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Bettina Haasen (*1969) a étudié les langues africaines et les sciences politiques à l’université de Hambourg et à Paris. Entre 1997 et 2001 elle a travaillé en tant que productrice pour la boîte de production EGOLI Films à Berlin.
Ses premières réalisations de films documentaires sont récompensées en 1999 avec le Prix FIPRESCI (du meilleur premier film à IDFA) pour son film «Entre 2 mondes». Entre 2001 et 2004 elle a travaillé pour la coopération allemande au Niger. A son retour en Allemagne, elle a réalisé «La tente de l’inconnu» (IDFA, Lussas, Thessalonique), puis «Shadows of the Desert» (43’ & 52’ pour SWR/Arte), «Irene Dische–Ma Vie» (43’, ZDF/Arte). HOTEL SAHARA est son premier documentaire long-métrage. Actuellement Bettina Haasen vie en tant qu’auteure indépendante à Berlin.
La liberté de circulation n’est pas un droit universel, mais est réservé à un petit cercle de privilégiés. Parce que l’univers de la migration me préoccupe depuis bien longtemps, il me tenait à cœur de montrer son développement par le prisme du film documentaire. Dans ce monde des migrants tel que je l’ai découvert, les personnages déchirés sont sur le qui-vive en permanence ou emprisonnés dans une immobilité non désirée. C’est un espace irréel, de transit qui accueille des personnes d’issues du Ghana, du Cameroun, du Togo, du Nigeria et autres pays d’Afrique. «Nouadhibou» en Mauritanie est la dernière escale avant la destination, tant rêvée, tant prisée: l’Europe. Un dernier obstacle les sépare de leur rêve, ce petit bout d’océan atlantique à traverser. Au début, cette obsession du départ à n’importe quel prix me fascinait. Cependant, pourquoi tant d’hommes et de femmes risquent tous les jours cette traversée dont l’issue est entièrement aléatoire au péril leur vie ? «Le grand gendarme européen» FRONTEX (Agence Européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle) vient d’avouer son échec dans la lutte contre l’immigration clandestine. Le flux s’avère non seulement incontrôlable, mais de plus les efforts des aventuriers pour éviter les brigades de FRONTEX au cours de la traversée rend le périple encore plus dangereux. Seule une minorité arrive sur les îles Canaries, à peine 1000 km de distance des côtes mauritaniennes.
Quatre années de recherche ont précédé les premiers tournages. J’ai tenté de comprendre, de découvrir les nuances du monde du transit, en rencontrant les migrants et tous les acteurs. Quels sont les visages derrière les stéréotypes, les statistiques et les images de naufragés qu’on voit sans cesse, depuis 2001 dans les médias ? Que veut dire être déjà en route mais pas encore arrivé ? Comment définir cette vie «entre deux» ? Une vie en attente. En stand-by. J’avais l’intention de trouver un langage au niveau de l’image mais aussi sonore qui pourrait traduire cet état de transit, de capter cette ambiance morbide que j’ai pu observer lors de mes repérages. Nous connaissons tous le besoin plus ou moins fort de pouvoir se réinventer autrement, ailleurs, en mouvement, afin de satisfaire nos rêves.
Pendant les années de repérages dans des lieux de transit j’ai pu rencontrer des destins et biographies multiples. Ces rencontres m’ont confrontée avec ma propre définition de la liberté de mouvement. Les personnes que j’ai pu rencontrer ont toutes un point commun: une sensation d’invulnérabilité et la conviction qu’il n’y a plus rien à perdre.
HOTEL SAHARA est synonyme d’un lieu qui héberge des existences disloquées, entre le désert et l’Atlantique, des vies qui se sont installées dans une sorte de faille temporelle et qui ne s’attachent à rien, sauf à leur rêve.
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