Taïwan, qui devient avec le temps et avec son rythme rapide de développement, une puissance économique, financière et industrielle qui compte de plus en plus dans l’économie mondiale, vit aussi une situation qui ne cesse d’inquiéter de plus en plus de ses citoyens.
Lorsque le parti KMT (parti nationaliste chinois) est revenu au pouvoir après 8 ans passés dans l’opposition, nombreux étaient les citoyens du pays à estimer que ce parti qui avait perdu le pouvoir du fait de sa formidable corruption interne et des scandales répétés de 1949 à 2000, avait pu en tirer des leçons et changer.
L’actualité taïwanaise de ces dernières années, de 2008 à 2010, tend à démontrer que ce parti qui dirige le gouvernement du pays a été incapable de se transformer en parti vraiment démocratique et intègre, ce que la multiplication des « affaires » mettant en cause ses élus locaux et nationaux prouve largement.
Lorsque le parti KMT (parti nationaliste chinois) est revenu au pouvoir après 8 ans passés dans l’opposition, nombreux étaient les citoyens du pays à estimer que ce parti qui avait perdu le pouvoir du fait de sa formidable corruption interne et des scandales répétés de 1949 à 2000, avait pu en tirer des leçons et changer.
L’actualité taïwanaise de ces dernières années, de 2008 à 2010, tend à démontrer que ce parti qui dirige le gouvernement du pays a été incapable de se transformer en parti vraiment démocratique et intègre, ce que la multiplication des « affaires » mettant en cause ses élus locaux et nationaux prouve largement.
Les clignotants d’alerte à la corruption s’allument partout
Taïwan est devenu le pays du paradoxe : d’un côté, indiscutablement, les récents accords commerciaux signés avec la Chine ont eu un effet bénéfique pour l’expansion de l’économie taïwanaise.
Les chiffres sont là et les analystes en conviennent. Même si beaucoup de spécialistes tempèrent cette appréciation en indiquant que les effets positifs des accords ratifiés ne devraient pas dépasser les 3 prochaines années.
De l’autre, le pays connaît, à l’évidence, une forme de retour en arrière qui commence à franchement inquiéter, voire révolter l’opinion publique qui se retourne de plus en plus contre le gouvernement et les autorités locales du parti dirigeant.
Curieusement, le pouvoir taïwanais semble être repris par les vieux démons qui ont fait de l’histoire du vieux parti nationaliste chinois ; le KMT, un cauchemar réel où coexistent depuis 1924 tendances dictatoriales et corruption quasi-institutionnelle, les deux plaies purulentes de la Chine depuis ses origines jusqu’à nos jours.
Ce qui frappe l’observateur, qu’il soit taïwanais ou étranger, est que la corruption, mal importé sur l’île avec les premières autorités représentant l’empereur chinois, a changé de nature et de forme par rapport au gouvernement DPP (parti indépendantiste taïwanais), qui a exercé le pouvoir de 2000 à 2008.
Sous le DPP, la corruption touchait exclusivement les biens de l’Etat, les entreprises étatisées et le budget du pays. Mais, les secteurs de l’immobilier, de l’urbanisme, du logement et du tourisme, les achats de terrains publics, avaient été, à quelques rares exceptions près, épargnés.
Sous le régime KMT actuel, outre une nette volonté de se soumettre une Justice qui avait pris depuis 8 ans une relative et réelle indépendance, le pouvoir connaît des dérives graves : attaques réitérées contre l’Internet, critiques récurrentes contre les médias indépendants, le tout dans un contexte où fleurissent parallèlement de véritables scandales financiers qui menacent, par leur multiplication, la stabilité du pays, ceci assaisonné d’injustices flagrantes de traitement des citoyens du pays.
La terre appartient au peuple et l’argent public doit d’abord servir aux citoyens
Depuis quelques temps, deux gros dossiers rassemblent une opinion publique de plus en plus furieuse contre le pouvoir.
La première est relative aux projets d’implantation de grands complexes hôteliers de luxe, visant à accueillir de riches touristes chinois, sur la côte Est de Taïwan, une zone naturelle protégée et préservée jusqu’ici, d’autant que ces terres sont publiques, dont une partie est allouée aux tribus aborigènes du pays (400.000 personnes).
En quelques mois, ces projets aux budgets gigantesques, mais polluants et interdits par la législation concernant la protection de l’environnement et des droits des tribus aborigènes, se sont concrétisés.
Lien en anglais : http://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2010/10/02/2003484331
A l’évidence, les autorités locales (toutes KMT) essaient de contourner les lois et les règlements afin de permettre la réalisation de ces grandioses constructions qui détruisent totalement le paysage, ne respectent aucune règle de salubrité publique (notamment via le rejet des eaux usées directement dans l’Océan Pacifique) et méprisent les droits élémentaires des populations locales.
Quand la Justice entend faire appliquer la loi, les autorités réagissent immédiatement afin de reprendre les autorisations accordées en infraction à cette loi et violent ouvertement l’état de droit dont Taïwan avait fait une des fiertés essentielles depuis 1989.
Deux gouvernement provinciaux sont au centre de ces scandales affairistes qui provoquent manifestations et colère violente des habitants : celui de Hualien Hsien* et de Taïtung Hsien, en charge pourtant de la plus belle et naturelle côte maritime du pays !
Pour compléter ce pitoyable et révoltant tableau, le gouvernement veut à marche forcée faire voter des crédits pour construire une voie routière plus rapide accédant à cette côté Est, projet appelé la nouvelle Suhua (abréviation pour les deux villes à relier, Suao et Hualien).
Or, le projet retenu, outre son coût exorbitant, présente d’autres difficultés : les géologues estiment que la nature des roches dans lesquelles il faudrait creuser de longs tunnels, à proximité d’un Océan Pacifique agitée, aux courants marins puissants, ne peut permettre de garantir la sécurité pérenne des voyageurs éventuels. Pire encore, le tracé de cette voie rapide pourrait détruire un site classé au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO, les merveilleuses et sauvages gorges de Taroko.
Les opposant aux projets en cours indiquent de leur côté que la terre vendue aux promoteurs immobiliers irrespectueux de leur nature appartient au peuple et ne peut être ainsi bradé en contradiction aux lois du pays et au mépris des décisions de Justice. Ils soulignent que les autorités sont en passe de détruire le patrimoine naturel public du pays et de violer les droits constitutionnels des tribus aborigènes de cette zone.
L’autre dossier est tout aussi explosif, mais politiquement plus dangereux pour le gouvernement.
Récemment, il a été découvert par des médias indépendants que des étudiants chinois venant étudier à Taïwan recevaient de l’Etat une allocation d’études de 1000 US$, soit 30000 NT$ (dollars de Taïwan).
Lien en anglais : http://www.taipeitimes.com/News/taiwan/archives/2010/11/12/2003488339
Cette information a créé une onde de colère dans tout le pays. Et d’abord dans la jeunesse scolarisée taïwanaise qui ne perçoit presque rien du gouvernement pour des études souvent très onéreuses. Ensuite, chez les parents qui exigent que l’argent du peuple (les impôts des citoyens de Taïwan) serve d’abord aux enfants du peuple.
Le gouvernement a géré ce dossier d’une manière particulièrement maladroite et provocatrice. Non content d’expliquer que ces allocations pour des étudiants chinois allaient continuer tandis que pas un dollar n’irait aux étudiants taïwanais, il s’en est pris à un intervenant lors d’une émission de télévision publique qui, sur ce sujet, a qualifié le Président de la République de « fils de p..... ».
Or, la campagne du gouvernement contre ce citoyen en colère, au lieu de servir sa cause, s’est brutalement retournée contre lui : des centaines de milliers de Taïwanais ont fait savoir que cet intervenant au langage quelque peu rude avait dit tout haut ce que l’immense majorité du pays pensait du Président et de sa politique d’ostracisme envers la jeunesse taïwanaise.
D’un coup, la jeunesse taïwanaise qu’on présentait comme « dépolitisée » se révèle choquée, révoltée et indignée par ces allocations discriminatoires qui placent des étudiants chinois issus des sphères privilégiées du pouvoir en place à Pékin en priorité nationale alors que des centaines de milliers d’étudiants taïwanais ont besoin d’une aide financière pour achever et réussir leurs études. Sur ce dossier, les enquêtes d’opinion sont nettes et sans appel : le gouvernement est totalement en porte à faux avec le pays !
Gestion politique de l’affaire des frégates dites de Taïwan
A tout cela vient s’ajouter un jugement sur un dossier d’une grande sensibilité à Taïwan aussi : plusieurs anciens officiers de la Marine de guerre taïwanaise ont été innocentés, ou plus exactement, reconnus non-coupables de corruption dans le contrat des frégates françaises de type Lafayette.
Les observateurs ont noté que la relaxe de ces accusés depuis 2001 s suivi un parcours assez particulier : alors que les juges avaient rendu leur verdict en juin 2010, il avait été décidé de ne pas rendre l’information publique avant le 31 octobre 2010.
Certains estiment ici que le gouvernement taïwanais voulait sauvegarder les apparences morales et juridiques jusqu’à la décision de la Cour d’Arbitrage International qui a alloué près d’un milliard d’euros à Taïwan dans cette affaire, pour non-respect des clauses du contrat.
D’autres soulignent que les relaxés sont, par un hasard portant chance à leur destin judiciaire, tous membres du KMT, et que ce parti est revenu au pouvoir en 2008, ce qui pourrait avoir influé sur leur jugement dans un contexte où les gens du KMT essaient de remettre la Justice du pays sous leur contrôle et d’en faire une alliée politique, voire un bras répressif au service exclusif de la politique du KMT.
Des commentateurs analysent ce jugement comme un jeu politico-judiciaire : pour eux, le gouvernement KMT veut protéger ses membres impliqués dans le scandale, tout en agissant de sorte à gagner ses dossiers juridiques et à récupérer les 600 millions de US$ gelés dans les banques suisses.
La marge de manoeuvre du gouvernement taïwanais actuel est étroite et dangereuse : il lui faut à la fois donner l’impression de vouloir poursuivre les assassins et donneurs d’ordre qui ont tué le capitaine de marine Yin en décembre 1993 alors que nul n’ignore que des militaires haut placés liés au KMT ont été, de près ou de loin, liés à ce meurtre et à ses causes profondes (protection du réseau de corruption via les rétro-commissions).
Sur ce dossier aussi, les autorités du KMT sont accusées de revenir au passé et de protéger des personnes malhonnêtes, voire les meurtriers d’un officier taïwanais. Cela n’est pas innocent, mais doit aussi être réintégré dans un contexte plus global pour être mieux décrypté.
Taïwan : l’apparente prospérité qui cache la menace de l’instabilité
En toute hypothèse, Taïwan est aujourd’hui un pays d’apparente prospérité qui peut s’enflammer à tout moment d’une crise politique et sociale grave puisque tous les ingrédients nécessaires à une telle situation sont rassemblés : une jeunesse révoltée par une injustice flagrante autant que cynique, des adultes en colère que leurs impôts servent à payer des études à des enfants de parvenus chinois plutôt qu’à leurs filles et fils, les Aborigènes qui se mobilisent pour leurs droits élémentaires, les paysans pour l’environnement et les classes moyennes qui refusent de voir leur pays défigurée par des projets immobiliers au parfum odieux de corruption manifeste des élus et des autorités.
C’est dans ce contexte explosif que vont se tenir fin novembre 5 élections municipales dans les plus grandes villes du pays. Comme en France lors de scrutins récents, le parti au pouvoir risque bien de voir ses candidats laminés par une vague de fond, traduction sur le plan électoral d’un rejet populaire qui croît en force et en détermination.
Déjà en 2006, des millions de citoyens taïwanais avaient manifesté dans les rues du pays contre la corruption du Président de la République de l’époque. Celui-ci dort dorénavant en prison, avec son épouse, pour des délits de corruption, et au moins pour 11 ans.
Un enseignement de l’histoire taïwanaise récente que l’actuel Président et ses ministres feraient bien de méditer : le peuple taïwanais a appris à défendre ses droits, sa démocratie, sa Justice, ses médias libres. Comme en France......
PS : un Hsien* est une unité administrative taïwanaise territoriale qui peut se comparer avec un département ou une région en France.
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