En 1967, le pétrole dépasse définitivement le charbon et s’impose comme première source d’énergie à travers le monde. Mais dès 1924, grâce à l’essor de l’automobile, l’Amérique consomme déjà plus de pétrole qu’il n’en faudra à l’Europe dans les années 60. En 1924, 18 millions de véhicules circulent à travers le monde, dont 16 millions aux Etats-Unis. Pendant la première guerre mondiale, un quart de tout le pétrole consommé par les Forces Alliées pendant la durée du conflit est fourni par une seule et unique compagnie : la Standard Oil of New Jersey (future EXXON), propriété de John D. Rockefeller.
En 1917, au plus fort de la guerre, la production annuelle de pétrole atteint 400 millions de barils. Elle est aujourd’hui, en 2010, de 30 milliards de barils par an. Pendant des décennies, l’Occident en était venu à considérer que le pétrole et l’eau bon marché étaient des phénomènes aussi naturels l’un que l’autre. En 1900, le baril vaut 1,20$; trente ans plus tard, lors du Krach de Wall Street puis des économies occidentales, il se situe à 1,19$. Au milieu des années 30, il est à 1,10$ et lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis, en 1941, à 1,14$. Victoire Alliée, lancement du plan Marshall, création des Etats-Unis, guerre froide :1,20$. Création de l’OPEP en 1960 : 1,80$. Jusqu’en 1971, le prix ne variera pas. L’Occident finance sa croissance et sa prospérité sur une matière première qu’il ne songera jamais à rémunérer à son plus juste prix.
Aujourd’hui, plus de 100 000 produits sont des dérivés du pétrole, notamment : vêtements, engrais, médicaments, cosmétiques, insecticides, instruments chirurgicaux, puces et ordinateurs…
Le monde consomme 85 millions de barils par jour, soit l’équivalent annuel de 30 milliards de barils. Et ce, dans un contexte sans précédent où l’explosion de la demande mondiale, tirée par la consommation chinoise, mais aussi indienne, coïncide avec un déclin de plus en plus rapide des réserves prouvées (c’est-à-dire vérifiées). Pour 5 barils consommés chaque jour, un seul nouveau baril est découvert et cette situation devient de plus en plus critique. Le chef économiste de l’Agence Internationale de l’Energie, regroupant les principaux pays industrialisés consommateurs, jusqu’ici rassurant, se montre désormais très inquiet.
Pour répondre dans les dix, quinze ans à venir aux besoins mondiaux, il faudrait produire quotidiennement 40 millions de barils supplémentaires, soit l’équivalent de la production de quatre nouvelles Arabies Saoudites, le principal producteur mondial. Ce qui est évidemment totalement impossible.
Eric Laurent: "La guerre du pétrole va gagner en intensité"
SITE OFFICIEL : Eric Laurent
Dans une remarquable enquête basée sur son livre La face cachée du pétrole*, le journaliste et écrivain Éric Laurent démonte une histoire tissée de manipulations et de désinformation. Entretien avec un artisan du scoop.
Comment avez-vous fait pour révéler des secrets si bien gardés ?
Éric Laurent : J'ai commencé à travailler sur ce sujet en 1973, au moment du premier choc pétrolier. Je me suis mis à approcher le cœur du pouvoir pétrolier, à connaître certains de ses hommes-clés, à pressentir aussi combien la marche du monde en dépendait. Cela relève d'un artisanat journalistique de plus en plus méprisé : chercher les informations à la source et les recouper. Parce que ce qui entoure le pétrole est complexe et opaque, la presse se contente des communiqués officiels, presque toujours mensongers. Il n'existe aucune source indépendante de statistiques : elles proviennent des compagnies et des pays producteurs, qui ont tout intérêt à les manipuler. C'est ainsi que les réserves mondiales sont surestimées de 300 milliards de barils depuis 1986, date à laquelle, pour augmenter leurs quotas de production, les pays arabes de l'Opep ont gonflé les chiffres.
D'autres exemples ?
Dès 1928, les sept grandes compagnies pétrolières occidentales se sont partagées le monde, dans un secret qui n'a filtré que dans les années 1950. Le choc pétrolier de 1973, qu'on présente comme une réaction des pays arabes producteurs, est en réalité le fait de ces mêmes compagnies, qui voulaient dégager de gros bénéfices afin d'investir dans la prospection. Et c'est par le pétrole que Reagan a fait tomber l'URSS, comme on le découvre dans le film.
Il s'achève sur un futur lourd de menaces…
Le XXIe siècle a vu s'ouvrir une nouvelle phase, avec l'intervention en Irak de 2003, coup d'envoi d'une guerre du pétrole qui va gagner en intensité : les réserves mondiales s'épuisent et les compagnies en détiennent à peine 7 %. Les forces sont redistribuées. D'une part parce que la Chine entend s'assurer une hégémonie absolue sur les matières premières, et qu'elle en a les moyens. D'autre part, parce que quatre pays producteurs détiennent les clés de l'avenir, et aucun n'est l'ami de l'Occident : l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Venezuela et la Russie. Or, pour répondre à la demande mondiale, il faudrait découvrir l'équivalent de quatre Arabie Saoudite ! On risque de voir se multiplier les catastrophes écologiques comme celle du Golfe du Mexique, car on recherche le pétrole à des conditions toujours plus risquées.
Propos recueillis par Irène Berelowitch
* Éditions Plon, 2006
Éric Laurent : J'ai commencé à travailler sur ce sujet en 1973, au moment du premier choc pétrolier. Je me suis mis à approcher le cœur du pouvoir pétrolier, à connaître certains de ses hommes-clés, à pressentir aussi combien la marche du monde en dépendait. Cela relève d'un artisanat journalistique de plus en plus méprisé : chercher les informations à la source et les recouper. Parce que ce qui entoure le pétrole est complexe et opaque, la presse se contente des communiqués officiels, presque toujours mensongers. Il n'existe aucune source indépendante de statistiques : elles proviennent des compagnies et des pays producteurs, qui ont tout intérêt à les manipuler. C'est ainsi que les réserves mondiales sont surestimées de 300 milliards de barils depuis 1986, date à laquelle, pour augmenter leurs quotas de production, les pays arabes de l'Opep ont gonflé les chiffres.
D'autres exemples ?
Dès 1928, les sept grandes compagnies pétrolières occidentales se sont partagées le monde, dans un secret qui n'a filtré que dans les années 1950. Le choc pétrolier de 1973, qu'on présente comme une réaction des pays arabes producteurs, est en réalité le fait de ces mêmes compagnies, qui voulaient dégager de gros bénéfices afin d'investir dans la prospection. Et c'est par le pétrole que Reagan a fait tomber l'URSS, comme on le découvre dans le film.
Il s'achève sur un futur lourd de menaces…
Le XXIe siècle a vu s'ouvrir une nouvelle phase, avec l'intervention en Irak de 2003, coup d'envoi d'une guerre du pétrole qui va gagner en intensité : les réserves mondiales s'épuisent et les compagnies en détiennent à peine 7 %. Les forces sont redistribuées. D'une part parce que la Chine entend s'assurer une hégémonie absolue sur les matières premières, et qu'elle en a les moyens. D'autre part, parce que quatre pays producteurs détiennent les clés de l'avenir, et aucun n'est l'ami de l'Occident : l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Venezuela et la Russie. Or, pour répondre à la demande mondiale, il faudrait découvrir l'équivalent de quatre Arabie Saoudite ! On risque de voir se multiplier les catastrophes écologiques comme celle du Golfe du Mexique, car on recherche le pétrole à des conditions toujours plus risquées.
Propos recueillis par Irène Berelowitch
* Éditions Plon, 2006
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