Source : http://surveillance.rsf.org
English Cyber-censorship in 2012 overview
English Cyber-censorship in 2012 overview
Une sélection de faits marquants liés à la censure et à la surveillance du Net
Gouvernance du Net et neutralité
Reconnaissance onusienne du droit à la liberté d'expression sur Internet
Le 5 juillet 2012, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU affirme pour la première fois le droit à la liberté d'expression sur Internet. La haute instance de Genève affirme que les droits en vigueur dans le monde physique doivent être reconnus également sur Internet indépendamment des frontières. La résolution appelle les Etats “à promouvoir et à faciliter l'accès à Internet et la coopération internationale visant à faciliter le développement des médias et des communications dans tous les pays”.
La Conférence mondiale des télécommunications internationales (CMTI)
En décembre 2012 à Dubaï, la Conférence mondiale des
télécommunications internationales, organisée par l’Union internationale
des télécommunications (UIT), est le théâtre d’une confrontation, voire
d’un affrontement, entre des visions de la gouvernance d’Internet et du
futur de l’information en ligne. A l’issue des travaux, moins de la moitié des Etats membres de l’UIT (89 sur 193) signent le nouveau traité révisant le Règlement des télécommunications internationales (RTI). Une coalition de 55 États refuse de signer le traité. Parmi ces réfractaires, les États-Unis et les États de l’Union européenne,
qui pointent certaines dispositions sur la gestion des spams et la
sécurité des réseaux, ainsi qu’une résolution impliquant l’UIT dans la
gouvernance du Web, adoptée dans la confusion la plus totale (résolution
PLEN/3). Ils clament que ces dispositions pourraient légitimer les
efforts de censure et la mise en place de blocage et de filtrage par des
pays aux traditions de contrôle du Web.
L’absence de participation de la société civile et de
transparence des procédures est vivement critiquée sur le moment par
nombre d’ONG, appuyées par le Rapporteur Spécial pour la liberté d’expression aux Nations Unies, Frank La Rue.
Occasion manquée de préserver Internet en tant qu’espace d’échanges et
de liberté, le sommet de Dubai révèle des luttes d’influence en ligne
entre les États. Plus d’informations : Center for Technology and Democracy.
Le traité anti-contrefaçon ACTA rejetée par l’UE
Le 4 juillet 2012, le Parlement européen
rejette le traité anti-contrefaçon ACTA, qui menaçait les libertés
fondamentales en ligne, et notamment la liberté d’information, la
neutralité du Net, l’innovation, l’accès et le partage des technologies
libres. Une victoire pour la mobilisation citoyenne qui a vu le jour
grâce à l’action de groupes comme La Quadrature du Net et Panoptikon.
Les Pays-Bas et la Slovénie font avancer la neutralité du net, le Brésil piétine
Après les Pays-Bas ou le Chili, au tour de la Slovénie d’adopter, en décembre 2012, une loi qui consacre la neutralité du net et interdit aux fournisseurs d’accès à Internet de discriminer différents types de trafics en ligne. L’adoption de la proposition de loi “Marco Civil” au Brésil continue d’être renvoyée aux calendes grecques suite aux pressions de l’industrie du film et de la musique. Largement soutenue par la société civile brésilienne, qui la considère comme une loi modèle, cette disposition entend définir les droits et devoirs de l’État, des usagers mais aussi des intermédiaires techniques en matière d’usage du réseau Internet, de droit d’auteur et de protection des données personnelles, tout en préservant la neutralité du Net, la vie privée et la liberté de circulation de l’information en ligne.
Le filtrage contraire aux droits fondamentaux ?
Le 18 décembre 2012, dans une décision rendue contre la Turquie, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé pour la première fois
qu’une mesure de blocage d’un site Internet était contraire à l’article
10. Les juges ont précisé que : “Internet est aujourd’hui devenu l’un
des principaux moyens d’exercice par les individus de leur droit à la
liberté d’expression et d’information ; on y trouve des outils
essentiels de participation aux activités et débats relatifs à des
questions politiques ou d’intérêt public”. La Cour de justice de l’Union
européenne avait déjà précisé dans une décision du 24/11/2011 que le filtrage généralisé portait atteinte aux droits fondamentaux.
Les intermédiaires techniques jouent la carte de la transparence
La dernière édition du “Rapport Transparence”
de Google, rendue publique en novembre 2012, indique une forte hausse
de la cybersurveillance gouvernementale et montre que “les requêtes
gouvernementales relatives aux données des utilisateurs ont
régulièrement augmenté depuis la publication de notre premier
Transparency Report”. En juin 2012, Google s’inquiétait de la recrudescence des demandes de suppression de pages où sont publiés des messages politiques. Il est possible de consulter pays par pays l’évolution des demandes de renseignements sur les utilisateurs ici et les demandes de suppression des contenus ici.
La démarche de Google fait des émules. Twitter lance en juillet 2012 son propre rapport sur la transparence.
Il met en avant les requêtes gouvernementales relatives aux données
personnelles d’utilisateurs (les Etats-Unis occupent la première place),
aux retraits de contenus par des gouvernements ou des ayants-droits.
Twitter s’engage également à indiquer par un message tout tweet retiré pour des raisons de copyright et de les transmettre au site Chilling Effects.
Offensive legislative ou hemorragie legislative
Surveillance généralisée pour assurer la cybersécurité ?
Les régimes autoritaires n’ont pas le monopole des
initiatives législatives liberticides. Des pays considérés comme
démocratiques et respectueux des libertés individuelles prennent des
initiatives d’autant plus préoccupantes qu’elles justifient ensuite les
dérives des premiers.
Grande-Bretagne
En décembre 2012, le Premier ministre adjoint Nick Clegg annonce le retrait du British Communications Data Bill. Ce texte sera donc revu.
La première mouture du projet, rendue publique au printemps 2012,
visait à instaurer un dispositif de surveillance généralisée des
communications en mettant à la disposition du renseignement britannique tous les relevés de communication téléphonique et électronique des citoyens, au nom de la lutte contre les cybercrimes.
Etats-Unis
La proposition de loi américaine Cyber Intelligence Sharing
and Protection Act (CISPA) a été accusée par ses détracteurs
d’autoriser des violations de la vie privée au nom de la protection de
la cybersécurité. Alors qu’elle semblait susciter un large soutien au
sein du Congrès américain, elle s’est heurtée à un tollé général qui a
permis des modifications substantielles en terme de protection de la vie
privée, la menace d’un veto de la Maison Blanche et un nombre très
éloquent de votes “contre”. Une nouvelle version de CISPA est introduite en janvier 2013 et pourrait être examiné par le Congrès dès avril 2013.
Le Foreign Intelligence Surveillance Amendments Act (FISAA)
de 2008 a été renouvelé en décembre 2012 pour une période s'étendant
jusqu'à 2017. Ce texte octroie un pouvoir de surveillance exceptionnel à l’État américain.
Il autorise celui-ci à accéder aux données des citoyens non américains
si ceux-ci utilisent un service de cloud computing mis à disposition par
une société américaine. À titre d’exemple, après l’émission d’un mandat
secret émis par un tribunal spécial, ce texte permet aux autorités
américaines d'obliger Google à donner accès à l’ensemble des données
(emails, documents, contacts, agenda) de l’un de ses clients pour peu
que celui-ci ne soit pas citoyen américain. Le parlement européen s’est
inquiété de l’étendue de ces nouveaux pouvoirs de surveillance sélectifs
dans un rapport, Fighting cyber crime and protecting privacy in the cloud, publié fin 2012.
Pays-Bas
Accusant les outils d’anonymisation tels que Tor de rendre plus difficile la traque des cybercriminels et des pédophiles, le gouvernement a fait pression sur les députés
afin qu’ils adoptent une loi destinée à renforcer les pouvoirs de
surveillance de la police, y compris hors des frontières nationales.
Cette dernière serait ainsi en mesure d’installer des logiciels espions,
de fouiller des ordinateurs dans le pays et à l’étranger et de
supprimer des fichiers jugés illégaux sur des ordinateurs situé à
l’extérieur du pays sans demander auparavant l’assistance légale des
gouvernements concernés. Lire l’analyse de Electronic Frontier Foundation.
Philippines
Le 9 octobre 2012, la Cour suprême des Philippines suspend l’application du Cybercrime Prevention Act 2012 (Republic Act n° 10175), qui intégrait la diffamation sur Internet parmi les “cybercrimes”. Après avoir reçu une quinzaine de pétitions
lui demandant de se prononcer sur la validité de la loi, la Cour s’est
prononcée à l’unanimité. Reporters sans frontières demande l’abrogation
de ce texte qui, sous couvert d’une lutte légitime contre la
cybercriminalité, présente une véritable menace pour la liberté de
l’information.
Malawi
Le projet de loi E-Bill obligerait les responsables de
publications en ligne à rendre leurs coordonnées personnelles publiques
et créerait une cyberpolice chargée d’inspecter les sites Internet à la
recherche d’activités illégales. D’après le Media Institute of Southern Africa (MISA), les autorités cherchent ainsi à réguler et contrôler les publications en ligne.
Pérou
Une proposition de loi sur le cybercrime risque de mettre en place de potentielles restrictions à la liberté sur Internet. A l’initiative de l’ONG Access, des universitaires et membres de la société civile péruvienne ont adressé une lettre ouverte au parlement péruvien pour dénoncer ce texte.
Irak
Le Parlement irakien a révoqué en janvier 2013 la loi sur
le cybercrime, critiquée pour sa définition très large des délits
(“violation des principes religieux, moraux et sociaux”) et les
sanctions très lourdes prévues (perpétuité pour “utilisation
d’ordinateurs” dans le but de “porter atteinte à la réputation du
pays”). Lire l’analyse de Access Now.
Protection de l’enfance, l’alibi parfait
Russie
Au nom de la “protection de l’enfance”, une liste noire a été mise en place le 1er novembre 2012 par une agence fédérale, pour répertorier les sites Internet “néfastes”
promis au blocage sans débat contradictoire ni décision judiciaire. La
définition vague et large des contenus visés (pornographie, extrémisme,
apologie du suicide et de l’usage de drogue...) et le manque
d’indépendance de l’instance de contrôle ouvrent la porte au surblocage.
En outre, un marquage par catégorie d’âge (“interdit aux moins de 6,
12, 16 ou 18 ans”) a été imposé à l’ensemble des sites d’information en
ligne. Pour garantir une meilleure application de ces dispositions, un
projet de loi destiné à interdire les outils de contournement de la
censure en ligne a été introduit en commission parlementaire à la Douma.
Canada
Déposé à la Chambre des Communes en février 2012 par le ministre de la Sécurité publique, le projet de loi C-30,
appelé Protecting Children from Internet Predators Act, entérine une
surveillance disproportionnée de tous les internautes et permet aux
autorités d’obtenir des renseignements d’utilisateurs sans mandat
judiciaire. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et opérateurs de
téléphonie mobile pourraient ainsi être obligés de mettre en place des
outils pour surveiller et enregistrer les communications de leurs
abonnés. La police pourrait également installer, sans mandat judiciaire,
un dispositif permettant de relever l’adresse IP de tout appareil
connecté à Internet.
Copyright vs liberté d’expression en ligne
Etats-Unis
Les propositions de loi américaines antipiratage, "Stop Online Piracy Act" (SOPA) et "Protect IP Act" (PIPA) ont suscité une énorme mobilisation
dans le pays et à l’international, dénonçant des risques de censure du
Net sans précédent. En obligeant notamment un site tiers à bloquer
l’accès à d’autres sites soupçonnés de violation du droit d’auteur, dont
la définition reste vague, elles affecteraient ainsi un nombre
incalculable d’internautes sans aucun lien avec des actions de violation
de la propriété intellectuelle. Ces deux propositions de loi ont
finalement été enterrées. Jusqu’à quand ?
Panama
En septembre 2012, le Parlement adopte la loi 510 qui
restreint la liberté d’expression et l’accès à l’information en ligne.
Elle donne naissance à une autorité administrative, le Directorat général du copyright,
chargée d’identifier les responsables d’infractions et le cas échéant
de les condamner - sans décision de justice - à de lourdes amendes. Des
ONG et des membres de la société civile ont adressé une lettre ouverte au Président Ricardo Martinelli, lui demandant de ne pas signer la loi, qualifiée de “pire loi de toute l’histoire sur la protection du droit d’auteur”. Lire les réactions de net-citoyens sur Global Voices.
Autre législation inquiétante
En Malaisie, un amendement à la Loi sur les preuves de 1950
crée une présomption de culpabilité contre le propriétaire du réseau
sur lequel transitent des publications en ligne jugées diffamatoires.
Propriétaires de cybercafés ou responsables de plate-formes de blogs
sont dans la ligne de mire des autorités. Le Center for Independent Journalism a organisé un mouvement de protestation autour de cette législation.
Filtrage à tout va
Internationale du filtrage
Le film L’Innocence des Musulmans est certainement à ce jour l’un des contenus filtrés dans le plus grand nombre de pays.
Sa diffusion en ligne a engendré des actions en justice ou des
décisions administratives et des blocages de YouTube, voire des
communications en Arabie Saoudite, en Afghanistan, au Pakistan, au
Bangladesh, en Egypte, en Turquie, en Russie, au Kazakhstan, au
Kirghizstan, en Inde, au Bahreïn, etc.
Chine - Course à la montre
Les censeurs chinois ont eu fort à faire pour tenter
d’endiguer la diffusion en ligne d’informations sur des affaires
sensibles qui se sont multipliées ces derniers mois :
- enquête du New York Times sur la fortune du Premier ministre Wen Jiaobo et de sa famille,
- résistance à la censure de l’éditorial du Nouvel An du Nanfang Zhoumo appelant à des réformes constitutionnelles en Chine,
- multiplications des immolations au Tibet,
- affaires de corruption,
- critiques de la gestion des inondations de l’été 2012.
Un effort particulier
a été fourni à l’approche du Congrès du parti communiste qui a désigné
la nouvelle équipe dirigeante et placé Xi Jinping à la tête du pays.
La censure d’Internet gagne du terrain en Asie centrale
Au-delà de l’Ouzbékistan et du Turkménistan, “ennemis
d’Internet” de longue date, la cybercensure tend à se banaliser en Asie
centrale.
Au Tadjikistan, l’année 2012 a été marquée par plusieurs vagues de blocage de sites d’information de référence tels que Asia Plus, RIA-Novosti, BBC, Radio Ozodi, Lenta.ru, Fergananews.com, Centrasia.ru,
ainsi que YouTube et Facebook. Le service national des
Télécommunications a pris l’habitude d’intimer des ordres de blocages
aux fournisseurs d’accès pour empêcher la circulation d’informations
sensibles : enquêtes mettant en doute la stabilité du régime, couverture
d’affrontements armés, critiques à l’encontre du Président de la
République sur les réseaux sociaux...
En décembre 2012, la justice kazakhe a interdit les
principaux médias d’opposition nationaux, jugés “extrémistes” au terme
de parodies de procès. Cette mesure implique le blocage au Kazakhstan de
l’ensemble des sites Internet relayant les journaux Respublika et
Vzgliad, ainsi que leurs comptes sur les réseaux sociaux. La chaîne de
télévision en ligne K+ et le portail d’information Stan.tv ont également
été bloqués.
En Inde, la censure pour étouffer les rumeurs ?
En août 2012, pour tenter de mettre un terme à de violents troubles inter-ethniques, les autorités indiennes ont ordonné aux fournisseurs d’accès à Internet, de bloquer l’accès
à plus de 300 contenus en ligne. Si certains incitaient en effet à la
violence en relayant des rumeurs infondées, d’autres présentaient un
caractère informatif (des pages du site d’informations de la chaîne
australienne ABC et d’Al-Jazeera, ainsi que des photos de l’AFP - voir la liste publiée par le Center for Internet and Society).
La Grande Muraille électronique pakistanaise : réalité ou fiction ?
Un projet gouvernemental de filtrage du Web au Pakistan a
été révélé en début d’année 2012. Il viserait à mettre en place un
système permettant de filtrer et bloquer des millions de sites web
“indésirables”, en utilisant la technologie “DPI” (Deep Packet
Inspection). D’après le Daily Times, le Fonds national de recherche et développement rattaché au ministère des Technologies et de l’Information aurait émis un appel d’offres pour un montant de 10 millions de dollars, en février 2012, auxquelles plusieurs entreprises étrangères auraient répondu. Une pétition a été lancée pour appeler les entreprises à ne pas répondre à l’appel d’offre du gouvernement. Des articles de presse ont ensuite relayé des déclarations de responsables politiques s’opposant au projet. La société civile pakistanaise reste vigilante.
Accès restreint ?
Deux milliards de personnes bénéficient à ce jour d’un
accès à Internet. Un tiers d’entre elles souffre d'un accès limité en
raison de censure gouvernementale, de filtrage et de surveillance. Des
problèmes de développement d’infrastructures limitent parfois
l’extension de cet accès. Tout comme des considérations purement
politiques.
Internet national en Iran
En septembre 2012, le gouvernement accélère la mise en
place d’un réseau parallèle, doté d’une vitesse de connexion élevée,
surveillé et censuré dans son intégralité. Justification officielle? Les
cyberattaques contre les installations nucléaires du pays. A terme, les
serveurs locaux sont censés héberger tous les sites iraniens. Les
applications et services tels que boîtes mails, moteurs de recherche,
réseaux sociaux et opérateurs devraient être développés sous le contrôle
du gouvernement. Seules les administrations sont pour l’instant
connectées au réseau national, mais il est à craindre que les citoyens
iraniens n’aient à terme pas d’autre choix que de leur emboîter le pas.
(Lire le chapitre Iran - Champion de la Surveillance)
Coupures régulières en Syrie
Des suspensions de communications et d’Internet se
produisent régulièrement dans des endroits ciblés. Il faut également
compter sur les coupures d’électricité. Fin novembre 2012, la Syrie est
complètement déconnectée d’Internet au moment où le régime est accusé de planifier un massacre à l’échelle nationale.
Le haut-débit et la fibre optique enfin disponible à Cuba ?
Le câble sous-marin vénézuélien apportant la fibre optique et le haut-débit à Cuba, opérationnel depuis 2011, a été mis en service
seulement en août 2012, comme l’a constaté la société spécialisée en
réseaux, Renesys. D’après Global Voices, un article du quotidien
officiel Granma note que la phase de test
a beau être terminée, les Cubains ne doivent pas s’attendre à une
augmentation drastique de leurs opportunités d’accès au Web à court
terme. Jusqu’ici, l’île utilisait des liaisons satellites pour des accès
très limités au Web (lire le chapitre Cuba des Ennemis d’Internet
2012).
Discriminations régionales
Le Tibet
et le Xinjiang sont coutumiers des suspension de l’accès à Internet ou
des communications en période de crise (lire le chapitre Chine des Ennemis d’Internet 2012).
En août dernier, jour de la célébration du 66ème
anniversaire de l’indépendance de l’Inde, un événement sensible, les
opérateurs téléphoniques suspendent leur service dans la vallée du
Cachemire, suite à une décision du gouvernement de l’Etat du
Jammu-Cachemire.
A l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du Pakistan en août 2012, les réseaux de téléphones portables sont coupés temporairement dans la province du Balouchistan.
Net-citoyens pris pour cibles
Hommage
Quarante-sept net-citoyens et citoyens-journalistes ont été
tués dans le monde en 2012, la plupart en Syrie. Sans l’action de ces
reporters, photographes ou vidéastes, le régime syrien serait en mesure
d’imposer un blackout total de l’information dans certaines régions et
de massacrer à huis clos.
En Iran, le blogueur Sattar Beheshti,
incarcéré le 31 octobre 2012, a perdu la vie dans des circonstances
inconnues. Les éléments actuels portent à croire qu’il a succombé à des
coups reçus lors de son interrogatoire. Les responsables de sa mort
n’ont toujours pas été inquiétés.
Au Bangladesh, le blogueur Ahmed Rajib Haider a été égorgé en 15 février 2013 près de son domicile dans la capitale, Dacca.
Au Pakistan, la jeune blogueuse Malala Yousufzai, 14 ans, cible des Taliban, a échappé de peu à la mort.
D’arrestations en rafles
Près de 180 net-citoyens sont incarcérés à ce jour pour leurs activités d’information. Les cinq plus grandes prisons du monde pour les net-citoyens sont dans l’ordre la Chine (69), Oman (32), Vietnam (31), l’Iran (20) et la Syrie (18).
Des arrestations en masse - voire des rafles - se sont déroulées en Syrie, mais également dans le Sultanat d’Oman ou en Iran, lors du “Dimanche noir”. Au Sri-Lanka, ce sont neuf employés du journal en ligne Sri Lanka Mirror qui ont été pris dans un coup de filet en juillet 2012.
Le Vietnam continue d’arrêter des net-citoyens à tour de bras et de les condamner à de lourdes peines de prison, en témoignent les douze années de prison dont a écopé le célèbre blogueur Dieu Cay. Des moines tibétains soucieux de témoigner des immolations finissent derrière les barreaux. L’Azerbaïdjan s’en prend aux blogueurs qui s’écartent de la ligne officielle.
Les conditions de détention de ces net-citoyens sont très
souvent déplorables, les mauvais traitements récurrents. Certains -
notamment en Iran - ne reçoivent pas les soins médicaux adéquats. Leurs
jours sont en danger.
Violences et menaces
Au Bangladesh, en février 2013, ce sont 19 blogueurs qui ont été ouvertement menacés
sur des sites Internet islamistes, et au cours de manifestations, en
marge du procès de plusieurs anciens leaders de partis islamistes, dont
le parti Jaamat-E-Islami.
Au Mexique, une page Facebook “Courage for Tamaulipas”,
qui couvre les violences infligées à la région par le crime organisé,
suscite l’ire des trafiquants. Ces derniers promettent 600 000 pesos (soit près de 46 000 USD) à qui découvrira la véritable identité du responsable de cette page Facebook.
Des menaces ont conduit le blogueur Ruy Salgado,
responsable du site El Santuario, notamment célèbre pour ses couvertures
d’affaires de corruption, à abandonner ses activités en ligne.
Les proches des net-citoyens engagés, notamment des
détenus, subissent souvent harcèlement, pression et font l’objet de
menaces. C’est le cas en Iran,
en particulier pour les familles des journalistes ou blogueurs iraniens
basés à l’étranger, mais aussi au Vietnam. Ta Phong Tan, créatrice du
blog La justice et la vérité, qui a écopé de dix années de prison, a
payé encore plus cher le prix de son engagement : en juillet 2012, sa mère s’était donné la mort en s’immolant devant les bureaux du Comité populaire de Bac Lieu.
Procès de Bradley Manning, “donneur d’alerte” pour WikiLeaks
Le
soldat américain Bradley Manning a reconnu, le 28 février 2013, devant
la cour martiale qui le juge, avoir transmis des documents militaires et
diplomatiques au site WikiLeaks. Qu’aurait-il transmis ? Des câbles
diplomatiques américains, des dossiers de détenus de Guantanamo, des
vidéos de frappes aériennes dans lesquelles des civils ont trouvé la
mort. La vidéo la plus célèbre, Collateral Murder, montre une attaque
aérienne de l’armée américaine en Irak en juillet 2007, au cours de
laquelle deux employés de l’agence Reuters et une dizaine d’autres personnes avaient été pris pour cibles et tués.
La motivation de Manning : “éclairer le public sur ce qui se passe” et
“susciter un débat sur la politique étrangère”. Il a expliqué avoir
tenté en vain de transmettre ces documents au New York Times et au
Washington Post. Et avoir choisi avec soin les documents révélés afin
que leur publication ne soit pas nuisible. Il risque 20 ans de prison.
De nombreuses ONG ont dénoncé les conditions dégradantes de détention dont il a fait l’objet.
Parallèlement, la société DataCell, qui collectait les donations pour WikiLeaks, a saisi la Commission européenne,
pour violation des règles communautaire de concurrence, suite à la
suspension des moyens de paiement à WikiLeaks (mise en place) par Visa
Europe, Mastercard et American Express en décembre 2010. La Commission a
indiqué dans une décision préliminaire que cette suspension n’était
probablement pas de nature à violer le droit européen de la concurrence.
Actes de résistance - mobilisation en ligne
Face à l’offensive des gouvernements et groupes d’intérêts
soucieux de contrôler le Web, les net-citoyens et acteurs de
l’information en ligne ont su se mobiliser et faire acte de résistance,
avec plus ou moins de succès.
Parmi les initiatives notables de ces derniers mois :- le phénomène des “mèmes” Internet, ces éléments ou phénomènes repris et déclinés en masse sur Internet, donnant naissance à une forme de culture populaire sur le Web. Ils utilisent, notamment en Chine, l’humour et des montages avec Photoshop pour se moquer de problèmes sociaux ou politiques et contourner ainsi les filtres des censeurs. Pour exemple, Grass Mud Horse ou les graines de tournesol de l’artiste Ai Weiwei room full of sunflower seeds
- la résistance en ligne contre la censure de l’éditorial du journal chinois Nanfang Zhoumo réclamant, à l’occasion de la Nouvelle année, des réformes constitutionnelles
- le rôle joué par WCITLeaks pour plus de transparence dans la négociation sur le nouveau traité de l’UIT à la Conférence mondiale des Télécommunications de Dubaï, en décembre 2012
- la campagne de La Quadrature du Net contre le traité anti-contrefaçon ACTA
- la première campagne Stop Cyber Spying, une semaine de mobilisation en ligne contre la proposition de loi américaine Cyber Intelligence Sharing and Protection Act of 2011 (CISPA), et la nouvelle campagne du même nom en réponse à la proposition de loi américaine Cybersecurity Act of 2012 (CSA).
- la campagne Save Your Voice, fruit de la mobilisation de la société civile et des internautes indiens demandant l’abrogation des IT Rules, une législation dangereuse pour la liberté d’expression sur Internet. Deux cyberactivistes ont même mené une grève de la faim.
- le blackout de 500 sites Internet en Jordanie le 29 août 2012 pour protester (#BlackoutJO et #FreeNetJO) contre des amendements liberticides à la loi sur la presse et les publications
- la campagne Stop Online Spying, lancée en septembre dernier par l’organisation canadienne Open Media avec une pétition contre le projet de loi C-30.
- la campagne pour un Internet libre en Azerbaïdjan, menée à l’occasion de la tenue du 7e Internet Governance Forum à Bakou en novembre 2012 (en particulier, par la plate-forme Expression Online)
- L’initiative Rublacklist, lancée par le Parti pirate russe en réponse au filtrage du Net : l’équipe réalise un monitoring régulier des blocages, propose des outils de contournement de la censure en ligne, et fournit des sites miroirs ou des solutions d’hébergement aux sites bloqués injustement.
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