Par http://www.monde-diplomatique.fr
Le 26 février 2011, un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) a été émis contre le colonel Mouammar Kadhafi et d’autres dirigeants libyens pour crimes contre l’humanité. Mais cette apparente bonne nouvelle dans le domaine de la lutte contre l’impunité cache des réalités moins réjouissantes.
La juridiction de la Cour internationale pour la Libye a été établie non pas parce que le pays aurait reconnu sa compétence, mais parce que le cas lui a été déféré par le Conseil de sécurité des Nations unies (1). Le statut de Rome, qui a mis en place la CPI, donne le pouvoir à ce dernier de transmettre des cas à la Cour afin que les criminels ressortissant d’Etats ne reconnaissant pas sa compétence ne restent pas impunis.
Mais les problème commencent avec le fait que trois membres du Conseil de sécurité qui possèdent le droit de veto, à savoir la Russie, la Chine et les Etats-Unis, n’ont toujours pas signé le statut de Rome. Ces Etats – tous suspectés d’avoir commis de graves crimes – sont donc, eux, totalement à l’abri.
Et le paradoxe va encore plus loin : ces pays refusant de reconnaître la CPI comme institution légitime, au lieu de la boycotter, peuvent la saisir – et ils le font quand cela convient à leurs objectifs politiques. C’est ainsi que les Etats-Unis, qui figurent parmi les opposants les plus résolus à la Cour, ont non seulement voté pour déférer le cas du Soudan (le premier cas porté devant la Cour en 2005), mais aussi financé les investigations nécessaires à la procédure et à l’inculpation du président soudanais Omar Al-Bachir. M. Kadhafi est devenu le second chef d’Etat visé par un mandat d’arrêt. Pourtant, le quotidien Le Monde (29 juin 2011) notait que « certains officiels aux Etats-Unis – pays non membre de la CPI – ont exploré l’idée d’offrir une forme d’impunité au colonel Kadhafi. C’était la tentation de l’échappatoire : lui faire miroiter un exil protégé, dans un pays ne reconnaissant pas la CPI. » La France et le Royaume-Uni semblent s’être ralliés aussi à cette solution.
Aussi longtemps que le droit international sera soumis aux règles du pouvoir plutôt qu’à celles du droit, il n’obtiendra aucune crédibilité comme un outil qui applique la justice, même lorsqu’il fait des pas importants vers la lutte contre l’impunité.
Certains diront, comme l’ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le juge Antonio Cassese, que jusqu’à l’avènement d’un système de droit pénal international s’appliquant de la même manière à tous les Etats, il faut accepter les limites politiques actuelles. Mais on court alors le risque que le système pénal international, au lieu de lutter contre l’impunité, devienne un outil de pouvoir qui fournira à certains une légitimité non seulement légale mais aussi morale. Pour la majorité des Etats, en revanche, ce même système perdra toute crédibilité, car il deviendra évident que les grandes puissances luttent contre l’impunité de façon partiale, ou, dit plus simplement, qu’elles appliquent leur propre politique avec l’aide de la CPI. Le refus de la grande majorité des pays africains et arabes de reconnaître le mandat lancé contre le président Al-Bachir témoigne de cette fracture.
Mais les problème commencent avec le fait que trois membres du Conseil de sécurité qui possèdent le droit de veto, à savoir la Russie, la Chine et les Etats-Unis, n’ont toujours pas signé le statut de Rome. Ces Etats – tous suspectés d’avoir commis de graves crimes – sont donc, eux, totalement à l’abri.
Et le paradoxe va encore plus loin : ces pays refusant de reconnaître la CPI comme institution légitime, au lieu de la boycotter, peuvent la saisir – et ils le font quand cela convient à leurs objectifs politiques. C’est ainsi que les Etats-Unis, qui figurent parmi les opposants les plus résolus à la Cour, ont non seulement voté pour déférer le cas du Soudan (le premier cas porté devant la Cour en 2005), mais aussi financé les investigations nécessaires à la procédure et à l’inculpation du président soudanais Omar Al-Bachir. M. Kadhafi est devenu le second chef d’Etat visé par un mandat d’arrêt. Pourtant, le quotidien Le Monde (29 juin 2011) notait que « certains officiels aux Etats-Unis – pays non membre de la CPI – ont exploré l’idée d’offrir une forme d’impunité au colonel Kadhafi. C’était la tentation de l’échappatoire : lui faire miroiter un exil protégé, dans un pays ne reconnaissant pas la CPI. » La France et le Royaume-Uni semblent s’être ralliés aussi à cette solution.
Aussi longtemps que le droit international sera soumis aux règles du pouvoir plutôt qu’à celles du droit, il n’obtiendra aucune crédibilité comme un outil qui applique la justice, même lorsqu’il fait des pas importants vers la lutte contre l’impunité.
Certains diront, comme l’ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le juge Antonio Cassese, que jusqu’à l’avènement d’un système de droit pénal international s’appliquant de la même manière à tous les Etats, il faut accepter les limites politiques actuelles. Mais on court alors le risque que le système pénal international, au lieu de lutter contre l’impunité, devienne un outil de pouvoir qui fournira à certains une légitimité non seulement légale mais aussi morale. Pour la majorité des Etats, en revanche, ce même système perdra toute crédibilité, car il deviendra évident que les grandes puissances luttent contre l’impunité de façon partiale, ou, dit plus simplement, qu’elles appliquent leur propre politique avec l’aide de la CPI. Le refus de la grande majorité des pays africains et arabes de reconnaître le mandat lancé contre le président Al-Bachir témoigne de cette fracture.
Sharon Weill
Doctorante en droit international à l’Université de Genève ; chargée de cours à l’université de Tel-Aviv et à Paris-II.
(1) La situation en Libye a été déférée au procureur de la CPI par la résolution 1970, adoptée le 26 février 201 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce dernier, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, a décrété que « les autorités libyennes doivent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l’assistance voulue » et, tout en reconnaissant que le statut de Rome n’impose aucune obligation aux Etats qui n’en sont pas signataires, a « demandé instamment » à tous les pays et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement avec la Cour et le procureur (« La Chambre préliminaire I délivre trois mandats d’arrêt à l’encontre de Muammar Gaddafi, Saif Al-Islam Gaddafi et Abdualla Al-Senussi », CPI, 27 juillet 2011.).
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