par Philippe Leymarie
pour http://blog.mondediplo.net
[2] Derniers en date : l’Afrique, l’Amérique latine.
[3] Il a servi par exemple à justifier l’engagement des pays membres de l’OTAN en Afghanistan, pour venir en aide aux Américains, agressés à travers les attentats du 11 septembre 2001.
[4] Rebaptisée, pour simplifier, « Politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne » (PSDC-UE).
[5] D’autres thèmes, non traités lors de ce colloque – les ventes d’armes ou l’assistance à certains régimes africains – mériteraient bien sûr d’être également discutés, au Parlement ou ailleurs.
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En dépit des bonnes intentions annoncées lors du remaniement ministériel du 27 février, et du lancement, par exemple, d’une opération de secours humanitaire au profit des opposants au leader libyen Mouammar Khadafi, il ne faut pas s’attendre à un revirement de la diplomatie et de la politique de défense de la France, que ce soit à propos de sa participation à la guerre en Afghanistan, de son retour au sein du commandement intégré de l’OTAN et de l’articulation avec la politique européenne de défense, ou de l’utilité de la dissuasion nucléaire – tous domaines qui ne font guère l’objet de débats, comme l’a regretté un colloque organisé récemment au Sénat à l’initiative de Michelle Demessine, ancienne ministre et sénatrice communiste du Nord. Eléments pour un éventuel débat, en tout cas, avec – après l’Afghanistan – ce deuxième volet consacré à l’OTAN et à la PESD, entre atlantisme et européanisme...
A propos de la guerre en Afghanistan, cette remarque d’abord du général Vincent Desportes – qui était jusqu’à ces derniers mois directeur du Collège inter-armées de défense, redevenu récemment « l’Ecole de guerre » : quinze pays de l’Union européenne ont engagé des soldats dans ce conflit, et ont représenté – jusqu’à l’arrivée des derniers renforts américains – un tiers de l’effectif de l’opération menée sous couvert de l’OTAN en Afghanistan. Or, pointe le général, « il n’y a presque pas d’Europe, de défense européenne en tant que telle, dans cette opération : l’Europe y mène sa guerre la plus longue... sans même exister, apparaissant comme un simple protectorat américain : il est temps qu’elle se prenne en main » [1].
« Ils sont en train de perdre leur leadership économique, mais pensent compenser par le militaire », estime ce chercheur pour qui « l’Europe est sans importance là-dedans », la question de l’OTAN n’occupant d’ailleurs que 2 pages (sur 128) dans la Quadriennal Defence Review (QDR) établie à la fin de l’année 2010. « Le sujet n’a même plus la vertu de figurer dans le discours US, et encore moins sous Obama que sous Bush. »
L’actuel président, pour Alain Joxe, a renforcé cette vision œcuménique d’un instrument US/OTAN capable d’assurer à lui tout seul la sécurité de la planète. Les cinq commandements « régionaux » américains [2], et les deux ou trois commandements fonctionnels, constituent « un système impérial complet », dans une optique qui est « le contraire d’une multilatéralisation » (pourtant appelée de ses vœux par le numéro un américain au début de son mandat).
La préparation du nouveau « concept stratégique » de l’organisation transatlantique, avalisé lors du sommet de Lisbonne en novembre dernier, a d’ailleurs été – selon Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l’Institut des Relations internationales et stratégiques (IRIS) – « confisquée par les experts, et reste difficile à décrypter ».
Ce document fait référence au fameux article 5 du Traité de l’OTAN, organisant la sécurité collective par un mécanisme de solidarité quasi obligatoire [3]. La mention de cet article reste capitale pour les pays de l’Est européen, toujours inquiets de leur voisinage avec la grande Russie – ce qui explique aussi pourquoi le partenariat avec ce pays, mais également avec les pays du Caucase, du Moyen-Orient et du Golfe (Initiative d’Istanbul), et du Maghreb (Dialogue méditerranéen) a été réaffirmé et même développé.
Déjà, il n’est plus nécessaire d’élargir l’OTAN (en y accueillant de nouveaux membres) : il suffit d’étendre cette politique de développement des points d’appui, via les « partenariats » (qui concernent plus de cinquante pays, outre les vingt-huit Etats-membres), dans le cadre d’une sorte de « mondialisation de la sécurité », à l’exemple de l’économie. Un compromis a d’ailleurs été trouvé, dans la rédaction de ce nouveau « concept », pour justifier l’extension des prérogatives de l’OTAN : par le biais des « nouvelles menaces » (terrorisme, ADM, attaques NRBC, piraterie, etc.), l’organisation est plus « sans frontières » que jamais, et pratiquement « déterritorialisée ».
Le pilier européen de l’Alliance, et surtout l’Europe de la défense, auraient dû – selon la rhétorique en vigueur à l’Elysée en 2009 – bénéficier de ce retour (inespéré), au sein du commandement militaire intégré de l’organisation, du pays qui le boudait depuis 1964, suite à un sursaut indépendantiste du général de Gaulle. C’était même une « condition », disait-on pour faire avaler la pilule.
Mais la réintégration « n’a pas eu l’effet bénéfique annoncé », estime le chercheur de l’IRIS, qui rappelle que la France demande par exemple sans cesse, depuis 2003, la mise en place à Bruxelles, dans les locaux de la Commission de l’UE, d’une cellule de planification militaire – embryon d’un état-major opérationnel – « ce qui n’est toujours pas gagné ! ». De même, il est probable, selon lui, que la modalité de « coopération structurée permanente » prévue par le traité UE de Lisbonne ne verra jamais le jour.
Selon un intervenant, « les Britanniques ne croient plus à l’Europe de la défense », alors qu’ils s’étaient laissés entraîner, en paroles, dans le processus d’autonomisation lancé à Saint-Malo en 1998, sous l’impulsion des Français. Ils sont dans une logique purement bilatérale (avec les USA, avec la France), aux prises avec des réductions budgétaires, et une tendance au repli, pour défendre leur industrie de l’armement. « Cameron fera tout pour ne pas appliquer l’accord de novembre avec la France, négocié par son prédécesseur. »
Côté français, on continue à évoquer la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) [4] dans les discours, mais sans prendre d’initiatives. Si bien que l’Europe de la défense paraît en position de faiblesse aujourd’hui, et bien loin de pouvoir contrebalancer l’OTAN. Seule la crise financière contraint l’UE et l’OTAN à discuter aujourd’hui de la mutualisation partielle de certaines de leurs capacités [5]…
A suivre : Dissuasion nucléaire, bouclier antimissile : à quand le débat ? (III)
Système impérial
Alain Joxe, directeur d’études à l’EHESS, rappelle que pour la première fois, dans sa guerre en Afghanistan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) n’agit pas dans une... « zone OTAN », mais dans un secteur qui relève surtout de trois commandements militaires américains : « L’Afghanistan a au moins servi, finalement, à renforcer le rôle de super-commandant en chef du président US », avec cette idée sous-jacente d’un commandement sécuritaire américain global, qui n’a pas besoin de l’ONU, et qui continue, Obama ou pas.« Ils sont en train de perdre leur leadership économique, mais pensent compenser par le militaire », estime ce chercheur pour qui « l’Europe est sans importance là-dedans », la question de l’OTAN n’occupant d’ailleurs que 2 pages (sur 128) dans la Quadriennal Defence Review (QDR) établie à la fin de l’année 2010. « Le sujet n’a même plus la vertu de figurer dans le discours US, et encore moins sous Obama que sous Bush. »
L’actuel président, pour Alain Joxe, a renforcé cette vision œcuménique d’un instrument US/OTAN capable d’assurer à lui tout seul la sécurité de la planète. Les cinq commandements « régionaux » américains [2], et les deux ou trois commandements fonctionnels, constituent « un système impérial complet », dans une optique qui est « le contraire d’une multilatéralisation » (pourtant appelée de ses vœux par le numéro un américain au début de son mandat).
OTAN sans frontières
Alain Joxe relève « une grande continuité dans la réforme permanente de l’OTAN : dès que les Américains annoncent un changement dans leur dispositif, l’organisation transatlantique doit s’aligner ». Le document préparé par l’ancienne responsable de la diplomatie US, Madeleine Albright, en vue du sommet de l’OTAN, évoquait l’abandon partiel du système du consensus (qui est « une façon polie de présenter un droit de veto »), fondement basique de l’actuel traité. Il s’agissait de tenir compte des réticences des Américains et de certains Européens à être automatiquement engagés dans un conflit. La proposition n’a pas été reprise, de même d’ailleurs que la « réforme du commandement » préconisée par le secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, dont on n’entend plus parler...La préparation du nouveau « concept stratégique » de l’organisation transatlantique, avalisé lors du sommet de Lisbonne en novembre dernier, a d’ailleurs été – selon Jean-Pierre Maulny, directeur-adjoint de l’Institut des Relations internationales et stratégiques (IRIS) – « confisquée par les experts, et reste difficile à décrypter ».
Ce document fait référence au fameux article 5 du Traité de l’OTAN, organisant la sécurité collective par un mécanisme de solidarité quasi obligatoire [3]. La mention de cet article reste capitale pour les pays de l’Est européen, toujours inquiets de leur voisinage avec la grande Russie – ce qui explique aussi pourquoi le partenariat avec ce pays, mais également avec les pays du Caucase, du Moyen-Orient et du Golfe (Initiative d’Istanbul), et du Maghreb (Dialogue méditerranéen) a été réaffirmé et même développé.
Déjà, il n’est plus nécessaire d’élargir l’OTAN (en y accueillant de nouveaux membres) : il suffit d’étendre cette politique de développement des points d’appui, via les « partenariats » (qui concernent plus de cinquante pays, outre les vingt-huit Etats-membres), dans le cadre d’une sorte de « mondialisation de la sécurité », à l’exemple de l’économie. Un compromis a d’ailleurs été trouvé, dans la rédaction de ce nouveau « concept », pour justifier l’extension des prérogatives de l’OTAN : par le biais des « nouvelles menaces » (terrorisme, ADM, attaques NRBC, piraterie, etc.), l’organisation est plus « sans frontières » que jamais, et pratiquement « déterritorialisée ».
Pilier européen
Selon Maulny, s’agissant de la France, « on aurait pu penser que notre positionnement politique nous permettrait de servir de passerelle » entre l’OTAN et les (rares) pays qui refusent ses avances. Mais « c’est impossible aujourd’hui », affirme ce chercheur, qui prévoit que deux décisions du sommet de Lisbonne – la réforme du commandement intégré (passage de 13 000 à 8 000 agents) ainsi que la réduction du nombre des agences ( de 14 à 5) – « pourraient être douloureuses pour la France ».Le pilier européen de l’Alliance, et surtout l’Europe de la défense, auraient dû – selon la rhétorique en vigueur à l’Elysée en 2009 – bénéficier de ce retour (inespéré), au sein du commandement militaire intégré de l’organisation, du pays qui le boudait depuis 1964, suite à un sursaut indépendantiste du général de Gaulle. C’était même une « condition », disait-on pour faire avaler la pilule.
Mais la réintégration « n’a pas eu l’effet bénéfique annoncé », estime le chercheur de l’IRIS, qui rappelle que la France demande par exemple sans cesse, depuis 2003, la mise en place à Bruxelles, dans les locaux de la Commission de l’UE, d’une cellule de planification militaire – embryon d’un état-major opérationnel – « ce qui n’est toujours pas gagné ! ». De même, il est probable, selon lui, que la modalité de « coopération structurée permanente » prévue par le traité UE de Lisbonne ne verra jamais le jour.
Logique bilatérale
Le pompon, sur ce plan, étant ce traité franco-britannique de novembre dernier, avec ses 17 mesures (en plus du nucléaire) qui font partie d’un processus sans doute utile de rationalisation des capacités entre les deux pays (on verra à l’usage), mais qui n’est pas en phase avec la construction européenne, et dont, par exemple, les Allemands et les Italiens n’avaient pas l’air très heureux.Selon un intervenant, « les Britanniques ne croient plus à l’Europe de la défense », alors qu’ils s’étaient laissés entraîner, en paroles, dans le processus d’autonomisation lancé à Saint-Malo en 1998, sous l’impulsion des Français. Ils sont dans une logique purement bilatérale (avec les USA, avec la France), aux prises avec des réductions budgétaires, et une tendance au repli, pour défendre leur industrie de l’armement. « Cameron fera tout pour ne pas appliquer l’accord de novembre avec la France, négocié par son prédécesseur. »
Côté français, on continue à évoquer la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) [4] dans les discours, mais sans prendre d’initiatives. Si bien que l’Europe de la défense paraît en position de faiblesse aujourd’hui, et bien loin de pouvoir contrebalancer l’OTAN. Seule la crise financière contraint l’UE et l’OTAN à discuter aujourd’hui de la mutualisation partielle de certaines de leurs capacités [5]…
A suivre : Dissuasion nucléaire, bouclier antimissile : à quand le débat ? (III)
Notes
[1] Michelle Demessine, sénatrice du Nord, a posé le jeudi 3 mars une question orale au gouvernement, au Sénat, demandant un grand débat public sur la situation en Afghanistan.[2] Derniers en date : l’Afrique, l’Amérique latine.
[3] Il a servi par exemple à justifier l’engagement des pays membres de l’OTAN en Afghanistan, pour venir en aide aux Américains, agressés à travers les attentats du 11 septembre 2001.
[4] Rebaptisée, pour simplifier, « Politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne » (PSDC-UE).
[5] D’autres thèmes, non traités lors de ce colloque – les ventes d’armes ou l’assistance à certains régimes africains – mériteraient bien sûr d’être également discutés, au Parlement ou ailleurs.
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