Le Parlement européen a rejeté aujourd’hui l’accord « Swift » sur le transfert vers les Etats-Unis des données sur les transactions interbancaires en Europe. C’est « un revers pour la coopération anti-terrorisme », s’est plainte la mission américaine auprès de l’Union européenne (UE).
Depuis les attaques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis avaient en effet obtenu un accès direct au système de la société européenne Swift, qui gère, pour le compte des banques, des millions de transferts financiers internationaux quotidiens. La révélation dans la presse, en juin 2006, de ces opérations clandestines de piratage des données personnelles et financières des Européens, avec la découverte du programme de traque du financement du terrorisme (Terrorist Finance Tracking Program) américain, avait provoqué un scandale, conduisant l’UE et les Etats-Unis à formaliser un accord de « coopération ».
Une « personnalité éminente européenne » fut nommée pour en contrôler l’application. Le choix se porta sur... le magistrat français « anti-terroriste » Jean-Louis Bruguière. Tout se passait donc à merveille pour les Etats-Unis, auxquels aucune contrepartie n’était demandée — les autorités européennes n’ayant pas d’accès aux transactions financières des citoyens américains.
Las, l’ouverture fin 2009 d’un nouveau centre de données Swift en Suisse obligeait à réactualiser cet accord. Les ministres européens des affaires européennes s’empressèrent d’en signer une nouvelle version... le 30 novembre 2009, veille de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne renforçant les pouvoirs du Parlement. Une tentative de passage en force qui causa un nouveau scandale, et relança les débats.
Le vote s’est décidé, se réjouit la députée GUE/GNL Marie-Christine Vergiat, « vu les innombrables violations, dans le cadre de cet accord, des dispositions et principes des législations communautaires, nationales, de la Charte des droits fondamentaux et des Conventions du Conseil de l’Europe (1) ».
Tandis que l’Assemblée nationale, en France, débat de mesures de filtrage et de surveillance d’Internet et d’une extension de la vidéosurveillance dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Loppsi 2) (2), ce vote du Parlement européen, acquis à une large majorité (378 voix contre 196), indique que la défense de la vie privée n’est pas nécessairement une cause perdue, même face à l’« anti-terrorisme ».
(1) Marie-Christine Vergiat, Communiqué du 11 février.
(2) Lire par exemple Sandrine Bélier, « Hadopi, Loppsi : les censeurs du Net s’organisent », Slate.fr, 29 janvier 2010.
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