Quand on a d’immenses compétences reconnues en philosophie, on peut comme Luc Ferry ouvrir un grand chantier de réflexion ; soldé par un gros livre portant par exemple sur ce qu’est une vie réussie. Ce n’est pas un sujet facile car une vie commence par des cris et des pleurs et s’achève avec un périple de dizaines d’années pendant lesquelles on peut travailler, jouer, créer, engendrer, manger, jouer, gagner, planter, mais aussi perdre, des proches ou bien se perdre soi-même, ou perdre son job, être inondé, se retrouver malade, avoir des accidents sur la route… L’optimiste dira que toutes les vies sont réussies ; Cioran pensait que toute vie est ratée ; et chacun sait que la réalité est au milieu, et que certains sont plutôt dans la réussite et d’autres dans l’échec. Une vie réussie au sens philosophique du terme, dépasse de loin les considérations prosaïques. Les critères sont-ils plus exigeants ? Je n’en sais rien, n’ayant pas lu le livre de Ferry et si je devais me pencher sur la question, il y a fort à parier que je n’écrirais pas les mêmes choses mais que bien des points de convergences seraient présents.
Si on ne veut pas se prendre la tête avec l’existence, nous pouvons réfléchir à une question plus simple, inscrite dans l’air du temps. Qu’est-ce qu’une bonne nouvelle ? Surtout par les temps qui courent. Quelles sont les raisons nous faisant espérer quelque plaisir ou bonheur à venir ? Certaines nouvelles sont mauvaises ou bonnes à l’échelle nationale, d’autres nouvelles le sont à titre individuel. Une bonne et une mauvaise nouvelle ; la bonne, le cadet vient de réussir son bac, la mauvaise, il va s’inscrire en fac de lettres. Bonne nouvelle, l’aînée a réussi le concours pour être instit ; mauvaise nouvelle, elle doit déménager et se louer un appart au prix fort. La vie est faite de ces petits événements, parfois sans importance, mais qui en certaines occasions peuvent changer une vie. On ne sait pas en réalité si une nouvelle est bonne ou mauvaise. Sauf si c’est du tangible en termes matériel. Une promotion, une augmentation, un gain substantiel à un jeu d’argent, voilà une bonne nouvelle pour tous. Après, tout dépend comment cet argent est employé. Les uns savent se faire plaisir avec des moyens limités et les autres sont des éternels insatisfaits.
Bonnes et mauvaises nouvelles se succèdent. Parfois, elles n’ont aucun lien et d’autres fois, elles sont liées, plus spécialement quand la nouvelle plaît aux uns et déplaît aux autres. Une usine qui ferme dans le Nord n’a aucun lien avec un plan de licenciement décidé par une boîte du Pays basque. La hausse du pétrole fait le bonheur des émirs, mais c’est une mauvaise nouvelle pour ceux qui utilisent un véhicule ou se chauffent. Autrement dit, presque tout le monde est touché. La baisse de l’immobilier est une mauvaise nouvelle pour les agences et les propriétaires. Par contre, c’est une excellente nouvelle pour ceux qui souhaitent devenir propriétaires, notamment s’ils ont un peu de cash car, même avec le crédit augmentant, le gain sera évident d’ici quelques années. Imaginons un bien de 100 ou 200 000 euros au prix de 2007. En 2012, ce bien ou l’équivalent sera accessible pour 70 ou 140 milles euros. Tant mieux pour ceux qui en profiteront, mais, en même temps, les chantiers vont diminuer et, donc, mauvaise nouvelle pour les promoteurs et les travailleurs du secteur.
Augmentation de la prime de rentrée scolaire, bonne nouvelle pour les familles. Tu parles ! 15 euros, des miettes qui ne compenseront pas les gaspillages effectués pendant les vacances. Fin de la publicité à la télévision publique. Mauvaise nouvelle pour le personnel. Mais bonne nouvelle pour les actionnaires de TF1 et M6. C’est aussi une bonne nouvelle pour les rares croyants en une télévision sans pub livrant des programmes intéressants. Car la qualité de toute œuvre culturelle repose sur des créateurs. Il y en a-t-il encore, de ces talents inconnus, de ces réalisateurs géniaux qui en un coup de baguette du chef de Carolis poussé par l’UMP, livreraient leur production magique au public. L’avenir dira si cette mesure est une nouvelle ni bonne ni mauvaise car elle ne change rien. Ainsi coule la vie et les politiques qui voudraient bien que chaque jour annonce son lot de bonnes nouvelles doivent maugréer leur impuissance. Ou bien faire des spots de pub pour dire aux Français qu’il faut être patients quand on attend les bonnes nouvelles.
Notons qu’il existe une profession pour qui toute nouvelle, bonne ou mauvaise, est bonne à prendre. C’est la presse et rien de tel qu’un accident de car avec dix morts ou une démonstration de l’armée qui tourne mal. Rien que sur un JT, ça vaut entre 7 et 12 minutes d’antenne. La mort d’une célébrité peinera les proches et les fans, mais fera entrer de la thune à Paris-Match. Mais n’est-ce pas le signe que tout devient marchandise ?
A noter aussi la temporalité associée aux nouvelles. Quand une équipe gagne, c’est une super-nouvelle pour les supporters et une mauvaise pour les adversaires. Mais la fête ou la tristesse ne durent que deux ou trois jours ; après tout s’oublie. Néanmoins, la rencontre de l’âme sœur peut se transformer en une bonne nouvelle durant une existence. Mieux vaut trouver la compagne d’une vie que passer sa vie dans les tribunes. La mort d’un proche nous affecte le temps que dure le deuil ; que du reste on ne devrait pas travailler et laisser en friche. L’élection de Sarkozy est une bonne nouvelle qui ne dure que cinq ans. Et pour ceux qui trouvent que c’est une mauvaise nouvelle, la durée est équivalente.
Intéressons-nous à l’éventualité d’une mauvaise nouvelle universelle, valable pour tout le monde. C’est impensable. Même le réchauffement climatique, touchant la planète entière, ne peut être une mauvaise nouvelle pour tous. Je connais un gars, il s’appelle Hans Larsen, il vit au Danemark, depuis qu’il est jeune, il rêve de faire pousser des palmiers dans son jardin. Eh bien son rêve deviendra réalité. Et une bonne nouvelle pour tous ? Tout aussi impensable. Même Dieu, s’il revenait, il se trouverait un abruti pour le flinguer. Sans compter les disputes entre factions religieuses pour se l’approprier ou le conspuer. Une bonne nouvelle fait toujours des mécontents. Qui ne connaît pas ces repas de dimanche en famille pendant lesquels un frangin se pointe au moment du café, annonçant qu’il vient de gagner 100 euros au loto. Les envieux se déchaînent et ça finit en eau de boudin, le frangin se casse.
Auteur de l'article
Bernard Dugué (Bordeaux en Aquithènes) |
1 commentaire:
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