15 mars 2013

L'hydrates de méthane une solution pour l'avenir (du Japon) ?

Distribution mondiales des ressources supposées ou confirmées d'hydrate de méthane, 1996.
Source: USGS
Le Japon se tourne avec succès vers les hydrates de méthane
Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences
14/03/2013
Source : http://www.futura-sciences.com
English  Japan turns to successfully methane hydrates


Le Japon a trouvé une nouvelle source d’énergie pour recouvrer son indépendance : les hydrates de méthane. Ce carburant fossile repose notamment dans des sédiments marins à de grandes profondeurs. Il vient pour la première fois d’être extrait avec succès à partir d’un navire de forage. 
 
Le gouvernement japonais a fait stopper la plupart des centrales nucléaires présentes sur son territoire, à la suite de la catastrophe de Fukushima. La production d’électricité à partir d’énergie fossile a par conséquent connu un nouvel essor, ce qui a mené le pays dans une situation économique que certains qualifient d’intenable. Le Japon doit en effet importer 95 % du gaz qu’il consomme, car il ne dispose pas de réserves conventionnelles. 

Ce détail a toute son importance. En effet, des prospections sismiques et des forages exploratoires ont souligné la présence d’environ 1.100 milliards de m3 de méthane au large de la côte est du pays, soit de quoi subvenir aux besoins énergétiques de la société japonaise durant 11 ans. Il ne faut cependant pas crier victoire pour autant, car le combustible se présente sous forme d’hydrates de méthane, également appelés « glace qui brûle » ou « glace de méthane ». 

La particularité de ce méthane est d’être enfermé dans des cages faites de molécules d’eau organisées en réseau cristallin, où il est soumis à de hautes pressions et de basses températures. Bien que cette glace atypique soit connue depuis plus de deux siècles, aucune méthode ne permettait jusqu’ici de l'exploiter au sein même des sédiments marins profonds dans lesquels elle reposait. Or, la Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (Jogmec) vient de réussir ce 12 mars 2013 à extraire du méthane de manière satisfaisante, durant un essai mené au large des péninsules d’Atsumi et de Shima. 

Le Chikyu est un navire de recherche japonais inauguré en 2002. Il peut théoriquement forer jusqu'à sept kilomètres de profondeur dans le plancher océanique.
Le Chikyu est un navire de recherche japonais inauguré en 2002. Il peut théoriquement forer jusqu'à sept kilomètres de profondeur dans le plancher océanique. © Gleam, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
 
Indépendance énergétique fournie par les fonds marins
 
Sept années d’explorations (de 2001 à 2008) et quatre années de recherches (de 2009 à ce jour) ont été requises pour localiser les sources d’hydrates de méthane exploitables et développer la technologie requise pour leur extraction. Sur site, trois forages ont été réalisés par le navire de recherche Chikyu en février et mars 2012. Seul un puits est destiné à l’extraction du combustible, les deux autres étant prévus pour la surveillance des opérations. Le puits principal a été foré par 1.000 m de fond et a atteint une profondeur de 330 m. 

Diverses approches ont été envisagées pour extraire le gaz, mais seule l’une d’entre elles a été retenue à la suite de tests menés au Canada en 2001 et 2008 : la dépressurisation. Cette technique consiste à faire chuter la pression au sein des sédiments pour libérer le méthane. L’expérience, dont les préparatifs ont débuté le 28 janvier, devrait se poursuivre durant encore deux semaines. Le Chikyu est ensuite attendu au port de Shimizu le 26 mars. Plusieurs aspects de l’extraction suscitent une vigilance particulière : la dissociation du méthane sous l’eau, la régularité du flux et l’impact environnemental. Précisons enfin que le gaz produit est directement brûlé en surface par le biais d’une torchère installée sur le navire de forage

Les hydrates de méthane pourraient donc offrir une nouvelle indépendance énergétique au Japon, mais à quel prix ? Ces hydrocarbures non conventionnels sont par définition d’origine fossile, et l’on peut d’ores et déjà redouter la survenue de fuites durant leur exploitation industrielle ou leur consommation massive. En effet, le méthane et le CO2 issu de sa combustion sont d’importants gaz à effet de serre. Voilà de quoi lancer un nouveau débat, à l’image de celui qui oppose les partisans et les détracteurs du gaz de schiste. Quoi qu’il en soit, un second essai est prévu courant 2014 ou 2015. Si tout se passe bien, une plateforme d’extraction sera développée entre 2016 et 2018.


Les hydrates de méthane constituent-ils une ressource exploitable ?
Entretien avec Roland Vially
Loïc Mangin
12/2010

Roland Vially est géologue à l'IFP-Énergies nouvelles.

Les hydrates de méthane, un mélange cristallisé d'eau et de gaz, constitueraient une ressource considérable de gaz naturel. Cependant, leur exploitation n'est aujourd'hui possible ni économiquement ni techniquement. En outre, on ignore encore s'ils influent sur le climat. Entretien avec Roland Vially.

 

Les hydrates de méthane sont-ils des gaz non conventionnels ? 

 

Roland Vially : Ces composés sont bien une forme de gaz non conventionnels, mais ils diffèrent notablement des trois autres (gaz de schistes, gaz de houille et tight gas), même si là encore il s'agit de méthane. Un hydrate de méthane est un mélange d'eau et de méthane qui, sous certaines conditions de pression et de température, cristallise en un solide.
Les hydrates de gaz ont été découverts dans les années 1810 par le chimiste britannique Humphrey Davy, mais n'ont guère retenu l'attention. Puis, 120 ans plus tard, on s'aperçut qu'ils pouvaient obstruer les gazoducs dans l'Arctique russe. Dans les années 1950, des cristallographes ont élucidé la structure des hydrates de gaz : elle correspond à une famille de substances nommées clathrates. Un squelette alvéolaire constitué de molécules d'eau reliées par des liaisons hydrogène est stabilisé par des liaisons de type Van der Waals avec des molécules de gaz piégées dans les cages polyédriques. Ces dernières se distinguent par le nombre et la forme des cages (pentagones, hexagones...).

 

Où les trouve-t-on ? 

 

Dans la nature, les conditions nécessaires pour que les hydrates soient stables sont réunies dans la partie supérieure des couches sédimentaires des régions arctiques (très basse température et faible pression), notamment dans le pergélisol, cette couche du sol gelée en permanence.
On trouve aussi ces conditions de température et de pression adéquates dans les sédiments superficiels des eaux océaniques profondes (forte pression et basse température). À mesure que l'on s'enfonce dans les sédiments, ces hydrates ne sont plus stables, car la température, liée au gradient géothermique, augmente. L'interface entre le domaine contenant des hydrates et celui qui en est dépourvu est caractérisée par un fort contraste d'impédance acoustique que l'on repère sur les enregistrements sismiques : on distingue un réflecteur parallèle au plancher océanique.
Lorsque pour des raisons naturelles, tels un réchauffement climatique, une baisse du niveau marin ou une surrection tectonique, les hydrates « quittent » leur domaine de stabilité, ils se dissocient pour former de l'eau et du gaz. Quand on remonte en surface des carottes contenant des hydrates, ces derniers se décomposent et l'on peut enflammer le méthane.
Contrairement aux gaz conventionnels, on ne peut plus parler de système pétrolier ou gazier, car il suffit d'avoir du méthane et des conditions de pression et de température pertinentes pour obtenir des hydrates de méthane.

 

Quel volume de méthane représentent-ils ? Et peut-on imaginer y avoir accès ? 

 

Donner une estimation du gaz en place dans les sédiments sous forme d'hydrate de méthane est extrêmement difficile, mais des valeurs notablement supérieures à 1 000 téramètres cubes sont communément admises. Ces valeurs sont à comparer avec les réserves prouvées de gaz conventionnels qui sont de l'ordre de 180 téramètres cubes et la consommation annuelle mondiale de trois téramètres cubes. Quel que soit le chiffre, il est considérable, mais précisons qu'il représente le volume de gaz en place et pas celui des ressources récupérables.
Aujourd'hui, aucune production commerciale de ces hydrates n'a été entreprise. Dans les années 1970, les Russes ont mis en production en Sibérie un champ de gaz naturel, à Messoyakha, dont une partie du réservoir est remplie par des hydrates de gaz. Outre le fait qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une production d'hydrates, puisqu'on récupère le gaz libre sous la couche d'hydrates de méthane (l'exploitation du gisement favorise la déstabilisation des hydrates, un phénomène qui alimente le gisement), l'intérêt économique n'a pas encore été démontré.
Des expériences pilotes de production ont été effectuées à Mallik, dans l'Arctique canadien, et dans le prisme d'accrétion de Nankaï, dans les profondeurs de l'océan près du Japon. Les tests se poursuivent encore : par exemple, les Japonais ont prévu deux extractions expérimentales, la première en 2012 et la seconde en 2014.

 

Comment récupère-t-on le méthane de ces hydrates ? 

 

Dans ces sites, trois techniques de production ont été testées : la dépressurisation, la stimulation thermique et l'injection d'inhibiteurs. Dans la première, on cherche à déstabiliser les hydrates de méthane en pompant l'eau aux alentours du puits. La chute locale de pression entraîne la dissociation des hydrates et la production d'eau et de méthane. La deuxième technique consiste à injecter de la vapeur pour déstabiliser les hydrates. Enfin, dans la troisième, on modifie la courbe de stabilité des hydrates en injectant du méthanol. Toutefois, l'intérêt économique de telles méthodes reste à démontrer.

 

Quels enseignements peut-on tirer de ces premières tentatives ? 

 

Ces expériences pilotes ont montré qu'une production significative de méthane n'est possible que lorsque les hydrates se situent dans les anfractuosités d'une couche poreuse et très perméable afin que l'on puisse facilement pomper ou injecter de la vapeur ou des inhibiteurs. Autre contrainte, les pores doivent contenir une forte proportion d'hydrates, ce qui suppose une bonne alimentation (la migration du gaz vers le réservoir) et une bonne concentration (le gaz doit être piégé). Ces conditions sont quasiment celles d'un bon gisement de gaz naturel qui n'est pas sous forme « classique » du fait des conditions de pression et de température.
En conséquence, pour le calcul des ressources ultimes récupérables, on ne doit pas tenir compte des hydrates sous forme de granules, de nodules ou sous formes diffuses dans des sédiments imperméables. Le volume en est notablement réduit et doit alors être compris entre 100 à 500 téramètres cubes de gaz, un ordre de grandeur comparable avec ceux des réserves des autres gaz non conventionnels. Quant aux réserves prouvées, on n'en connaît encore aucune.

 

On soupçonne les hydrates de méthane d'influer sur le climat, qu'en est-il ? 

 

Plusieurs spécialistes du climat pensent que le méthane (dont le pouvoir de gaz a effet de serre est 25 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone) contenu dans les hydrates influe sur l'évolution du climat. Par exemple, James Kennett, de l'Université de Santa Barbara, aux États-Unis, a proposé la théorie du « fusil à hydrates » selon laquelle ces composés s'accumuleraient pendant les périodes glaciaires et se dissocieraient lors des réchauffements.
De fait, certains climatologues, tel James Hansen, de l'Institut Goddard de la nasa, craignent que le réchauffement climatique actuel n'entraîne l'augmentation de la température du pergélisol et donc la libération du méthane qu'il contient. Ce gaz relâché dans l'atmosphère favoriserait l'effet de serre et faciliterait un emballement climatique.
En 1995, Gerald Dickens, de l'Université Rice, aux États-Unis, a proposé un rôle non négligeable de la dissociation d'hydrates de méthane dans le réchauffement brutal de la Terre il y a 55 millions d'années (en 1 000 à 10 000 ans, la température des eaux marines a augmenté d'en moyenne six degrés). Cependant, ces idées n'ont pas convaincu, notamment parce qu'elles ne disent rien sur l'initiation du processus.
Aujourd'hui, aucun consensus n'a été obtenu, et beaucoup de spécialistes restent dubitatifs quant à un possible rôle des hydrates de méthane dans la dynamique du climat.

 

Les hydrates de méthane pourraient-ils constituer une alternative au gaz naturel liquéfié (gnl) pour le transport ? 

 

En effet, les hydrates de méthane sont en théorie adaptés au transport de ce gaz sur de longues distances et pourraient à terme concurrencer le gnl. Leur principal avantage réside dans le fait que les conditions de température et de pression nécessaires à leur stabilité sont moins draconiennes que celles requises pour le gnl. Les hydrates sont donc moins dangereux, même si, pour une cargaison de même poids, le volume de méthane transporté est moindre. Ce mode de transport est encore à l'état de projet.


SOURCE WIKIPEDIA :
English   Methane clathrate

Hydrate de méthane


Un hydrate de méthane (ou clathrate de méthane) est un composé d'origine organique naturellement présent dans les fonds marins, sur certains talus continentaux, ainsi que dans le pergélisol des régions polaires.
La formation de ces hydrates constitue l'un des puits de carbone planétaires, mais elle est très instable quand sa température dépasse un certain seuil.
Les hydrates de méthane sont une source potentielle d’énergie fossile pour remplacer le pétrole ; ils sont réputés présents en grande quantité, surtout en fonds marins, mais sont difficilement exploitables. Ils restent une source directe de méthane ou indirecte de CO2, deux puissants gaz à effet de serre.
Appelé familièrement « glace qui brûle » ou « glace de méthane », ce composé glacé est inflammable dès qu'il fond et en présence d'oxygène ou d'un oxydant. À l'échelle moléculaire, un clathrate de méthane est en effet constitué d'une fine « cage » de glace dans laquelle est piégé du méthane a priori issu de la décomposition de matière organique relativement récente (par rapport à celle qui a engendré le pétrole et le gaz naturel) et effectuée par des bactéries anaérobies et méthanogènes.
Lors de la production de gaz naturel, d'autres hydrates peuvent se former (d'éthane et de propane). Plus la longueur de la molécule d'hydrocarbure augmente (butane, pentane..), moins les hydrates formés sont stables.
Les hydrates de gaz naturels (Natural gas hydrate ou NGH en anglais) sont caractérisés par une plus faible pression (25 mégapascals, compression 1/170) et une plus haute température (0°C), que les LNG (Liquified natural gas, gaz naturels liquéfiés) ou les CNG (Compressed natural gas, gaz naturels comprimés).


Combustion d’hydrate de méthane (USGS).
Cadre en haut à gauche : structure du clathrate.

Bloc d'hydrate de gaz (clathrate) trouvé lors d'une expédition scientifique avec le navire de recherche allemand FS SONNE dans la zone de subduction située au large de l'Oregon, à une profondeur d'environ 1200 mètres. Cet hydrate de méthane était enfoui dans le premier mètre du sédiment, dans la zone dite "hydrate ridge", au large de l'Oregon (États-Unis). Ici, il présente une structure particulière( vaguement en « nid d'abeille ») quand il fond

Sommaire

Découverte

Le navire de recherche Sonne remonte en juillet 1996 de l’océan Pacifique, et d’une profondeur de 785 m, 500 kg d’hydrate de méthane1.

La structure des hydrates de méthane


filons d'hydrate de gaz (clathrate, en blanc sur la photo) trouvé au large de l'Oregon(-1200 mètres environ) dans le premier mètre du sédiment

Structure de base de l'hydrate de méthane.
Les 2 petites cages sont entièrement coloriées en jaune et les faces hexagonales des grandes cages sont coloriées en rouge
L'hydrate de méthane est formé de molécules d'eau formant des cages qui piègent des molécules de gaz comme le méthane ou le sulfure d'hydrogène (gaz tous deux présents dans l'hydrate remonté par le navire Sonne). Ces cages peuvent stocker de considérables quantités de gaz (par exemple 164 cm3 de méthane dans 1 cm3 d'hydrate).

Plus précisément, la structure de base de l'hydrate de méthane correspond à la structure de type I des structure clathrates de gaz (en)2 : cette structure 3 (également appelée structure de Weaire-Phelan) comprend 2 cages de petite taille et 6 cages de plus grande taille :
  • chacune des 2 cages de petite taille a la forme d'un dodécaèdre irrégulier (polyèdre formé de 12 faces en forme de pentagones irréguliers et qui comprend 30 arêtes et 20 sommets) ;
  • chacune des 6 cages de grande taille a la forme d'un trapèzoèdre hexagonal tronqué (en) (polyèdre formé de 2 hexagones réguliers et de 12 pentagones irréguliers et qui comprend 36 arêtes et 24 sommets) ;
  • chacun des sommets de ces 8 cages est occupé par une molécule d'eau tandis que le gaz méthane occupe l'intérieur de ces cages.

Certains de ces sommets étant communs à deux ou plusieurs cages, le nombre total de molécules d'eau de la structure de base de l'hydrate de méthane n'est que de 46 molécules (au lieu de 184).

Réservoirs naturels

Les hydrates de méthane sont stables à basse température et à forte pression.
Ces conditions se rencontrent dans deux milieux très différents :

Réservoir océanique

Du méthane est stocké sous forme d'hydrates de méthane dans les sédiments océaniques profonds et au niveau des talus continentaux à des profondeurs de quelques centaines de mètres.

Réservoir continental

On trouve également des hydrates de méthane dans le pergélisol des régions circumpolaires de l'Eurasie et de l'Amérique.

Inventaire

Depuis les premières estimations dans les années 1970, la quantité d'hydrate de méthane dans le réservoir océanique a été révisée à la baisse mais reste considérable. Selon une estimation récente4, cette quantité serait comprise entre 1 et 5×1015 m3 de gaz, soit entre 0,5 et 2,5 ×1012 tonnes de carbone. La quantité d'hydrates de méthane dans le réservoir continental est moins bien connue. La surface relativement faible (10 millions de km²) occupée par le pergélisol laisse supposer qu'elle est moindre que dans le réservoir océanique.
Par comparaison, les réserves connues de pétrole en 2005 étaient d'environ 2×1011 m3 (voir l'article Réserves pétrolières).

Applications

Source potentielle d'énergie


Distribution mondiales des ressources supposées ou confirmées d'hydrate de méthane, 1996.
Source: USGS
Les réserves d'hydrate de méthane sont si considérables que de nombreuses compagnies pétrolières s'y intéressent. Mais la récupération de ce composé est difficile et coûteuse, voire dangereuse pour le climat planétaire et les difficultés technologiques qui en résultent semblent actuellement loin d'être résolues.
Après la catastrophe de Fukushima, le japon a un besoin vital de nouvelles sources d'énergie. Le Gouvernement a lancé un programme de recherche (2001-2008) visant à localiser et qualifier la ressource sous-marine potentielles du Japon, puis un plan de sept ans (« Programme sur l'exploitation de l'énergie marine et des ressources marines »), voté en mars 2009. Deux extractions tests étaient prévus en 2012 et 2014 près de la Nankai Trough (en) au sud du pays où des ressources importantes ont été détectées5,6. Le test in situ de récolte stabilisée durant deux semaines a commencé en mars 20137.
Des hydrates de méthane ont déjà pu être exploités à Messoyakha, petit champ gazier peu profond de Sibérie occidentale, situé juste à la limite de stabilité des hydrates de méthane. En conséquence, sa partie basse était un gisement de gaz "normal" (du gaz libre dans du sable) tandis que le haut était rempli d'hydrates. L'exploitation du gaz conventionnel a réduit la pression et a déstabilisé les hydrates, dont le méthane a alors pu être utilisé.
L'exploitation des hydrates de méthane pourrait poser de sérieux problèmes en matière d'effet de serre. Leur combustion émet en effet du CO2, mais pas plus que le gaz naturel (et moins que le charbon et le pétrole). Le risque existe qu'en exploitant les hydrates sous-marins instables l'on fasse involontairement remonter de grandes quantités de méthane dans l'atmosphère : cela équivaudrait à exploiter du gaz naturel en autorisant d'énormes fuites. Or le méthane (CH4) a un pouvoir de nuisance beaucoup plus élevé que le CO2 en tant que gaz à effet de serre. Son potentiel de réchauffement global mesuré à l'échelle d'un siècle à partir de sa diffusion dans l'atmosphère est en effet compris entre 22 et 23 fois celui du dioxyde de carbone, en tenant compte d'une durée de vie moyenne des molécules de CH4 de seulement une douzaine d'années avant leur décomposition par les UV, des phénomènes de combustion ou d'oxydation et diverses réactions chimiques.
Les industriels doivent tester en mer des méthodes de décompression des hydrates permettant de le récupérer intégralement. C'est un des projets du Japonais JOGMEC8.
Un projet allemand dit « SUGAR (acronyme signifiant Submarine Gashydrat-Lagerstätten: Erkundung, Abbau und Transport), lancé à l'été 2008 par l'Institut Leibniz pour les sciences marines de Kiel9, sous tutelle des Ministères fédéraux de l'économie et de la technologie (BMWi) et de l'enseignement et la recherche (BMBF) avec l'appui de 30 partenaires économiques et scientifiques et un budget initial de près de 13 millions d'euros, vise à extraire du méthane marin et à stocker à sa place du CO2 capté au sortir de centrales thermiques ou d'autres installations industrielles10.

Rentabilité économique

Les études de production

Des études japonaises et américaines ont été réalisées depuis 2001 dans le but de démontrer que l'imperméabilisation d'un système d'approvisionnement NGH était possible dans le cadre de l'exploitation des gisements de gaz naturel offshore et non pas dans l'exploitation des gisements d'hydrates eux-mêmes (puisque celle-ci n'a pas encore pu être réalisée de façon effective dans un cadre d'approvisionnement à l'échelle industrielle).
Les études de faisabilité réalisées à cet effet ont donc démontré que l'utilisation de systèmes d'approvisionnement NGH basés sur les techniques de production d'hydrate de méthane synthétique était rentable dans le cadre d'une exploitation rationnelle des gisements de gaz naturel de moyenne et moindre importance : l'exploitation des gisements de gaz naturel comprend par définition un investissement très important dans les technologies de liquéfaction du gaz. L'investissement de base et le coût de construction et de mise en service d'une unité de liquéfaction rend l'exploitation des gisements de faible ou moyenne importance non économiquement viable.

Transport et stockage du méthane

L'exploitation des hydrates de méthane ne se limite pas aux fonds sous-marins. En effet, les hydrates de méthane sont une bonne alternative pour le transport du méthane sur des distances relativement longues. Ainsi, on réduirait grâce aux hydrates de méthane le transport dangereux du gaz naturel liquéfié ou encore la construction de gazoducs.
De plus, le transport des hydrates par bateau pourrait être moins coûteux en énergie que celui du gaz naturel liquéfié, car les conditions de température et de pression seraient moins difficiles à préserver que dans les méthaniers actuels. A contrario, la quantité finale de gaz libre transportée par rapport au poids de la cargaison est en la défaveur des hydrates au niveau du coût de transport.
Si la distance reste inférieure à 6 000 km, le système d'acheminement NGH devient alors moins coûteux que le classique LNG. La production et la regazéification étant à la base déjà moins coûteuses avec le NGH et nécessitant de moindres investissements, le système marque ici toute sa supériorité sur le système de compression classique par liquéfaction du gaz naturel.

Natural Gas Hydrate (NGH) [réf. nécessaire] Liquefied Natural Gas (LNG) [réf. nécessaire]
Modes de transport et de stockage Solide Liquide
Température de transport -20 °C -162 °C
Densité 0,85 - 0,95 0,42 - 0,47
Contenus d'1 m3 de produit 170 m3 CH4 et 0,8 m3 H2O 600 m3 CH4
Des recherches sont en cours de développement pour :
  • permettre de transformer le méthane gazeux en hydrates pour son transport entre le gisement et le centre de consommation ;
  • produire des hydrates de méthane en tant que stock d'hydrogène susceptible d'être utilisé dans des piles à combustibles ;
  • maîtriser la formation d'hydrates de méthane dans les gazoducs où ces hydrates peuvent boucher des canalisations et/ou les endommager lorsqu'ils dégèlent. À cette fin, des biologistes tentent de comprendre comment certains organismes vivant peuvent inhiber la production de ces hydrates11 ;
  • transposer au CO2 des technologies proches de celles qui pourraient être développées pour les hydrates de méthane, avec l'idée de pouvoir « emprisonner » le CO2 dans de la glace (comme le méthane) et former ainsi des hydrates de CO2. Ceci pourrait peut-être permettre de garder sous pression les gisements sous-marins d'hydrates de méthane s’ils deviennent exploitables, et ainsi limiter aussi le dégagement du CO2 dans l'atmosphère.

Hydrates de méthane et changement climatique


Bloc d'hydrate de méthane en train de fondre dans l'eau de mer, en se dissociant en eau et méthane (photo USGS)
On craint que le réchauffement climatique puisse suffisamment élever la température du pergélisol pour que les clathrates qui y sont présents fondent au moins partiellement, ce qui relâcherait énormément de méthane dans l'atmosphère, lequel viendrait à son tour augmenter l'effet de serre, d'où un effet d'emballement.
On pense qu'un dégel massif des hydrates de méthane océaniques a eu une importance considérable dans la gravité de l'extinction permienne qui vit disparaître 95 % des espèces marines et 70 % des espèces continentales, il y a 250 millions d'années.

Voir aussi

Articles connexes

Références

  1. (fr) Archimède : Énergie des abysses, émission du 26 octobre 1999, sur Arte.tv.
  2. voir le dossier "Les océans", Pour la Science n° 73 d'octobre-décembre 2011, page 11
  3. on connaît 2 autres structures possibles pour les clathrates de gaz, la structure II et la structure H, mais elles correspondent à d'autres gaz que le méthane
  4. A.V. Milkov, 2004, Global estimates of hydrate-bound gas in marine sediments: how much is really out there?, Earth-Sci. Rev., vol. 66, n° 3-4, p. 183-197.
  5. H. Saito et N. Suzuki, Terrestria organic matter controlling gas hydrate formation in the Nankai Trough accretionary prism, offshore Shikoku, Japan - Journal of Geochemical Exploration, 95 (2007) 88-100
  6. Vers des expériences sous-marines d'extraction d'hydrate de méthane (Bulletin ADIT/Ambassade de France au Japon / BE Japon 501 18/05/2009)
  7. Marion Garreau (avec AFP), 2013, De la "glace qui brûle" extraite : un siècle d'indépendance énergétique ?, 2013-03-12
  8. site internet de JOGMEC
  9. IFM-GEOMAR ; Kieler Leibniz Institut für Meereswissenschaften
  10. Communiqué relatif au projet SUGAR
  11. CNRC canadien, avec Virginia Walker, biologiste de l'Université Queen's, et Peter Englezos, ingénieur chimiste de l'Université de la Colombie-Britannique, cités par le bulletin ADIT 335 de l'ambassade de France au Canada, en mai 2008

Bibliographie

  • (fr) Le méthane et le destin de la Terre : les hydrates de méthane : rêve ou cauchemar? Gérard Lambert, Jérôme Chappellaz, Jean-Paul Foucher, Gilles Ramstein; préface de Édouard Bard; EDP Sciences 2006
  • (en) Xuemei Lang, Shuanshi Fan, Yanhong Wang, Intensification of methane and hydrogen storage in clathrate hydrate and future prospect Review ; Journal of Natural Gas Chemistry, Volume 19, Issue 3, May 2010, Pages 203-209 (Résumé)
  • (en) T. Elperin, A. Fominykh, Model of gas hydrate formation on the surface of a slug of a pure gas ; International Communications in Heat and Mass Transfer, Volume 22, Issue 3, May–June 1995, Pages 435-443 (Résumé)
  • (en) Bahman ZareNezhad, Farshad Varaminian, A generalized macroscopic kinetic model for description of gas hydrate formation processes in isothermal–isochoric systems ; Energy Conversion and Management, Volume 57, May 2012, Pages 125-130 (Résumé)
  • (en) P. Englezos, N. Kalogerakis, P.D. Dholabhai, P.R. Bishnoi, Kinetics of gas hydrate formation from mixtures of methane and ethane ; Chemical Engineering Science, Volume 42, Issue 11, 1987, Pages 2659-2666 (Résumé)

Liens externes

Planète Alu : L'aluminium au quotidien

Interview de Chris Exley
Source : http://www.arte.tv
English  Aluminum everyday




Le toxicologue Chris Exley est professeur de chimie bioinorganique à l'Université de Keele au Royaume-Uni.
Depuis 1984, il étudie les risques liés à l’aluminium.


L’aluminium est omniprésent : dans les voitures et les boîtes de conserve, mais aussi dans l’eau potable, les déodorants et les comprimés. Quelle est sa réelle nocivité ? Est-il dangereux pour notre santé ? Interview de Chris Exley, spécialiste britannique de l’aluminium.
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L’aluminium est utilisable dans quasiment tous les domaines. Métal inoxydable pour les chantiers de construction, métal ultraléger pour la construction automobile, métal inodore et sans saveur pour l’industrie des emballages alimentaires... Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est aussi présent dans les médicaments, les cosmétiques, les vaccins et les déodorants. Quels sont les risques sanitaires ? Ont-ils été suffisamment bien étudiés ? Le toxicologue Chris Exley pense que non, et explique pourquoi.

ARTE: À quoi sert l’aluminium dans les déodorants ?

CHRIS EXLEY: Certains déodorants contiennent des sels d’aluminium. Les fabricants déclarent que cela a un effet anti-transpirant, en fermant les pores. Or, le fait que l’aluminium agit sur les glandes sudoripares peut avoir d’autres conséquences que de seulement bloquer la transpiration sous les aisselles. Des conséquences dont nous n’avons aucune idée.

Les sels d’aluminium dans les déodorants seraient à l’origine de cancers du sein. Vous confirmez ?

Les indices d’un lien direct entre l’aluminium et le cancer du sein se multiplient : on a trouvé une teneur en aluminium supérieure à la normale chez les femmes atteintes d’un cancer mammaire. Quelle est l’origine de cet aluminium ? Peut-être les déodorants. Mais il faudrait davantage d’études pour le prouver définitivement.

On trouve aussi de l’aluminium dans les comprimés pour l’estomac et les vaccins. Pourquoi ?

L’aluminium est efficace car il est l’un des éléments chimiques les plus réactifs. Contre les aigreurs d’estomac, il faut un médicament qui normalise le pH de l’acide gastrique. Les sels d’aluminium sont connus pour réagir comme des acides ou comme des bases. Que le milieu soit acide ou basique, ils ont une action neutralisante. Utilisé comme adjuvant dans les vaccins, l’aluminium renforce la réponse immunitaire. Son innocuité dans ce type d’application n’a jamais été vérifiée.

Que sait-on de l’effet de l’aluminium dans notre organisme ?

L’aluminium est une neurotoxine qui peut rendre malade et même tuer. L’arrivée d’une dose importante d’aluminium dans le cerveau déclenche une encéphalopathie : les neurones meurent massivement. Nous savons aussi que l’aluminium a une influence sur la formation des os et sur la structure osseuse. Notre organisme peut se défendre contre de faibles doses de cet élément hyper réactif, mais il peut aussi être fragilisé face à la maladie.

Dans quels cas l’aluminium a-t-il provoqué la mort ?

L’action neurotoxique de l’aluminium est connue depuis les années 1970 lorsqu’on a constaté l’apparition d’une démence chez des malades souffrant des reins. En effet, quand on a commencé à dialyser les patients atteints d’une insuffisance rénale, on épurait le sang avec de l’eau du robinet qui contenait de l’aluminium. Les patients développaient des encéphalopathies et beaucoup en sont morts. L’aluminium était resté dans le sang puis avait migré vers le cerveau.

Des composés d’aluminium sont aujourd’hui aussi utilisés pour le traitement des eaux potables. Depuis 2001, la quantité d’aluminium dans l’eau potable est limitée à 0,2 milligramme par litre. Cette précaution est-elle satisfaisante ?

L’aluminium présent dans l’eau potable est le moindre de nos soucis : on a au moins fixé une valeur seuil. Souvent, il ne dépasse pas 0,05 milligramme par litre, ce qui est préconisé. Mais il faut savoir que ce ne sont pas tant des raisons sanitaires qui ont poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à limiter la teneur en aluminium que des raisons liés au goût et à l’aspect de l’eau.

Le documentaire « Planète alu » montre un patient atteint de la maladie d’Alzheimer qui a pris pendant plus de 28 ans des comprimés contre les aigreurs d’estomac. L’aluminium favorise-t-il l’apparition de cette dégénérescence ?

Il faudrait connaître le dossier du patient. Mais des cas similaires existent. En 1988, une femme a été exposée à de très fortes doses d’aluminium présentes dans l’eau potable. Elle est décédée en 2005. L’autopsie de son cerveau a révélé une forme agressive de la maladie d’Alzheimer et un taux élevé d’aluminium. On notera toutefois que la notice d’utilisation des comprimés contre les aigreurs d’estomac préconise de ne pas prendre ce traitement pendant une période prolongée pour éviter la concentration d’aluminium. Cette mise en garde devrait figurer en lettres capitales sur l’emballage, comme sur les paquets de cigarettes.

Pourquoi les autorités sanitaires ne jugent-elles pas nécessaire d’intervenir ?

Les instances en charge de la sécurité des aliments comme l’EFSA défendent en premier lieu les intérêts de l’industrie. Lorsqu’à l’Université de Keele, nous avons constaté un taux bien trop élevé d’aluminium dans du lait en poudre premier âge, l’EFSA ainsi que la Food Standard Agency au Royaume-Uni ont gardé le silence.

L’aluminium conduira-t-il à un scandale comme l’amiante ?

L’aluminium est tout aussi nocif que le plomb ou l’amiante. Si nous avions plus de moyens pour nos recherches, nous pourrions déterminer le danger qu’il représente réellement.

Y a-t-il un consensus au sein de la communauté scientifique quant aux dangers de l’aluminium ?

C’est un sujet qui divise. La pression exercée par les lobbies de l’aluminium sur les gouvernements est grande, et elle se traduit en termes de subventions pour la recherche. Si on parvenait à démontrer que l’aluminium peut être une des causes de la maladie d’Alzheimer, d’importants secteurs industriels seraient touchés. Un peu comme si le cours de l’aluminium venait à s’effondrer.

INTERVIEW : KRISTIN BARTHOLMESS POUR ARTE MAGAZIN

Planète Alu : Aluminium : Attention danger !

Documentaire de Bert Ehgartner 
Source : http://www.arte.tv
English  Aluminium: Warning!

Souple et inoxydable, il emballe par ses propriétés physiques mais fait peser des risques sur notre santé et l’environnement.

Plongée dans le cycle infernal de l’aluminium, des ravages causés par l’extraction de la bauxite aux résidus que les sels et dérivés de ce métal laissent dans notre corps. Les propriétés de l’aluminium – malléable, léger, inoxydable – en font un métal fascinant, précieux dans le secteur de l’architecture. Mais son utilisation dans les emballages, en chimie alimentaire, dans les produits de cosmétique et la pharmacopée pose problème.

Des études ont prouvé que l’aluminium, ses composants, ses sels ou ses dérivés favorisaient l’apparition du cancer du sein, d’allergies, d’infections auto-immunes, voire de la maladie d’Alzheimer. Les meilleurs gisements de bauxite se trouvent sous les tropiques, en Afrique de l’Ouest, en Australie, en Inde et en Jamaïque. Mais c’est à Porto Trombetas dans le nord du Brésil que se situe l’une des mines les plus rentables au monde, aux mains d’une multinationale. Pour l’exploiter, il faut abattre chaque année l’équivalent de 250 terrains de football de forêt humide primaire, essentielle à la biodiversité. Les boues rouges liées à l’extraction sont toxiques, comme l’a montré la catastrophe écologique survenue en Hongrie en 2010.

Documentaire de Bert Ehgartner
Allemagne/Autriche, 2013, 1h29mn

13 mars 2013

Mort ou vif, Chavez est la cible du mépris des médias (Fair, Usa)

Par Frédéric Lemaire
11/03/2013
Source : http://www.acrimed.org
English  In Death as in Life, Chávez Target of Media Scorn

La mort d’Hugo Chavez a suscité, en France, une tempête médiatique d’informations et de commentaires approximatifs, biaisés, voire mensongers qui les apparentent à de la pure propagande. Que le rôle du président du Venezuela et la politique qu’il a conduite fassent l’objet de controverses, rien de plus normal. Pour peu qu’elles reposent sur des informations exactes et des enquêtes effectives, et non sur une surenchère de raccourcis et de slogans. Nous y reviendrons...

… Après nous être tournés vers les médias états-uniens qui ont donné la pleine mesure de ce que des médias dominants peuvent accomplir. C’est pourquoi nous publions ci-dessous un article disponible sur le site de FAIR – « Fairness and Accuracy in Reporting » [1] –, un observatoire dédié à la critique des pratiques médiatiques aux États-Unis. “In Death as in Life, Chávez Target of Media Scorn” – c’est le titre de cet article date du 6 mars 2013 – est publié sous licence Créative Commons. En voici la traduction. (Acrimed)
Le président populiste de gauche du Venezuela [2], Hugo Chavez, est mort mardi 5 mars après avoir lutté pendant deux ans contre le cancer. Si les dirigeants du monde devaient être jugés sur les doses de vitriol médiatique et de désinformation dont leur action politique ont fait l’objet, Chavez serait dans une catégorie à part.

Juste après sa première élection en 1998, le gouvernement américain le dénonçait comme une menace contre les intérêts américains – une image que les médias états-uniens ont largement caricaturée. Lorsqu’un coup d’État préparé par les milieux du privé et les élites médiatiques réussit à évincer Chavez du pouvoir, de nombreux titres de presse états-uniens applaudirent (Extra !, 6/02). Le New York Times (4/13/02), annonça une « démission », expliquant : « la démocratie vénézuélienne n’est plus menacée par un dictateur en puissance ». Le Chicago Tribune (4/14/02) applaudit lui aussi le départ d’un dirigeant qui aurait « fait les louanges d’Ousama Ben Laden » – une allégation bien entendue complètement fausse.
Ces allusions sans fondement eurent cependant des répercussions médiatiques. Sept ans plus tard, CNN (1/15/09) organisait une discussion sur Chavez avec le stratège démocrate Doug Schoen. Alors que le présentateur lui demandait si Chavez était pire ou non qu’Ousama Ben Laden, Schoen affirma que Chavez « avait donné une invitation à Al Qaida et au Hamas de venir à Caracas ».

Ce genre de polémique médiatique sur Chavez ne connaît, semble-t-il, pas de limite. Dans un article de presse, Newsweek (11/2/09) parvint même à le comparer à Mussolini, Hitler et Staline. (Chavez s’était alors construit un studio de tournage, ce qu’apparemment font tous les dictateurs). Pour ABC (World News, 10/7/12) c’est un « ennemi farouche des États-Unis », pour le Washington Post (10/16/06) un « démagogue autocrate ». Fox News (12/5/05) annonça que le gouvernement était « authentiquement communiste » malgré le fait que Chavez ait été régulièrement réélu lors d’élections certifiées par des observateurs internationaux (Extra !, 11-12/06), élections qualifiées de « meilleures du monde » par Jimmy Carter (Guardian, 10/3/12).

Outre les accusations de terrorisme et la dénonciation d’une menace militaire croissante que le Venezuela ferait peser sur la région (FAIR Blog, 4/1/07), les médias ont souvent essayé de faire passer le message selon lequel Chavez était nuisible pour les Vénézuéliens, invoquant une prétendue ruine économique du pays. L’éditorial du Washington Post (1/5/13) se lamente sur les « souffrances économiques causées par M. Chavez », l’homme qui a « détruit leur pays jadis prospère ». Un article récent du New York Times (12/13/12) décrivait les difficultés de la vie quotidienne au Venezuela en expliquant que ces soucis sont typiques, pour les pauvres comme pour les riches, et comment le président Hugo Chavez s’était maintenu en poste 14 ans, restant populaire dans la majorité de la population grâce à sa personnalité hors du commun, les largesses de ses dépenses publiques et sa capacité à convaincre les Vénézuéliens que la révolution socialiste qu’il promouvait améliorerait un jour leur vie.

Il n’est pourtant pas si fou de penser que Chavez a d’ores et déjà amélioré le quotidien des Vénézuéliens (FAIR Blog, 12/13/12), avec un niveau de pauvreté divisé par deux, la mise à disposition de nourriture et de soins, l’amélioration du système d’enseignement public et un effort pour construire des institutions démocratiques depuis la base (pour plus d’information, lire l’article de Greg Grandin dans Nation, 3/5/13).
Cet aspect-là n’est certes pas toujours entièrement omis par les médias états-uniens. Mais ces politiques sociales, qui reflètent de nouvelles priorités dans la redistribution de la richesse pétrolière du pays, sont présentées comme un plan préparé par Chavez pour s’attirer les faveurs des pauvres. C’est ce que sous-entend à peine le Washington Post (2/24/13), indiquant que Chavez a gagné le « soutien inconditionnel des masses frappées par la pauvreté » en « distribuant des postes à ses soutiens et en faisant crouler les pauvres sous les cadeaux ». Pour l’émission « All Things Considered » de NPR – National Public Radio – (3/5/13), des « millions de Vénézuéliens l’aimaient parce qu’il multipliait à outrance les programmes sociaux pour les pauvres. »

Acheter le soutien de ses propres citoyens est une chose ; faire état de sentiments hostiles à l’égard des États-Unis en est une autre. Ainsi comme le JT CBS Evening News (1/18/13) l’expliquait récemment, « Chavez a fait carrière en s’attaquant aux États-Unis ». Mais personne ne s’interroge sur la manière dont un dirigeant américain se comporterait à l’égard d’un pays qui aurait soutenu un coup d’État contre lui.
Bien que le soutien des États-Unis au coup d’État de 2002 ait été clairement établi, ce simple fait est souvent considéré comme une des théories de la conspiration véhiculées par Chavez ainsi que l’explique le Washington Post (1/10/13) : « Un des piliers idéologique du pouvoir de Chavez pendant 14 années a consisté à s’opposer aux administrations républicaines et démocrates, qu’il accusait de vouloir déstabiliser son gouvernement.  »

Des documents du département d’État (FAIR Blog, 1/11/13) montrent pourtant que plusieurs agences états-uniennes ont « apporté entraînement, formation au gouvernement et soutien aux personnes et organisations activement impliquées dans la brève éviction du gouvernement Chavez ». L’administration Bush avait d’ailleurs déclaré son soutien au régime d’un jour issu du coup d’État en expliquant que Chavez « était responsable de son destin » (Guardian, 4/21/09).

Bien entendu, comme pour n’importe quel autre pays, il y a des aspects du régime de Chavez qui prêtent à critique. Néanmoins, il est vraisemblable que l’attention toute particulière que les médias états-uniens ont porté sur les points faibles du Venezuela n’était pas sans lien avec l’agenda de Washington ; une étude de FAIR (Extra !, 2/09) sur les éditoriaux sur les droits humains montre que le Venezuela faisait l’objet de critiques beaucoup plus virulentes que la Colombie, alliée des États-Unis, malgré la violente répression de l’opposition dans ce pays.

La couverture médiatique de la mort de Chavez n’y change rien. « Le tyran du Venezuela Chavez est mort  » rapporte la Une du New York Post (3/6/13) ; « Mort d’un démagogue » peut-on lire sur l’écran d’accueil du Time (3/6/13). Le présentateur de CNN Anderson Cooper (3/5/13) a déclaré que c’était « la mort d’un dirigeant qui faisait l’Amérique voir rouge, rouge comme Fidel Castro, le président socialiste du Venezuela Hugo Chavez. »

« Les mots “homme fort du Venezuela” ont souvent précédé son nom, et ce pour une bonne raison » déclarait le présentateur de NBC Nightly News Brian Williams (3/5/13) ; pour ABC World News (3/5/12), « de nombreux américains le voyaient comme un dictateur ». C’est en effet probablement le cas s’ils étaient à l’écoute des grands groupes de médias.

Le fait que les intérêts des élites américaines soient l’un des principaux enjeux des relations entre les États-Unis et le Venezuela n’est pas toujours passé sous silence. De nombreux reportages sur la mort de Chavez ont noté la richesse pétrolière immense du pays. Williams expliquait sur NBC, « tout cela est très important pour les États-Unis, car le Venezuela est assis sur un tas de pétrole, et c’est là que ça devient intéressant pour les États-Unis ». Ce qui est confirmé par Rachel Maddow sur MSNBC (3/5/13) [3] : « Vous comprenez, le Venezuela est un pays qui compte sur la scène mondiale. Il est assis sur les réserves les plus importantes de pétrole de la planète ».

Et Barbara Starr (3/5/13) d’expliquer sur CNN : « Désormais de nombreuses entreprises états-uniennes vont suivre de très près la transition au Venezuela. Ils vont vouloir s’assurer que les investissements sont sûrs, et que le pays est suffisamment stable pour investir ». Et parmi ces entreprises, comptons les grands groupes de média.

Traduction de Frédéric Lemaire

Notes

 

[1] Que l’on peut traduire ainsi : « Pour des médias impartiaux et rigoureux ».
[2] « Populiste » n’a pas, aux États-Unis, les connotations purement péjoratives qu’il a en France (note d’Acrimed).
[3] MSNBC est une chaîne d’information en continu du câble diffusée aux États-Unis et au Canada.

La soif d’eau de Wall Street

Par Frederick Kaufman
08/03/2013
Source : http://blog.mondediplo.net
English   Thirst for water on Wall Street

Les manœuvres en vue d’un marché global de marchandisation de l’eau doivent être arrêtées. Un tel marché pousserait à la hausse les prix de certains produits alimentaires, bien au-delà des pics enregistrés au cours des cinq dernières années, prévient Frederick Kaufman.

Au début de l’année dernière, j’ai publié un article dans Foreign Policy expliquant comment Wall Street se fait de l’argent sur le dos de ceux qui souffrent des affres de la faim. J’ai procédé à l’historique des marchés financiers des produits alimentaires et relevé que les prix du maïs, du soja, du riz et du blé ont battu des records à trois reprises au cours des cinq dernières années [« How Goldman Sachs Created the Food Crisis », Foreign Policy, 27 avril 2011.]. J’ai scruté les impacts du changement climatique et des biocarburants sur les marchés à terme des céréales et j’en ai déduit que le système mondial des prix des produits alimentaires qui, jadis, bénéficiait aux agriculteurs, aux boulangers et aux consommateurs a été sapé par les dérivés financiers créés par les banques d’investissement.

Ces fonds de matières premières ont effectivement détruit la fonction traditionnelle de « découverte des prix » pour les échanges à terme du blé sur les places de Chicago, de Kansas City et de Minneapolis, et ont fait de ces marchés des machines à générer des profits pour les banques et les fonds d’investissement, tout en orientant à la hausse le prix de notre pain quotidien [1].

Bien que l’on ait promis une réglementation globale des dérivés financiers sur les aliments, les années passent et rien de concret n’a encore été réalisé. A Washington D.C., les abus sur les marchés de matières premières et d’autres trafics ont accouché de 30 000 pages de réglementations nouvelles : la loi dite « réforme de Wall Street de Dodd et Frank » et la loi de 2010 sur « la protection du consommateur ».

Comme on pouvait s’y attendre, la mise en œuvre de ces lois a été contestée devant les tribunaux et ainsi provisoirement suspendue. Même si ces textes s’appliquent au-delà de la Beltway [2], les échappatoires ne manquent pas pour les grosses banques. En conséquence, il est prudent de se dire que la ressource globale sera le prochain produit financier dérivé. Y a-t-il plus alarmant, plus grave que la catastrophe qui permettra de parier sur les aliments des humains ?

Qu’en est-il de l’eau ? 

 

Les spéculateurs peuvent déjà parier sur la neige, le vent et la pluie, au moyen de contrats à terme, pouvant être négociés — vendus et achetés — à la Bourse « Chicago Mercantile Exchange ». La valeur du marché de la météorologie a cru de 20 % entre 2010 et 2011. Mais ce secteur demeure chétif : il représente seulement 11,8 milliards de dollars. Il n’en demeure pas moins que ce type de transactions à terme prouve que la fièvre qui s’est emparée de Wall Street transforme mère nature en mère de tous les casinos.
Certains environnementalistes pensent que mettre un prix sur l’eau douce serait le meilleur moyen pour sauver le capital hydrique de la planète. Plus cher elle coûtera, moins nous gaspillerons la ressource.
La financiarisation de précieuses ressources sous-tend une initiative internationale hébergée par le programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) et soutenue par l’Union Européenne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Hollande, la Norvège, la Suède et le Japon : il s’agit de « The Economics of Ecosystems and Biodiversity » (TEEB).

Le TEEB vise à calculer jusqu’au dernier trillion de dollars, de rials ou de renminbi, la valeur des écosystèmes. Le mouvement PES « paiement pour les services environnementaux » (rendus par les écosystèmes) se réfère quant à lui à des choses comme l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons.
On compte, parmi les partisans de ce concept, la Banque mondiale et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Selon le rapport de 2010 du TEEB : « L’accent mis par la société moderne sur le marché des composants du bien-être et notre dépendance quasi totale vis-à-vis des prix du marché pour attribuer la valeur signifient que nous ne mesurons et ne gérons les valeurs économiques échangées qu’à travers les marchés. »

La faculté de Wall Street à tirer des profits de la bulle alimentaire, l’incapacité de Washington à réglementer les dérivés (financiers) globaux et la forte tendance à faire de la nature une marchandise, au moyen d’instruments du type TEEB et PES, ont convergé cet été vers un seul et unique foyer : la sécheresse qui s’est abattue sur les Etats Unis.

Une avalanche de prédictions sociales et environnementales sinistres a accompagné cette sécheresse : en 2035, trois milliards d’êtres humains seront affectés par le stress hydrique, le manque d’eau deviendra chronique, les incendies de forêt se déclareront partout, les moussons deviendront imprévisibles et la fonte des neiges décroîtra de manière drastique, étant donné le nombre d’hivers suffocants.

Or, dans le même temps, l’eau est devenue essentielle pour un spectre de plus en plus large d’industries, allant de la houille blanche à la fracturation hydraulique, de la brasserie à la fabrication des semi-conducteurs. La nappe phréatique est en train de s’effondrer en Asie aux dires des hydrologues. Les politologues voient moult querelles pointer à l’horizon au sujet de la propriété et de l’utilisation des cours d’eau de l’Himalaya et quiconque fore un puits dans le Nebraska sait que l’aquifère de l’Ogallala, dans le centre-ouest des Etats-Unis, est en train de baisser de manière inquiétante.

Les conséquences sont effroyables : destruction d’écosystèmes, extinction d’un nombre incalculable d’espèces, risques de conflits régionaux et internationaux, telles les fort redoutées « guerres de l’eau » du XXIe siècle. Que se passera-t-il quand l’Ethiopie érigera des barrages sur le Nil ? Ou quand le Yémen deviendra le premier pays dont l’eau aura été épuisée ? Une réponse courte s’impose : rien de bon.

Tirer profit 

 

Les investisseurs de tous horizons adorent les ambiances apocalyptiques. A travers les interstices de la violence et du chaos, il reste de l’argent à ramasser. De nos jours, les plus gros profits ne viennent pas de la vente ou de l’achat de choses bien réelles (comme des maisons, du blé ou des voitures), mais bien de la manipulation de concepts éthérés, tels le risque et les dettes collatérales. La richesse coule des instruments financiers qui transcendent la réalité.

Investir dans l’indice boursier « eau » est aujourd’hui recherché comme jamais. Il existe plus de cent indices [3] pour suivre et apprécier la valeur des titres et les actions des entreprises engagées dans le business de l’eau comme les services publics, l’assainissement et le dessalement. Nombreux sont ceux qui procurent de confortables dividendes (cf « Invest in Water ETFs »).

D’où la pression qu’exercent la Banque mondiale et le FMI, toujours à l’affût pour étendre les marchés boursiers pour leurs milliards de dollars de crédit et pour amener les pays à privatiser leurs ressources.
Ces dernières incluent les lacs, les cours d’eau, les retenues et réservoirs d’eau d’Argentine, de Bolivie, du Ghana, du Mexique, de Malaisie, du Nigéria et des Philippines (Lire, par exemple, « Water Privatization Conflicts »).

Quelle meilleure garantie de prospérité qu’une ruée de multinationales décidées à générer des revenus à partir de quelque chose qu’elles sont seules capables de gérer ? Ainsi, cet été, alors que les champs de maïs d’Ukraine et du Kansas flétrissaient, alors que la pénurie de bacon faisait les gros titres des journaux et à l’heure où les producteurs de lait nourrissaient leurs vaches avec des confiseries, un nouveau message pointait : la prochaine grande matière première dans le monde ne sera ni l’or, ni le blé, ni le pétrole.
Ce sera l’eau. L’eau exploitable et utilisable. Bien qu’amasser les actions et les intérêts dans les entreprises cotées soit une bonne chose, l’eau générera à coup sûr de juteux profits. Mais ne serait-il pas plus efficace de traduire l’eau en espèces sonnantes et trébuchantes ? Peut-être, complotent les arbitragistes et les spéculateurs, un marché de l’eau — comparable à celui de l’or ou des céréales —, un marché à terme qui assurerait la livraison ou la réception de volumes d’eau pour une date prochaine déterminée pourrait être envisagé. On y négocierait l’eau à terme comme du cash.

Sous certains aspects, l’eau est un candidat possible pour des contrats à terme sur le marché des matières premières. En premier lieu, elle satisfait aux conditions de fongibilité — l’eau pompée d’un lac, d’un cours d’eau ou d’un torrent est pratiquement la même que celle provenant d’un iceberg, d’un aquifère ou celle recueillie dans un baril d’eau de pluie.

Bientôt, elle satisfera aussi à la deuxième condition de marchandisation : elle devient de plus en plus… liquide, convertible en cash. Bien évidemment, l’eau est globale. La gestion des bassins versants est un sujet brûlant, tant pour la Volta que pour le fleuve Sénégal [4]. D’un point de vue monétaire, que le fleuve soit le Guadalquivir espagnol, le Rhône français, le Niger ou le Sacramento californien ne fait aucune différence.
Les prévisionnistes financiers réalisent que, à l’instar des matières premières traditionnellement négociées tels les métaux précieux, l’eau exploitable du futur sera si rare qu’il faudra l’extraire comme un minerai, la traiter, la conditionner, l’embouteiller et, plus important encore, la déplacer et la transporter à travers le monde. Ils savent pertinemment que la demande ne tarira point. L’idée maîtresse d’un marché à terme global de l’eau réside derrière ce concept .

Jouer gros 

 

Dans l’histoire de l’eau et de la monnaie, le Rubicon a été franchi en l’an de grâce 1996. L’irrigation par l’eau des Westlands, en Californie, sert à produire un milliard de dollars d’aliments par an. Avec ses deux mille mètres carré, il s’agit du plus grand district d’agriculture irriguée des Etats-Unis. En 1996, le district a créé une messagerie électronique qui permet aux fermiers de vendre ou d’acheter leurs droits sur cette eau à partir de leurs ordinateurs.

Négocier des droits sur l’eau à partir de son portable est ainsi une réalité. A l’instar des matières premières qui pouvaient être, par le passé, vendues ou achetées à la Bourse de Chicago ou de Kansas City et qui sont, à l’heure actuelle, couramment manipulées par des docteurs en mathématiques pour des fonds d’investissement au Connecticut.

Si l’eau devenait un produit boursier, elle rejoindrait le brut Brent, le carburant d’aviation et l’huile de soja et pourrait être négociée n’importe où, n’importe quand et par n’importe qui.

Se faire de l’argent à partir du robinet signifie que l’eau douce peut se voir attribuer un prix, peu importe l’endroit où elle est négociée — un prix global qui peut faire l’objet d’arbitrages à travers les continents. Ceux qui vivent à Mumbaï ou dans le centre-ville de Manhattan et qui constatent une hausse de la valeur de l’eau dans l’économie mondiale spéculeront sur cet « actif » sous-évalué. Leurs investissements orienteront alors partout à la hausse le prix [5].

Une calamité affectant l’eau en Chine ou en Inde — l’inflation des prix de produits alimentaires, l’instabilité politique et la crise humanitaire qui en résulteront à coup sûr — se répercutera par une hausse des prix de Londres à Sydney. C’est ainsi que les banquiers engrangent des profits.
Les économistes ont déjà commencé à concevoir des marchés à terme globaux de l’eau munis de tous les attributs : stock-options, trocs, échanges… Les compagnies d’assurance contre les inondations achèteront certainement des actions afin d’atténuer le risque financier.

Chaque société commerciale qui travaille en zone inondable participera probablement à ce marché. De même, les agriculteurs désireux de se prémunir contre les dégâts causés par la sécheresse ou d’éventuelles inondations ne manqueront pas d’y prendre également part. Tout comme les pêcheurs et les exploitants de gaz de schiste. Quant aux spéculateurs, nous savons qui ils seront.

Actuellement, personne ne s’adonne à une quelconque activité sur le marché à terme de l’eau, mais ce dernier ne mettra pas longtemps pour affirmer son existence. Lorsque l’Etat du Texas a enregistré 10 milliards de dollars de pertes économiques du fait de la récente sécheresse, des universitaires se sont mis à échafauder des théories pour indexer l’eau du Rio Grande dans un marché à terme [6]. Après les inondations qui ont affecté la Thaïlande l’an dernier et qui se sont soldées par des pertes économiques s’élevant à 46 milliards de dollars, la Bourse thaïe (Thailand’s Securities and Exchange Commission) a étudié la possibilité de développer des dérivés financiers indexés sur les précipitations et les barrages [7]. Le fabricant de semi-conducteurs Intel pourrait être intéressé : la boue et les saletés auraient arrêté sa production de puces électroniques en Thaïlande, occasionnant des pertes économiques de l’ordre d’un milliard de dollars.

Un véritable commerce global dans le cadre d’un marché à terme de l’eau devra néanmoins attendre que les financiers s’accordent sur l’adoption universelle d’une mesure du stress hydrique. D’ici là, les marchés à terme de l’eau se manifesteront comme des phénomènes sporadiques traduisant des inquiétudes locales. Ainsi, par exemple, dans une Australie affectée par la sécheresse, sur le marché à terme de Sydney (Sydney Futures Exchange), tout est prêt pour accueillir des transactions sur l’eau. Il en va de même dans les districts de Medinipur et de Tumkur des Etats du Bengale-Occidental et du Karnataka en Inde. La mousson est en effet de plus en plus imprévisible : une bourse sud-asiatique d’un marché à terme de l’eau a été conçue pour être commercialisée à la Bourse de Delhi (Delhi Stock Exchange) [8].

Les transactions à terme engloberont aussi bien les cours d’eau les plus purs que les effluves à peine légaux des usines produisant des déchets solides. Les théoriciens suisses des matières premières ont commencé à mettre sur pied des marchés où se traiteront des transactions à terme de la ressource provenant des eaux usées. Pour ses auteurs, ce concept est un marché à terme éthique de l’eau (voir le site de Prana sustainable water).

A mon avis, il s’agit davantage d’une plateforme financière pour vendre de l’eau traitée au plus offrant. Dans tous les cas, les contrats à terme apparaîtront suite à l’estimation de la pénurie relative d’eau ou de son abondance. Cette estimation se fera sur la base d’un index des niveaux de l’eau derrière les barrages, les précipitations moyennes ou d’autres indicateurs et indices. Finalement, l’instrument financier aura la même structure de base que les index de fonds qui ont amené des niveaux de spéculation sans précédent sur le marché mondial des céréales et augmenté la volatilité, celle-là même que les transactions à terme devaient à l’origine museler.

Après tout, si l’industrie du gaz naturel peut payer plus pour l’eau que les producteurs de soja, alors elle pourra se l’accaparer. Les répercussions d’un marché à terme global de l’eau peuvent à peine être imaginées. Parier sur l’eau se fera clairement aux dépens des récoltes et augmentera les prix alimentaires mondiaux au-delà des pics enregistrés au cours des cinq dernières années.
La bonne nouvelle est que, contrairement aux tentatives avortées de réglementation des marchés dérivés des produits alimentaires, il est encore temps de faire quelque chose dans le cas de l’eau.

De nombreux exemples d’estimation de la valeur de l’eau en dehors du champ de la marchandisation pure existent. Un cas d’école en la matière : la gestion du bassin de la Ruhr en Allemagne. La ressource fluviale est gérée non par la main invisible des marchés, mais par un organisme politique appelé Association de la Ruhr. Des villes, des départements, des industries et des entreprises de la région sont représentés par des délégués et des associés. Un total de cinq cent quarante-trois parties prenantes négocient les droits pour les prises d’eau (extraction) et les charges imposées à la pollution. Cette politique peut paraître biscornue, mais elle fonctionne. Malheureusement, il en est ainsi en démocratie.

Nulle panacée à l’horizon pour satisfaire les besoins mondiaux en eau. Surtout pas les dérivés financiers globaux, qui ont prouvé qu’on ne peut leur faire confiance, comme on l’a vu avec ces titres garantis par les hypothèques [9].

On leur fera d’autant moins confiance qu’il s’agit de notre ressource la plus précieuse. Lancer un marché à terme de l’eau créerait seulement encore plus de folie financière, folie qui semble résister à toute tentative de réglementation. Pour le moment, tuons dans l’œuf ce business avant qu’il n’éclose.

Voir aussi :

- L’émission de la télévision publique allemande « Monitor » a diffusé un excellent reportage sur les menaces de privatisation de l’eau de l’eau en Europe. (sous-titres en anglais pour l’instant).
- Un article de Ricardo Petrella publié dans la Libre Belgique, critiquant le projet de nouveau programme d’action élaboré par les services de la Commission européenne, « The Blue Print ».
- Le groupe de travail de l’European Water Movement sur la politique de l’eau de l’UE va également bientôt publier une analyse critique du « Blueprint ».
Ce texte de Frederick Kaufman a été traduit de l’américain par Larbi Bouguerra. L’article d’origine, en anglais, a été publié dans Nature, la première revue scientifique mondiale, vol. 490, 25 octobre 2012, p. 469-471.

Notes

 

[1] Lagi, M., Bar-Yam, Y.,Bertrand, K.Z. & Bar-Yam, Y. Preprint, « The Food Crises : A quantitative model of food prices including speculators and ethanol conversion », 2011.
[2] NdT : Le périphérique de la capitale fédérale
[3] Lire Moya, E., « Water funds tempt investors with booming growth », The Guardian, 8 août 2010.
[4] Lire « A handbook for integrated water resources management in Basins » (PDF).
[5] Lire Keim, B., « Speculation Blamed for Global Food Price Weirdness », Wired Science, 6 mars 2012.
[6] Brookshire, D.S., Gupta, H.V. & Matthews, O.P. (eds) Politique de l’eau dans l’Etat du Nouveau Mexique (RFF Press Water Policy Series, 2011).
[7] Lire « Worst Floods in 70 Years May Prompt Thai Water Futures Trade », Anuchit Nguyen, Bloomberg, 14 décembre 2011.
[8] Ghosh, N. Commodity Vision 4, 8-18 (2010).
[9] NdT : Il semblerait que l’auteur vise les fameux « subprimes » qui ont jeté hors de leur maison des millions d’Américains.

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