale Internationale et ainsi rester à l’abri de cette justice. Mais ils souhaitent néanmoins pousser les États du monde entier, et en particulier ceux du Sud et leurs concurrents stratégiques à se soumettre à cette justice et donc à reconnaître la Cour et le Statut de Rome. A la suite de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale , l’hostilité états-unienne s’exprime premièrement par un refus catégorique de toute coopération avec la Cour Pénale Internationale dans le cadre des possibles crimes américains commis dans la “lutte contre le terrorisme”. Cette volonté est formalisée par l’ American Service Members Protection Act (ASPA) signé le 2 Août 2002 par l’ex-président George W. Bush et garantit d’utiliser « tous les moyens nécessaires et appropriés pour libérer un citoyen américain détenu par la CPI ». Par ailleurs, les États-Unis tentent d’instrumentaliser la base légale de l’article 98 du Statut de Rome qui oblige une coopération des États signataires avec la CPI. Or les États-Unis n’entendent pas se soumettre à ceci et signent plus de 60 Accords Bilatéraux d’Immunité (ABI) afin d’exclure ses officiels et ex-officiels résidents dans les pays signataires de ces ABI de se rendre à la Cour Pénale Internationale dans le cadre d’un mandat d’arrêt.
Cette pratique est dénoncée par les mêmes ONG de la Coalition pour la Cour Pénale Internationale mais sans réel effet. En effet, les conséquences de la condamnation de la pratique états-unienne ne vont pas plus loin que les différentes condamnations concernant l’application partiale de la R2P (Responsabilité de Protéger) - qui n’a par exemple jamais été appliquée pour la protection du peuple palestinien. Les États-Unis se posent donc officiellement au dessus d’une justice internationale dont ils font par ailleurs la promotion auprès des États qui sont soient leurs adversaires stratégiques ; soient ceux vis à vis desquels ils ont des ambitions impériales.
Pour y parvenir, la NED et ses partenaires sélectionnent et forment des personnes à devenir des “défenseurs des droits de l’homme” et créent ainsi un véritable réseau de “société civile internationale”, ce à quoi on peut être assimilé le World Movement for Democracy de la NED. Les membre de ce réseau, bien qu’ayant une capacité d’action locale et indépendante, demeurent sous le contrôle de la NED et fournissent ainsi un support aux volontés impériales des États-Unis et de leurs alliés.
La Ned en Afrique
L’Afrique Sub-Saharienne est longtemps restée une zone d’influence francophone dont la France se servait pour poursuivre une politique post-coloniale de prédation des richesses (Uranium ; Pétrole ; Gaz). Mais au cours des années 90, les partenariats entre la National Endowment for Democracy et les ONG de droits de l’homme françaises se sont multipliés. Cette réalité peut être interprétée comme un manque de sérieux de la part des associations françaises dans la critique du néo-colonialisme mais en réalité c’est avant tout la question politique qui va influencer le travail et les réseaux des ONG de droits de l’homme en Afrique.
Un document daté d’Octobre 1998 peut attester de l’influence alors croissante de la NED en Afrique. Il s’agit d’un appel lancé par l’ONG Derechos Human Rights, une organisation financée par la NED en Amérique Latine. En réalité ce document a été écrit et publié par l’ Observatory for the Protection of Human Rights defenders (Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme). Cette organisation a été conjointement fondée par la FIDH et l’organisation mondiale contre la torture - une organisation présidée par l’ex-fonctionnaire français aux Nations Unies Yves Berthelot. Le contenu du document fait état de l’arrestation de plusieurs “défenseurs des droits de l’homme” en République Démocratique du Congo (RDC) :
- Immaculé Biraheka
Immaculé Biraheka est la Directrice de l’organisation PAIF (Promotion et Appui aux Initiatives Feminines) basée à Goma, en République Démocratique du Congo (RDC). Cette organisation reçoit dés 1996 une bourse de la NED par l’intermédiaire de l’International Human Rights Law Group puis directement par la NED pour les années 2000, 2001, 2003, 2004, et 2005. Elle reçoit le Democracy Award en 2006, la récompense de la NED. Elle est officiellement arrêtée le 8 mai 1998 pour avoir rencontré Dave Peterson, le responsable de la NED pour l’Afrique depuis 1998.
- Paul Nsapu
Paul Nsapu est l’actuel vice-président de la FIDH. Selon le Comité pour la Solidarité avec le Congo Kinshasa, il est arrêté en compagnie de Sabin Banza, le lundi 27 avril 1998 à la sortie d’un rendez-vous à l’ambassade de Belgique à Kinshasa. Ils sont alors respectivement président et vice-président de la Ligue des Électeurs (Elector’s League). Le président Laurent Désiré Kabila les accuse d’être des “espions au service de la Belgique et fomentant un complot pour le renverser”. La Ligue Des Électeurs est une organisation membre du réseau de la FIDH et du World Movement for Democracy (NED). Paul Nsapu est par ailleurs le coordinateur du Bureau National pour l’Observatoire et la Surveillance des Elections en République Démocratique du Congo.
Le 28 Octobre 2011, il est cette fois arrêté à Dakar alors qu’il y était attendu pour une conférence de presse où il devait présenter le dernier rapport de la FIDH et de l’Organisation Mondiale de la Torture. Il est cette fois arrêté en compagnie d’Alioune Tine, le président de la RADDHO.
- Alioune Tine
Alioune Tine est connu pour être un violent opposant au président Wade. En effet, il multiplie depuis un certain temps ses voyages à l’étranger afin d’y obtenir le support des pays occidentaux. Il est par ailleurs le président de la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme). La réunion fête cette année ses 20 ans et est financée par des ambassades (États-Unis , Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne) ; des ONG et fondations (Human Rights Watch, Fondation Ford ; etc.) mais surtout par AEDH (Agir ensemble pour les Droits de l’Homme), un partenaire français essentiel de la NED en Afrique. Son récent voyage aux États-Unis afin de demander une “intervention occidentale” au Sénégal ne fait aucun doute quant à ses ambitions.
La NED et la France partent en croisade droits-de-l’hommiste.
En décembre 2009, le président de la NED Carl Gershman se rend en France afin de resserrer les liens de la NED avec la France. Il y rencontre par la même occasion François Zimmeray, l’ex-Ambassadeur pour les droits de l’homme de l’ex-Ministre des Affaires Étrangères Bernard Kouchner. Des rencontres avec AEDH, la FIDH et d’autres associations sont organisées.
- AEDH développe des programmes internationaux dont CIVIK (Consolider, Impulser et Valoriser les Initiatives de la société civile au Kivu). Le Kivu est une province du Congo Kinshasa (RDC) théâtre d’affrontements réguliers. Ce programme est réalisé avec le soutien de la Commission Européenne et de la NED.
- AEDH propose également un “Programme de formation pratique de jeunes défenseurs des droits de l’Homme en Afrique”. Mis en œuvre avec 7 associations partenaires de la NED et de la FIDH (RADDHO ; OCDH ; Groupe Lotus, etc.), le programme a formé près de cent jeunes qui rejoignent ensuite des équipes associatives locales et partenaires. Ce programme est quant à lui financé par la NED, le Ministère Français des Affaires Étrangères, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (lui même partenaire de la NED), etc.
La NED et la CPI.
Il est difficile de mesurer avec précision l’influence de la NED dans le soutien à la Cour Pénale Internationale et à sa reconnaissance internationale (États-Unis exclus). Il y a néanmoins des grandes lignes qui se dégagent des rapports entretenus par les membres de la NED et la Cour Pénale Internationale.
Alioune Tine, le président de la RADDHO s’est personnellement investi dans les travaux PrepCom de la CPI de 1996 à 1998. Par ailleurs et sur un autre volet relatif à la CPI, il a participé à la médiation en Côte d’Ivoire sous l’égide du National Democratic Institute (NDI), l’organisation démocrate de la NED. En 2009, il avait également appelé à la saisine de la Cour Pénale Internationale pour les “crimes commis en Guinée”.
Luis-Moreno Ocampo , l’actuel procureur de la Cour Pénale Internationale dont les preuves publiques attestant des crimes contre l’humanité commis par la Jamahiriya arabe libyenne se limitent à des articles de presse et des déclarations d’associations liées à la FIDH où à la NED, a lui même co-fondé une organisation de la NED en Argentine. Il s’agit de l’organisation Poder Ciudadano qui vise à “promouvoir la responsabilité citoyenne et la participation à la vie publique”.
Plus généralement, le travail de lobby auprès de la Cour Pénale Internationale a été délégué à la Coalition pour la Cour Pénale Internationale ainsi qu’à l’IEDDH (Initiative Européenne pour la Démocratie et les Droits de l’Homme). L’IEEDH est un projet qui fut initié par le parlement européen et son actuel vice-président Edward McMillan-Scott.
L’IEEDH est en réalité un instrument similaire à la NED pour l’Union Européenne et fonctionne sur le même modèle : c’est à dire en finançant des milliers d’organisations dans le monde. Au delà de s’attribuer un combat en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, l’IEEDH favorise le travail de la NED en Europe et à l’international. Par ailleurs, son fondateur Edward Mc-Millan est un très bon ami de Carl Gershman, le président de la NED. Celui-ci le remercia chaleureusement pour son discours lors d’un séminaire de l’IRI (International Republican Institute) - la branche républicaine de la NED.
La Coalition pour la Cour Pénale Internationale quant à elle poursuit officiellement un travail de lobby pour pousser des pays comme le Salvador à ratifier le statut de Rome. Elle revendique certains succès comme la ratification du Sénégal ou l’organisation de sempiternels plaidoyés en faveur de la ratification du Statut de Rome par les pays du Sud.
La Cour Pénale Internationale est manifestement un outil de domination dont les propres principes ne sont pas respectés par ceux qui sont chargés de la conduire. Le cas libyen est gravissime et reflète de façon évidente l’incarnation du colonialisme contemporain qui entend utiliser les droits de l’homme comme principe colonisateur. La codification du droit d’ingérence dans la R2P (Responsabilité de Protéger), alliée à une cour de justice partiale et au conseil de sécurité des Nations Unies, empêchent la possibilité même de l’exercice des principes dont ils prétendent pourtant être les outils. La National Endowment for Democracy et leurs alliés quant à eux fournissent la substance essentielle sans laquelle ce système de domination moderne ne pourrait fonctionner. Et il ne s’agit pas simplement d’un système idéologique et virtuel mais également d’hommes formés à ces idéologies ainsi que de structures financées et soutenues diplomatiquement. Ceci met en lumière l’alliance de l‘“Impérialisme Humanitaire” avec la “Justice Internationale” et révèle qu’ils ne peuvent exister de manière strictement indépendante.
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