20 octobre 2012

900 prescriptions applicables aux centrales nucléaires françaises

Source : http://fukushima.over-blog.fr
14/10/2012

english version

fessenheim 
Suite à la catastrophe de Fukushima, l’ASN a été chargée de réaliser des évaluations complémentaires de sûreté (ECS). Celles-ci ont débouché sur plus de 900 prescriptions qui devront être suivies dans les prochains mois ou les prochaines années. Des milliards d’euros de travaux en perspective pour l’exploitant, remettant en cause une énergie nucléaire bon marché. Dans l’article qui suit, Jean-Marc Royer analyse quelques prescriptions et met en lumière plusieurs incohérences ou arrangements qui ressemblent fortement aux errances commises par les Japonais, erreurs qui ont conduit à la catastrophe nucléaire que l’on connaît.
 
Alors que Tepco vient de reconnaître avoir volontairement minimisé le risque de tsunami, tout en sachant que la sécurité serait insuffisante en cas de séisme trop important, il est légitime de surveiller ce que disent aujourd’hui nos dirigeants, nos opérateurs et nos agences de sécurité ! Exemple, ces 30 directeurs de centrales nucléaires françaises qui publient une lettre ouverte pour dénoncer l’arrêt annoncé de la centrale de Fessenheim en 2016. Ne connaissent-ils pas la prescription de l’ASN demandant un radier sous le réacteur n°1 de Fessenheim avant le 30 juin 2013 ?

Décisions de l’ASN du 26 juin 2012 fixant à EDF des prescriptions applicables aux centrales
 
suite aux évaluations complémentaires de sûreté (ECS)
 
 
par Jean-Marc ROYER

Suite aux ECS publiés en janvier 2012 et dont nous avions fait un résumé et une analyse, l’ASN a édité une série de prescriptions s’appliquant à toutes les centrales nucléaires françaises. Comme il y avait un peu plus d’une trentaine de domaines ou chapitres concernés, leur déclinaison, adaptée à chaque centrale (26 au total) a donné un volume de plus de 900 prescriptions qui a « assommé » d’un gros volume relié les participants à la conférence de presse du 28 juin dernier qui n’en pouvaient mais. Ce qui est toujours un des buts visés : écraser le quidam sous un flot d’informations dans lesquelles il n’est pas apte à trier, ce qui fût exactement la même tactique que celle utilisée par Tepco dans les semaines qui suivirent la catastrophe. A ce niveau de répétition, c’est sans aucun doute possible une tactique mise au point au niveau international par le village nucléaire et leurs consultants en « com. ». Examinons de plus près quelques-unes de ces prescriptions propres à Belleville et au Tricastin [1]. Nous avons choisi d’étudier les prescriptions de ces centrales étant donné ce que nous écrivions suite à la synthèse du rapport de l’ASN de janvier 2012 :
 
L’ASN, faisant le constat que des « effets falaise » (effets cumulatifs) peuvent se produire très près des niveaux d’inondation retenus dans le « référentiel EDF », demande à l’exploitant de revoir toutes ses estimations (fournir le détail de la méthodologie et les justifications utilisées pour caractériser le modèle d’inondation retenue), de se prononcer lui-même sur l’adéquation des bâtiments à ces évaluations et lui prescrira de revoir sa copie concernant Belleville et Tricastin, notamment en cas de rupture des digues amont.
Concernant des « effets falaise » possibles suite à une inondation (perte totale de source froide et/ou des alimentations électriques), l’ASN pense que ni les rapports d’Evaluation Complémentaires de Sûreté, ni les compléments présentés par EDF en cours d’instruction, ne sont de nature à les éviter et lui demande de revoir là aussi ses copies (pages 122, 124, 128, 130, 137 et 139 du rapport de janvier 2012).
 
belleville
Centrale nucléaire de Belleville
 
Toutes les prescriptions débutent par rappeler la partie des ECS concernée (ECS-1, 2, 3) et le paragraphe, I, II, III…
 
(ECS-1) I « Avant le 30 juin 2012 les exploitants proposeront un noyau dur de dispositions matérielles et organisationnelles robustes visant, pour les situations extrêmes […] à :
a) prévenir un accident avec fusion du combustible ou en limiter la progression,
b) limiter les rejets radioactifs massifs,
c) permettre à l’exploitant d’assurer les missions qui lui incombent dans la gestion d’une crise. » […] 
On constatera, une fois de plus, que l’ASN demande gentiment à EDF de bien vouloir envisager de limiter les effets de son choix mortifère en cas d’accident majeur et d’être en capacité de le gérer.
 
II et III Pour dimensionner ce noyau dur, « l'exploitant retient des marges significatives forfaitaires par rapport aux exigences applicables au 1er janvier 2012. […] L'exploitant justifie le cas échéant le recours à des systèmes, structures et composants (SSC) non diversifiés ou existants. » […]
Autrement dit, si EDF ne peut pas ou ne veut pas s’exécuter, il n’aura qu’à en fournir la justification, ce qui a tout de même quelques airs de ressemblance avec les petits arrangements que la commission indépendante du Japon à dénoncé dans son rapport page 16.
 
Tricastin (ECS-7) « Avant le 31 décembre 2012, l’exploitant justifiera auprès de l'ASN qu'il a mis en place une organisation et des ressources permettant de faire face à l'isolement du site en cas d'inondation. »
Tricastin (ECS-11) « Avant le 31 décembre 2013, l'exploitant remettra à l'ASN une étude indiquant le niveau de robustesse au séisme des digues et autres ouvrages de protection des installations contre l’inondation et présentant selon ce niveau de robustesse : les conséquences d'une défaillance de ces ouvrages » […]
Voici comment nous résumions le rapport de l’ASN de janvier 2012 :
 
La Règle Particulière de Conduite est déclinée avec des retards de plusieurs années, avec des « écarts » et de manière incomplète ou incohérente, en contradiction avec le Plan d’Urgence Interne ou sans convention d’alerte avec Météo France ; certains « retours d’expérience » ne sont pas renseignés, le ruban bleu revenant aux sites de Cruas et du Tricastin qui n’ont toujours pas intégré qu’ils pouvaient être isolés par une inondation et même, pour ce dernier site, en perdre son alimentation électrique. Et ce qu’écrivait l’ASN à ce sujet :
« Les exploitants du site du Tricastin auraient des difficultés à gérer une situation accidentelle consécutive à un séisme majeur, du fait de la perte des alimentations électriques, des moyens de communication, de la supervision de l'installation ou encore du non dimensionnement au séisme de locaux annexes, des locaux de crise ou de repli, et des locaux abritant les moyens et les hommes de la Formation Locale de Sécurité » (page 67 du rapport de janvier 2012).
 
explosion-et-colonne-de-fumee-a-tricastin
Centrale nucléaire du Tricastin (2 juillet 2011)
 
(ECS 19) I « Avant le 31 décembre 2016, l'exploitant met en place dans le puits de cuve des moyens redondants permettant de détecter le percement de la cuve et dans l'enceinte des moyens redondants permettant de détecter la présence d'hydrogène. Une instrumentation permet de signaler en salle de commande le percement de la cuve par le corium. » […]
Où l’on constate surtout que rien de ce type n’avait été prévu en cas d’accident grave ! Quel aveu de taille. Et lorsqu’EDF menace de doubler les tarifs en guise de réplique politique à ces recommandations, quel culot ! Mais comme pour la piscine N°4 de Fukushima, faudra-t-il aller déposer un cierge chaque jour pendant des années en attendant que les travaux soient réalisés ? Et d’ailleurs, la similitude ne s’arrête pas là :
 
(ECS-20) I. Avant le 30 juin 2012, l'exploitant présentera à l'ASN les modifications à apporter permettant de mesurer d'une part l'état de la piscine d'entreposage du combustible (température et niveau d'eau de la piscine de désactivation) et d'autre part l'ambiance radiologique du hall du bâtiment combustible. […] 
II. Dans l’attente de leur mise en œuvre, au plus tard le 31 décembre 2012, l'exploitant met à disposition de son organisation nationale de crise des abaques donnant, en fonction de la puissance résiduelle du combustible entreposé dans la piscine de désactivation, les délais d’atteinte de l’ébullition en cas de perte totale du refroidissement. […]
Prescription qui, venant de l’ASN, constitue la meilleure preuve des dangers que la piscine N°4 de Fukushima fait courir au peuple japonais et à ceux du monde entier.
 
(ECS-5) Au plus tard le 30 juin 2012, l’exploitant réalise les remises en conformité de la protection volumétrique mentionnées dans la note D4550.31-12/1367- Indice 0. L’exploitant met en œuvre l'organisation et les ressources telles que décrites dans le document D4550.31-06/1840 indice 0 du 12/10/2007 susvisé pour s'assurer que la protection volumétrique conserve dans le temps l'efficacité qui lui est attribuée dans la démonstration de sûreté. […]
Ce qui revient à dire qu’une prescription de 2007 n’est toujours pas entrée dans les faits ! Voici ce que nous avions écrit à ce sujet :
 
Par ailleurs, l’ASN se plaint de ce que les échéances convenues pour effectuer des travaux à la suite de « l’évènement du Blayais » [1999] ne soient pas respectées sans qu’aucune mesure compensatoire n’ait été prise (pages 25 à 32).
 
(ECS-8) « Avant le 30 septembre 2012, l'exploitant vérifiera la conformité de ses installations vis-à-vis des dispositions de la règle fondamentale de sûreté I.3.b dont l'application est prévue par le rapport de sûreté. » […]
Voici ce que nous en disions dans la synthèse :
 
Un constat : la règle en vigueur (FS I.3.b) n’est pas respectée, l’instrumentation est insuffisante ou mal positionnée, son entretien et sa maintenance laissent à désirer, de même que sa qualification, son étalonnage et son réglage. De plus, les exercices ne sont pas réalisés et les opérateurs ne savent pas utiliser cette instrumentation sismique ou en interpréter les données en salle de commande ce qui les mettrait dans l’impossibilité de se faire une idée juste sur l’état du réacteur [en cas d’accident grave dû à un séisme hors dimensionnement] (page 40).
 
(ECS-29) « Avant le 31 décembre 2013, l'exploitant remettra à l'ASN une étude détaillée sur les possibilités d'amélioration du dispositif d'éventage filtration U5 » […]
Système de filtrage d’urgence dont on peut se demander s’il n’aggraverait pas la situation en cas d’Accident grave (AG) et dont nous écrivions :
 
L’ASN va prescrire à EDF d’intégrer dans le « noyau dur » les éléments indispensables à la gestion de crise, c'est-à-dire :
[…] L’accessibilité, l’opérabilité, l’habitabilité des salles de commande en cas de rejets de substances dangereuses ou radioactives (184), notamment après ouverture du système de filtration U5, lequel pose une série de problèmes non résolus à ce jour. En effet :
. il n’est pas « robuste aux séismes majeurs » ;
. il ne peut être utilisé pendant les premières 24h suivant un AG pour éviter le rejet des aérosols ;
. par la condensation ou la présence d’oxygène dans sa tuyauterie, il induit des risques de déflagration de l’Hydrogène ;
. son ouverture oblige les personnels à évacuer les salles de commande dans les 24h suivantes ;
. son efficacité de filtrage laisse à désirer, surtout s’il est utilisé par deux réacteurs simultanément (pp 184 à 207).
 
Puis viennent toute une série de prescriptions qui pourraient être regroupées sous le même chapitre et qui découlent du fait que depuis la conception, la possibilité d’un accident majeur n'a jamais été prise en compte :
 
(ECS-16) I. « Avant le 31 décembre 2012, l'exploitant présentera à l'ASN les modifications en vue d'installer des dispositifs techniques de secours permettant d’évacuer durablement la puissance résiduelle du réacteur et de la piscine d’entreposage des combustibles en cas de perte de la source froide. » […]
II. Avant le 31 décembre 2012, l'exploitant présentera à l'ASN les modifications qu'il envisage en vue de l'installation, avant le 30 juin 2013 sauf justification particulière, de dispositifs assurant l'injection d'eau borée dans le cœur du réacteur en cas de perte totale d'alimentation électrique du site lorsque le circuit primaire est ouvert. […]
 
(ECS-18) I. « Avant le 30 juin 2012, l'exploitant présentera à l'ASN les modifications qu'il envisage en vue d'augmenter notablement, avant le 31 décembre 2014, l'autonomie des batteries utilisées en cas de perte des alimentations électriques externes et internes. » […]
III. « Au plus tard le 30 juin 2013, l'exploitant met en place un dispositif temporaire sur chaque réacteur permettant d'alimenter : le contrôle commande nécessaire en cas de perte des alimentations électriques (externes et internes), et l'éclairage de la salle de commande. » […]
 
(ECS-27) I. « Avant le 31 décembre 2012, l'exploitant transmettra à l’ASN une étude de faisabilité en vue de la mise en place, ou de la rénovation, de dispositifs techniques, de type enceinte géotechnique ou d'effet équivalent, visant à s’opposer au transfert de contamination radioactive vers les eaux souterraines et, par écoulement souterrain, les eaux superficielles, en cas d’accident grave ayant conduit au percement de la cuve par le corium. » […]
 
(ECS-35) II. « Avant le 31 décembre 2012, l'exploitant transmettra à l’ASN la liste des compétences nécessaires à la gestion de crise en précisant si ces compétences sont susceptibles d’être portées par des entreprises prestataires. L'exploitant justifiera que son organisation assure la disponibilité des compétences nécessaires en cas de crise, y compris en cas de recours à des entreprises prestataires. » […]
 
(ECS-36) I. « Avant le 30 juin 2012, l'exploitant présentera à l’ASN les mesures qu’il prévoit afin de disposer d’équipes spécialisées capables d’intervenir pour assurer la relève des équipes de quart et mettre en œuvre des moyens d'intervention d’urgence en moins de 24 heures, avec un début des opérations sur site dans un délai de 12 heures après leur mobilisation. Ce dispositif peut être commun à plusieurs sites nucléaires de l’exploitant. » […]
Ce que nous en disions à propos du rapport initial de janvier 2012 reste d’une brûlante acuité :
 
-1- Les ingénieurs nucléaires, leurs commanditaires industriels, politiques et militaires se refusaient à penser, il y a quarante ans, qu’un accident majeur puisse un jour arriver. Les centrales ont été construites sur ce postulat : la probabilité de survenue d’un accident majeur était considérée comme nulle ou bien trop minime pour justifier des dispositions jugées trop coûteuses au regard de ce qui fût qualifié de « risque résiduel ». Poussé par Tchernobyl et Fukushima, c’est ce à quoi ce rapport se confronte, et à quoi il tente de pallier un peu tard, par des moyens et des méthodes dont on peut se demander ce qu’ils deviendront une fois traduits sur les sites par l’exploitant, étant donné la manière dont les prescriptions en cours sont appliquées.
-2- Le nucléaire français est « au bord de la falaise » ! Il n’y a pas un seul des sujets abordés par l'ASN qui ne pose problème, alors que l’exploitant, l’industrie dans son ensemble et les politiques qui les soutiennent nous serinent depuis des lustres que les centrales françaises sont les plus sûres ! Quel démenti cinglant et argumenté en détail ! Ce ne sont plus seulement des manques ou des négligences, mais une suite d’aveux, qui, mis bout à bout constituent justement le lit d’un accident majeur ! Un véritable gouffre, un précipice au bord duquel se trouve effectivement toute l’industrie nucléaire, guettée par « un effet falaise » (les acronymes et les euphémismes sont un des traits majeurs de la novlangue) qui lui est consubstantiel (voir plus bas). Sans pouvoir malheureusement le démontrer dans ce cadre, il est évident qu'il se produira un accident nucléaire majeur en France. Intégrer cela dans le domaine de la pensée pose certes quelques difficultés, mais devient à mon sens plus que nécessaire.
 
Le dernier paragraphe, comme tout ce texte, je l’ai écrit le 13 septembre 2012. Bien qu’étant à 3000 km de Paris, j’ai appris le lendemain que Fessenheim serait fermée en 2016 (ce qui reste en contradiction avec la recommandation de l’ASN dont la date butoir était fixée au 30 juin 2013).
 
Dans le cadre d’une négociation identique à celle de novembre 2011 entre les partis au pouvoir, l’ASN a d’ores et déjà fourni l’argumentaire à l’abandon de Fessenheim car elle a prescrit à EDF le renforcement du radier de Fessenheim, avant le 30 juin 2013 (page 201 du rapport de janvier 2012). Pour des raisons d’études et de travaux à planifier bien en amont, il est évident que cela sera impossible à réaliser avant cette date : on ne coule pas du béton sous un réacteur comme on glisse de la poussière radioactive sous un tapis de mensonges … Chacun pourra en tirer ses propres réflexions. Je complète par cette déclaration d’André-Claude pour les intimes : « Il n’y a aucune raison de fermer quelque centrale que ce soit en France » directeur de l’ASN, Figaro 26 mars 2011. Neuf mois plus tard, l’ASN disait donc, de facto, le contraire concernant Fessenheim.
 
Dernier commentaire (du 22 septembre) : « les annonces politiques » ne font que reprendre à grands renforts de tambours et trompettes ce qu’il était déjà prévu de faire (c’est quelque chose que j’ai pu moi-même vérifier de près dans la pratique du cabinet du ministre Gayssot en 1998-99).
 
Jean-Marc Royer, les 13 et 22 septembre 2012
 


 
[1] Décisions n°2012-DC-0274 et 0292, s’appliquant à Belleville sur Loire (Cher) INB n°127 et 128 et au Tricastin, (Drôme) INB n°87 et 88. Ces prescriptions sont très largement identiques ; nous signalerons seulement celles qui sont propres au Tricastin.
 

La Pologne , Centrale de l'Europe

Source : http://ddc.arte.tv





En organisant l’Euro de football l’été dernier, en tandem avec l’Ukraine, la Pologne a présenté l’image d’un pays résolument ouvert et tourné vers l’avenir. Au sein d’une Europe en crise, le pays affiche une bonne réussite : épargné par la récession, il rattrape son retard et fait désormais figure de « grand » de la scène européenne. Le Dessous des Cartes analyse les ressorts de cette montée en puissance polonaise. Une émergence qui se veut autant économique que diplomatique.


Lectures

Étude économique de la Pologne 2012
OCDE
L'étude économique de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) concernant la Pologne en 2012 examine les récents développements économiques et politiques ainsi que les perspectives économiques.
Il comprend également des chapitres spéciaux qui traitent des changements climatiques et des soins de santé.
« La Pologne est le pays de l’OCDE qui a enregistré la plus forte croissance tout au long de la crise économique mondiale. Cependant, compte tenu des restrictions budgétaires prévues par les autorités polonaises et du freinage de l’activité économique en Europe, la croissance du PIB réel devrait fléchir fortement pour tomber à 2 - 3 pour cent en 2012 et 2013. » Extrait de la synthèse.
La Pologne - De Pilsudski à Walesa - 11 novembre 1918 / 27 octobre 1991
Jean Lorcin
Éditions Jacques André / Cei
Professeur honoraire d’histoire contemporaine à l’université Lumière Lyon 2, Jean Lorcin, spécialiste d’histoire économique et sociale, a enseigné l’histoire de l’Allemagne et de la Russie-URSS au XXe siècle.
Il lui a paru essentiel de compléter cette expérience de l’Europe centrale et orientale par la prise en compte de l’entre-deux que représente la Pologne. Il y était d’autant plus disposé qu’il a été responsable des relations scientifiques entre Lyon 2 et l’université de Lódz, lui permettant ainsi de prendre conscience de la situation politique, économique et sociale d’un pays d'abord sous l’état de guerre, en 1984, puis fraîchement libéré en 1991. Autant de souvenirs qui l’ont poussé à aborder ce sujet, tant les liens entre la France et la Pologne sont anciens et étroits.
D’autre part, l’enseignement de l’histoire allemande et soviétique lui a permis de se distancier d’une historiographie purement polono-polonaise dont Daniel Beauvois a montré les limites au lendemain de la libération du joug soviétique. Comme lui, Jean Lorcin n’a pas voulu s’immiscer dans les querelles internes, ou encore mettre en concurrence les insurrections du ghetto de Varsovie en 1943 et de la ville de Varsovie en 1944.
Il s'est efforcé de s’en tenir à l'histoire « sincère » pour reprendre l’expression de Seignobos, d’une Pologne encore inquiète, agitée, mais représentative d'une Europe de l’Est qui se veut désormais centrale, à un moment décisif pour l’avenir de l’Union européenne. Il lui a paru utile de consigner dans un ouvrage de synthèse le fruit de son expérience. La lecture d’une surabondante littérature historique lui a permis de compléter son information qui s’appuie en particulier sur la consultation des archives diplomatiques polonaises, françaises, allemandes et pontificales publiées à ce jour.
Voyage en Pologne
Alfred Döblin avec une traduction de Nicole Casanova
Flammarion
« Des champs plats passent furtivement, de petites forêts. Au bord d'un cours d'eau, sous un pont de bois, une paysanne va pieds nus, foulard blanc sur la tête. Qu'est-ce que cela ? Troupeaux de boeufs. De nouveau des terres cultivées. Beaucoup d'oies blanches. C'est la Pologne. »
Un matin de septembre 1924, par la fenêtre du train qui l'emmène de Berlin à Varsovie, Alfred Döblin pose pour la première fois le regard sur la campagne polonaise. Il parcourra le pays pendant deux mois, mû par le désir de comprendre cet État voisin, tout juste sorti des cendres de la Première Guerre mondiale et qu'il connaît mal. Posant sur toutes choses un regard curieux, notant au fil de ses promenades les impressions qui feront la matière de ce livre, il interroge sans relâche ses interlocuteurs : « Quelles forces, quelles puissances organisent l'État ? Qui gouverne, officiellement ou non ? Qui a faim, et qui est rassasié ? ».
Alerté par la montée de l'antisémitisme à Berlin depuis le début des années 1920, Döblin accorde une attention toute particulière à la population juive. Le mode de vie de ce peuple ayant sa propre langue, sa propre religion et sa propre culture bouleverse le voyageur, lui-même d'origine juive. Ce monde décrit par Döblin a cessé d'exister. La guerre et la barbarie nazie ont anéanti la culture juive polonaise et bouleversé à jamais la physionomie du pays. Le témoignage de l'écrivain, façonné par le style puissant qui fait de lui l'un des plus grands auteurs allemands du XXe siècle, retrace les contours d'un monde disparu.

Le roi Mathias Ier
Janusz Korczak et une traduction de Zofia Bobowicz
Fabert
Il était une fois, dans un pays imaginaire, un jeune garçon amené malgré lui à devenir monarque à la mort de son père. Le petit Mathias se heurte à l'hostilité des ministres, à l'incompréhension des adultes et à leur ignorance des problèmes des enfants. Après de nombreuses péripéties et d'incroyables aventures, il parvient à s'imposer et à faire évoluer son pays en une démocratie où les enfants auraient les mêmes droits que les adultes. Le petit roi réformateur crée ainsi le Parlement des enfants et parvient à réformer son administration pour l'adapter à l'écoute des enfants et répondre à leurs besoins. Mais, inexpérimentés, les principaux intéressés ne font pas toujours le meilleur usage de leur liberté... Les ennemis de Mathias organisent un mémorable désordre, les États voisins lui déclarent la guerre et le petit roi est finalement vaincu.
Roman d'aventures, Le Roi Mathias Ier est aussi un conte métaphorique plein d'humour qui s'adresse aux enfants, mais qui concerne également les adultes.
À partir de l'imaginaire et de la toute-puissance de l'enfance, il donne à réfléchir sur les mécanismes du pouvoir, sur la méfiance et les malentendus persistants entre le monde des adultes et le monde des enfants, et sur la reconnaissance des droits d'expression et de participation de ces derniers : des problématiques toujours d'actualité.
À propos de l'auteur : médecin, éducateur et écrivain célèbre, Janusz Korczak est reconnu comme le précurseur et l'inspirateur de la Convention des droits de l'enfant. Grand témoin de son temps, il s'est battu toute sa vie pour défendre et faire respecter l'enfant. Sa démarche profondément humaniste, son attitude éthique toujours exemplaire, et son œuvre littéraire pour adultes et enfants ont profondément marqué des générations de jeunes Polonais.
Pour Janusz Korczak, l'enfant est un citoyen qui doit être considéré avec sérieux, acteur de son éducation, il devrait toujours être associé aux décisions qui le concernent.

Agenda

Au cœur du génocide. Les enfants dans la Shoah, 1933-1945
Mémorial de la Shoah - Paris
Jusqu'au 30 décembre 2012.
Un million et demi d’enfants juifs de moins de 15 ans ont été assassinés en Europe durant la Shoah. Le fondement de cette mise à mort des victimes ne repose que sur le crime d’être né et sur lui seul.
Heinrich Himmler dans un discours prononcé à Posen, en octobre 1943, déclare : « Je ne me sentais en effet pas le droit d’exterminer les hommes […] et de laisser grandir les enfants qui se vengeraient sur nos enfants et nos descendants. (…) »
De ces enfants, nous sont parvenus des lettres, récits, journaux, dessins… Ces documents sont la base, parmi d’autres écrits, photographies et films d’époque, de l’exposition proposée par le Mémorial de la Shoah. En complément, un cycle de rencontres, de projections, de témoignages, et un colloque évoquent le sort et les actes des enfants qui ne sont plus, mais aussi de ceux qui ont survécu.
Accompagnant l'exposition, un cycle thématique propose des rencontres, des projections et un colloque avec des historiens, des écrivains et des témoins.

14 octobre 2012

Le tout-gratuit est-il vraiment une fatalité à l’ère du numérique ?

Sophie Boudet Dalbin
Le 29/09/2012
Source : http://www.pcinpact.com

English Version

  • 1. Introduction
  • 2. 1 - L’économie du don ne date pas d’hier
  • 3. L'argent, la motivation et culture comme un lien
  • 4. 2 - La gratuité n’est pas qu’une question de génération
  • 5. La gratuité point de départ du modèle économique
  • 6. Le prix du freemium
  • 7. 3 - L’attention constitue la nouvelle richesse
  • 8. Proposer ce qui ne peut être numérisé
  • 9. Dynamique, communauté et contribution
  • 10. Quelle valeur travail ?
  • 11. Conclusion

 INTRODUCTION

Pour beaucoup, le Net est vécu comme un espace de liberté, d'universalité et de... gratuité. « Les mômes veulent l’instantanéité et on leur a mis dans la tête que ça devait être gratuit » lançait le 21 août dernier au micro de RMC Pierre Lescure, chargé par le Gouvernement d’une mission de concertation sur l’adaptation de l’économie de la culture au monde connecté.

Que « les mômes » souhaitent désormais avoir accès à tout, immédiatement et sans contraintes est un fait. Quoi de plus naturel à l’ère du numérique, avec la baisse considérable des coûts et l’accessibilité accrue des œuvres dématérialisées. Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes d’ailleurs. Et certes, la génération élevée au lait d’Internet est habituée à se servir dans les supermarchés du Net. Mais cela ne veut pas forcément dire que le tout-gratuit soit une fatalité.



Qu’on se le dise, les pirates d’aujourd’hui sont les clients de demain. La Commission européenne le soulignait déjà en 2009 dans un communiqué : « Bien que la "génération numérique" paraisse réticente à mettre la main au porte-monnaie pour télécharger ou consulter en ligne des contenus, ils sont en réalité proportionnellement deux fois plus nombreux que le reste de la population à avoir déjà payé pour ce type de service. Ils sont également plus disposés à payer pour obtenir un meilleur service de qualité supérieure ».

Le succès du téléchargement illégal est révélateur de l’appétit du consommateur qui veut avoir accès à tous les contenus, immédiatement, en bonne qualité et simplement. Grâce au piratage, le jeune public peut augmenter considérablement sa consommation culturelle malgré un budget consacré aux loisirs souvent limité. Et à mesure qu’il rentre dans la vie active, il est prêt à payer. Mais pas pour n’importe quoi ! Le problème est que, sur Internet, l’offre illégale est souvent plus simple et plus complète que l’offre légale.

A l’ère de la multiplication des données en ligne, les modèles de rémunération physiques volent en éclat. Dans le sillage du gratuit, l’économie du don, de la contribution se révèle de plus en plus rémunératrice sur Internet. La génération connectée revendique désormais une culture du lien plutôt que du bien. Les industries culturelles doivent alors innover afin d’être en mesure de capter une valeur qui se déplace vers l’attention, la réputation et l’implication de leurs clients.

Au-delà d’une culture de la gratuité, le numérique impulse plutôt l’émergence de nouveaux modèles de création de la valeur. Tandis que les internautes semblent réticents à acheter du contenu en ligne, ils apparaissent en réalité disposés à payer pour obtenir un service de qualité à mesure que l’offre légale se développe. Pour profiter des opportunités de croissance du numérique, les acteurs doivent prendre la mesure des nouvelles attentes afin d’innover et ne plus pénaliser leurs clients.

Alors le gratuit est-il vraiment une question de génération ? Comment le gratuit peut-il créer plutôt que détruire de la valeur pour l’industrie ? Quels sont les mécanismes de l’économie du don, de la contribution ? Quelles stratégies pour capter la nouvelle valeur ? Sommes-nous face à une nouvelle économie ?

 L’économie du don ne date pas d’hier

Pour le journaliste Florent Latrive, auteur de l'ouvrage Du bon usage de la piraterie : « À force de fétichisme comptable, le sens du mot "gratuit" a été perdu. » Il fait la distinction entre fausse gratuité – celle des journaux remplis de publicité, des programmes de télévision rythmés par les réclames, des émissions de radio entrecoupées d’annonces publicitaires – et gratuité réelle : « celle du don, celle de la solidarité et de l’entraide, celle du libre-échange intellectuel et des idées ». Mais ne nous y trompons pas, la gratuité, le don est toutefois rarement désintéressé et peut appeler à contrepartie.

latrive bon usage piraterie

Rien n’est jamais vraiment offert généreusement

Nombreux sont ceux qui pensent que la générosité est au cœur de l’économie du don. Cependant, à y regarder de plus près, les motivations ne sont souvent pas si altruistes. En 1923, l’anthropologue Marcel Mauss, dans son Essai sur le don, étudie la nature des transactions humaines dans les tribus des îles du sud-ouest du Pacifique à l’Alaska et dans les sociétés indoeuropéennes anciennes, en dehors de l’institution qu’est le marché. Il observe que le présent reçu est obligatoirement rendu. Ces échanges qui apparaissent en théorie volontaires sont en réalité obligatoirement faits. Pour préserver sa réputation ou son honneur, « chacun rivalise pour que le cadeau qu’il offre soit plus beau que celui qu’il reçoit ».

Mensonge social chez Mauss, le don apparaît plutôt comme ciment social chez le sociologue Lewis Hyde dans son ouvrage de 1983 sur le don et la créativité artistique. L’auteur place le don au cœur de l’art. Ce don créatif produit des liens, permet d’échanger des sentiments. Mais tout comme Mauss, Hyde observe que le don porte en lui des règles implicites : l’obligation de le faire circuler, de le rendre et l’impossibilité de le posséder. Le don non rendu rend alors inférieur celui qui l’a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour.

Attention toutefois à ne pas résumer le don aux cadeaux de Noël et d’anniversaire ou bien aux relations commerciales, de domination et d’alliance. Mauss l’avait bien senti. Après avoir analysé un concept indigène découvert dans la société maorie de Nouvelle-Zélande, il avance que les choses échangées, loin d’être inertes, sont dotées d’un esprit ; « accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme ». Le droit d’usage se transmet, alors que la propriété demeure inaliénable. Une analyse qui correspond particulièrement bien à la situation des contenus numériques et à l’échange de fichiers.

On l’observe aujourd’hui, les internautes participent bénévolement, mettent en ligne du contenu gratuitement, créent de la valeur sans forcément attendre de rétribution financière en échange. Cette culture participative en ligne a soudain rendu une certaine économie du don tangible et chiffrable. Étant donné que le coût de distribution d’un contenu dématérialisé est proche de zéro, le partage est devenu une véritable industrie. Il est alors essentiel de bien comprendre les mécanismes qui poussent les clients à apporter leur contribution « bénévolement » – en apparence tout du moins.

L'argent, la motivation et culture comme un lien

L’argent n’est pas la seule motivation à l’heure de l’économie contributive

Plusieurs raisons poussent les internautes à choisir de faire don de leur temps, de leur attention, de leur travail, de leurs réflexions, de leurs contenus, de leur créativité. Bien sûr la motivation monétaire perdure sur Internet. De manière directe, par exemple lorsque Dailymotion propose une rémunération variable pouvant atteindre les 15 000 euros pour les utilisateurs qui participent aux appels à création déposés par les annonceurs. Indirectement aussi, car avec un coût de distribution quasi-nul, le bénéfice financier peut survenir après, grâce à la réputation acquise. Dans son livre Free: The Future of a Radical Price, le désormais célèbre rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson explique ainsi qu’il a fait le choix de distribuer ses livres gratuitement sur Internet, en parallèle des versions payantes dans le commerce physique. Il se rémunère ensuite sur ses interventions lors de conférences et à travers ses activités de conseils.

youtube concert

L’argent n’est toutefois pas la seule motivation de la contribution bénévole des internautes. Wikipedia illustre une certaine économie du don altruiste dont l’unique rétribution est d’ordre moral ou de la recherche de visibilité. L’essor de la consommation collaborative renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Un produit devient alors un outil de socialisation. Les contributeurs veulent se former, s’exprimer, s’amuser, échanger, émerger. Les fans sont très actifs en ce sens. Et sans forcément en être conscients, ils créent de la valeur gratuitement. Le téléchargement en peer-to-peer (P2P) participe d’ailleurs de cette mentalité d’échange et de partage.

La culture n’est plus perçue comme un bien mais comme un lien

En ligne, on fonctionne à l’envi. Tout va très vite, tout est à portée de clic. On télécharge les films, la musique, les jeux que l’on a vus à l’affiche, dans un magazine, à la télé, écouté à la radio ou dont on nous a parlé. L’accent est mis sur la personnalisation des services. Les contenus culturels deviennent l’expression de notre identité. Ils deviennent la base d’une nouvelle manière de communiquer, notamment via les médias sociaux. Ainsi, chaque jour, l'équivalent de 150 ans de vidéos YouTube sont regardées sur Facebook (source : WebRankInfo).

Le consommateur devient actif. Il ne s’intéresse plus seulement au produit. Il veut approfondir l’univers de l’artiste. Pour Florent Latrive, devenue bien de consommation, la culture porte en elle des pratiques d’échange, de partage, de remix. Autant de formes d’appropriation créative que les réseaux numériques ont permis de développer de façon fulgurante – mais qui ne sont pratiquement plus reconnues si l’auteur ne peut pas les valider. Le journaliste problématise ainsi en un titre la question du piratage et de l’économie de la culture numérique : « La connaissance, un lien ou un bien ? »

« La propension à rendre le monde meilleur, ajoutée à la distribution au plus grand nombre de nouvelles ressources pour agir, a instauré une nouvelle forme de rapports économiques : non l’échange (marchand), non le don (qui appelle toujours une forme de contre-don différé, et n’est donc pas si éloigné que cela des échanges marchands), mais tout simplement la contribution : "Si tout le monde apporte une petite pierre, pourquoi pas moi ?" » avancent Nicolas Colin et Henri Verdier dans leur récent ouvrage L’âge de la multitude.

De plus en plus d’exemples montrent que l’économie du don ou de la contribution en apparence intangible, est de plus en plus rémunératrice à l’ère du numérique. Pour Chris Anderson, « l’iPod d’Apple, dont toute la valeur vient du fait qu’il puisse contenir des dizaines de milliers de morceaux de musique, n’est vraiment utile que si vous n’avez pas à payer des dizaines de milliers de dollars pour cette librairie musicale. Ce qui est, bien sûr, le cas pour bon nombre de personnes, qui obtiennent leur musique gratuitement d’amis ou en échangeant des fichiers. Donc, combien, sur les quatre milliards de dollars annuels générés par les ventes de l’iPod, sont-ils dus à la gratuité ? ». D’ailleurs, le gratuit est depuis longtemps intégré au sein de modèles économiques éprouvés.
 

La gratuité n’est pas qu’une question de génération


À l’heure d’Internet, comme le souligne Alban Martin dans son ouvrage Et toi tu télécharges ?: « Si la gratuité des biens a toujours existé, dans une logique de don, d’échange ou encore de vente liée, elle prend une toute nouvelle envergure avec la dématérialisation des contenus : certains services deviennent intégralement gratuits, fixant un standard de prix pour un marché entier, composé d’acteurs ne provenant pas tous du monde d’Internet. Que le gratuit soit utilisé pour "vendre" un service, ou bien qu’il soit une composante d’un modèle économique plus large, ce seuil psychologique est aussi attractif qu’il peut être rémunérateur, pour peu qu’on en maîtrise les ressorts… »

alban martin et toi tu télécharges

Analyse psychologique de la valeur gratuite

« La gratuité est un concept, non pas quelque chose que vous pouvez compter sur vos doigts » écrit Chris Anderson. Tout l’enjeu réside alors dans la capacité à penser le prix de façon créative. Dans son livre Free, il décrit un exemple particulièrement édifiant, celui d’une salle de sport au Danemark proposant un abonnement annuel, gratuit, à condition de venir au moins une fois par semaine. Si l’abonné rate une semaine, il doit payer un mois complet au prix fort… D’un point de vue psychologique, ce modèle est remarquable : « Lorsque vous y allez chaque semaine, vous vous sentez vraiment bien avec vous-même et vis-à-vis de la salle de sport. Mais il arrivera un moment où vous finirez par être très pris et raterez une semaine. Vous paierez, mais ne pourrez-vous en prendre qu’à vous-même. Contrairement à la situation habituelle où vous payez pour une salle de sport où vous n’allez pas, votre première réaction n’est pas de résilier votre abonnement, mais plutôt d’intensifier votre engagement. » Notre perception de la gratuité demeure ainsi toute relative et peut être orientée à dessein.

La frontière entre le marchand et le gratuit est par ailleurs très mouvante. « Le pirate est un client qui paie à la recherche d’une raison pour se montrer » souligne le philosophe Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Ainsi, pour Joëlle Farchy, spécialiste de l'économie des industries culturelles : « Il faut cesser de se faire peur en laissant croire que le P2P, parce qu’il est gratuit, est un trou noir qui va absorber tout autre mode de distribution. Compte tenu de la concurrence de propositions considérées comme gratuites, l’internaute n’accepte de payer que pour des produits à forte valeur ajoutée. »

Point crucial : la gratuité est en grande partie une illusion. Pour le réalisateur et producteur Jean-Jacques Beineix, « cette idée de gratuité est un mensonge. C’est même un vrai problème de société. La gratuité est une illusion d’optique, un mirage, pratiquement élevé au rang de mode de vie. On est d’ailleurs en train d’en faire un dogme. Malgré les apparences, on est souvent aujourd’hui à l’opposé de la gratuité. De plus en plus, tout est tarifé » (propos recueillis par Cyril Fievet et publiés dans le magazine Netizen de février 2006).

 La gratuité point de départ du modèle économique

Modèles économiques du gratuit

« La gratuité en économie de marché n’existe pas ; elle correspond à des formes de financement indirectes » souligne Joëlle Farchy. Plusieurs stratégies existent pour générer des revenus directs en proposant un bien ou un service gratuitement. Il y a bien sûr le marché non monétaire de type Wikipedia. Le financement croisé direct permet également d’offrir quelque chose pour vendre autre chose ; c’est le cas des opérateurs de téléphonie mobile qui vous offrent le téléphone pour ensuite vous vendre un abonnement.

Vient ensuite le modèle basé sur un marché composé de trois acteurs, typique des médias financés par la publicité, où les annonceurs ne sont pas forcément les seuls à payer pour le contenu. Les industries des médias gagnent ainsi de l’argent grâce au contenu gratuit d’une douzaine de façons différentes, de la vente d’informations sur les consommateurs à celle de licences de marque, d’abonnements enrichis, en passant par le commerce en ligne directe. Et ce modèle publicitaire s’est imposé sur le Net. Il a été adopté avec succès par des poids lourds comme Google ou Yahoo!, qui ont su offrir des services gratuits aux internautes (email, partage de vidéos, moteur de recherche) pour générer des audiences propres à attirer les annonceurs.

Le gratuit pour attirer des audiences monétisables

À l’ère de l’abondance numérique, le coût marginal de distribution d’un contenu est nul. C’est la multiplication des pains en quelque sorte. Baisser le prix au minimum quitte à le proposer gratuitement permet d’éliminer tout frein à l’accès au contenu et d’élargir au maximum la cible potentielle. À l’instar de la bande annonce, mettre en ligne gratuitement les premières minutes ou la totalité d’un film, peut donc se révéler être un excellent outil de marketing viral. Un clip créatif et innovant qui circule sur YouTube est le meilleur moyen de donner envie au public d’acheter le morceau, l’album ou d’aller voir le groupe en concert. « L’enjeu est de trouver le bon format à donner au contenu d’appel, afin de ne pas cannibaliser les ventes de l’œuvre sous d’autres formes ou formats » souligne Alban Martin. Car « tant que l’objectivation d’un talent n’a pas eu lieu, il vaut mieux réduire au maximum les barrières à la découverte du contenu, notamment via de premières prises gratuites ».

Une fois l’attention ou l’intérêt suscité, il est alors essentiel de développer le rebond du gratuit vers le payant à travers les économies de compléments, de produits ou services qui tendent à être consommés ensemble, comme un film en salles et un pot de pop-corn, ou bien l’équipement en home cinema et l’achat de DVD. Les industries du contenu connaissent bien ; cela se traduit par du merchandising, des objets dérivés ou complémentaires.


Le gratuit pour encourager l’adoption la plus large possible des services

La gratuité demeure ainsi le meilleur moyen d’atteindre un marché le plus large possible et d’arriver à une adoption de masse. Cette « stratégie de maximisation » élimine les barrières à l’entrée et réduit les risques d’insatisfaction clients. Rien de nouveau sous le soleil. Et dans l’univers numérique, proposer un service plus simple et moins cher permet de se positionner rapidement comme leader sur un marché souvent dominé par les effets de réseaux et les technologies de verrouillage, où les gagnants raflent tout le marché (winner-take-all).

Quitte à parfaitement tolérer le problème du « passager clandestin » dans la perspective de maximiser l’audience. Bill Gates affirmait ainsi « à propos des nombreuses copies sauvages de ses logiciels par les Chinois : "Tant qu’ils volent des logiciels, nous préférons que ce soient les nôtres. Ils deviendront en quelque sorte dépendants et nous trouverons bien un moyen de les faire payer durant la prochaine décennie" » (déclaration citée par Florent Latrive dans son ouvrage Du bon usage de la piraterie).

Le problème du financement de l’offre légale

Petit bémol tout de même, car tandis que le fait de baser son modèle économique sur le gratuit demeure à la portée de tous, bien souvent, seul le groupe numéro un peut arriver à en tirer des bénéfices. Et comme prévient Chris Anderson : « Si le gratuit à l’ère du numérique démonétise les industries avant que de nouveaux modèles économiques puissent les monétiser à nouveau, alors tout le monde perd. »

Ainsi il est donc essentiel pour les fournisseurs de contenus et de services sur Internet que les industries du contenu continuent à produire. Le moteur de recherche Google acquière toute sa valeur dès lors que des informations et des contenus sont produits – par d’autres – et disponibles pour être classées. Mais comment assurer le financement de l’offre légale à l’heure où ceux qui tirent des bénéfices financiers de la distribution la plus large des contenus ne sont pas forcément ceux qui ont financé leur production et y ont investi beaucoup d'argent. Un point crucial sur lequel la mission Lescure commence d’ailleurs à travailler.

Pour les entreprises du net, la gratuité n’apparaît plus comme une étape intermédiaire vers un modèle économique mais plutôt comme le point de départ des modèles économiques, le cœur de leur philosophie dans le développement de nouveaux produits et services. Les industries du contenu doivent prendre la mesure des nouvelles stratégies autour de la gratuité afin de faire évoluer leurs modèles économiques et s’adresser à cette « génération du gratuit ».

 Le prix du freemium

Avec le freemium, le gratuit n’est pas le seul prix

Pour Chris Anderson, la « génération Google » n’a pas perdu tout sens de la valeur, mais valorise simplement des choses différentes comparées aux générations précédentes. Pour cette génération, l’information est infinie et immédiate. « Ils sont de moins en moins disposés à payer pour du contenu ou tout autre divertissement, étant donné qu’ils ont tellement d’alternatives gratuites. » Selon l’auteur, il ne viendrait pas à l’esprit de cette génération du gratuit de voler à l’étalage mais en revanche celle-ci n’hésite pas à télécharger des contenus sur les sites P2P. « Ils comprennent de façon intuitive la différence entre les économies des atomes et celle des bits, et ont compris que la première comporte des coûts réels qui doivent être payés, mais il n’en est habituellement pas de même pour la seconde. La question n’est pas "Combien cela coûte-t-il ?" mais "Pourquoi devrais-je payer ?" »




Imprégné de cet état d’esprit, Chris Anderson décrit dans son livre Le gratuit – Futur d’un prix radical, l’émergence d’un type de modèle d’affaires autour du gratuit à l’ère de l’abondance numérique, qui dépasse les offres promotionnelles ou les ventes liées. Le freemium mélange ainsi des versions gratuites (free) et payantes (premium) d’un même service. Dans la mesure où Internet apparaît comme une terre d’abondance, où le coût marginal d’un client supplémentaire est nul et celui des technologies de traitement, de bande passante et de stockage de plus en plus négligeable, « la gratuité ne devient pas juste une option mais est inévitable ». Pourtant, comme le souligne l’auteur, « il se pourrait que le gratuit soit le meilleur prix, mais il ne peut pas être le seul ». Tout l’enjeu réside dans la créativité des marketers à redéfinir les contours de leurs métiers.

L’auteur insiste sur le fait qu’il est inutile de vouloir lutter contre le gratuit étant donné que les internautes finiront toujours par trouver un moyen de s’échanger les contenus sur Internet. « A l’avenir, chaque entreprise va devoir fabriquer des produits gratuits ou bien va devoir entrer en concurrence avec des compagnies dont les produits seront gratuits. » Vouloir maintenir un prix artificiellement haut au regard du coût réel de production et de distribution, à travers un ensemble de lois et de systèmes de protection des droits d’auteurs, serait vain. Chris Anderson se défend de vouloir encourager ou condamner le piratage. Mais pour lui, ce phénomène résulte plutôt d’une force naturelle, que d’un comportement social qu’il serait possible de corriger à travers l’éducation ou la législation.

Il apparaît alors essentiel de se démarquer de la gratuité et de proposer une plus-value, car toute gratuité entraîne un transfert de valeur. L’enjeu réside donc dans la capacité des acteurs à proposer une offre apportant une valeur ajoutée, du moins différente de la version gratuite. Vous n’êtes pas obligé de payer, mais il se pourrait que vous le vouliez. Ainsi, « "l’ennemi de l’auteur n’est pas le piratage, mais l’obscurité". Le gratuit est le chemin le moins coûteux pour atteindre un maximum de personnes, et si l’échantillon remplit sa fonction, certains paieront pour la version "supérieure". »

Il est alors essentiel que le contenu soit attrayant, de qualité. Sébastien Flory, dirigeant et directeur technique chez Boostr, une société parisienne dédiée au jeu de cartes en ligne Urban Rivals, où le joueur démarre gratuitement avec quelques cartes et peut en obtenir simplement en jouant ou bien en payant quelques euros, se réjouit ainsi de la réussite de son service de jeu sur mobile : « La bonne nouvelle c’est qu’en faisant un produit cool, bien conçu et qui nous plaît, les joueurs accrochent. Du coup, c’est vertueux. On donne aux joueurs en leur offrant de nouvelles fonctionnalités et en écoutant leurs remarques. Eux, ils sont fidèles et achètent, mais on ne les oblige pas. C’est comme un accord tacite. »

Le gratuit s’est imposé sur Internet. Comme le souligne John Battelle, cofondateur de la revue Wired, dans son ouvrage sur La révolution Google : « C’est plus qu’une question de générations. » Il s’agit d’être créatif pour trouver comment convertir en revenus la réputation et l’attention issues du gratuit. Car « dans l’écosystème actuel, le péché le plus grave consiste à s’isoler du reste du monde ».

 L’attention constitue la nouvelle richesse


L’« économie du futur, » avait annoncé le théoricien du cyberespace John Perry Barlow, « sera fondée sur les relations plutôt que sur la propriété » (citation de Jeremy Rifkin dans son ouvrage L'économie hydrogène – Après la fin du pétrole, la nouvelle révolution économique). Comme l’écrivait déjà en 1971 l’économiste Herbert Simon, « ce que l’information consomme est assez évident : elle consomme l’attention de ceux qui la reçoivent. Du même coup, une grande quantité d’information crée une pauvreté de l’attention et le besoin de répartir efficacement cette attention entre des sources d’information très nombreuses au milieu desquelles elle pourrait se dissoudre ».

Grâce à sa capacité à produire, reproduire et faire circuler sans coût ni travail supplémentaire, le numérique est à l’origine d’une abondance d’informations, d’une profusion des données, d’une explosion des contenus générés par les utilisateurs et de l’hyper-connectivité des modes de vie. L’attention apparaît plus que jamais comme une ressource rare. Cependant, la faculté d'attention du public n’est pas extensible et il faut trouver de nouvelles stratégies pour capter la valeur.



Les modèles de financement des médias ont toujours fonctionné sur la recherche d’attention du public. L’économie de l’attention et de la réputation est un système qui fonctionne en recherchant et en achetant ce qui est intrinsèquement limité et irremplaçable, à savoir l’attention du consommateur.

Utiliser le gratuit pour générer du buzz

A l’heure du numérique, les formes de médiation sont renouvelées. Le gratuit est utilisé pour générer du buzz. Le phénomène du bouche à oreille est décuplé. Le public accorde plus d’importance et de valeur à une recommandation émanant d’un proche ou d’une communauté de pairs. L’internaute est nettement plus enclin à cliquer sur le lien d’une vidéo si celle-ci lui a été recommandée par un proche, que s’il s’agit d’un spam, d’une publicité ou d’une offre de contenu lambda.

Le marketing viral, ou buzz marketing, permet ainsi, dans une certaine mesure, de diminuer les coûts de promotion, qui sont alors portés en partie par les utilisateurs et atteignent facilement les communautés clé et les leaders d’opinion. Les discours d’accès aux œuvres sont alors démultipliés et moins contrôlés par les professionnels de la promotion.

Effets variables selon les types de contenus

Bien que le contenu gratuit soit un catalyseur de conversations, il semble toutefois que les effets varient. Dans le domaine de la distribution dématérialisée des livres, Chris Anderson relate sur son blog le fait que proposer une version gratuite sur Internet d’un ouvrage traitant d’un sujet particulier ou peu connu permettrait d’élargir sa visibilité et de faire augmenter le nombre de ventes dans le commerce physique. En revanche, dans le cas d’un sujet ou d’un auteur bien établi, profitant déjà d’une certaine exposition, l’auteur constate que la version numérique gratuite aurait tendance à cannibaliser les ventes.

Et dans le cas de l’industrie musicale, le phénomène inverse est observé. Des groupes comme Radiohead, Coldplay, Nine Inch Nails ou encore Moby, qui disposent d’une renommée internationale et d’une base de fans bien établie, ont montré que le gratuit sur Internet peut être une source de profit non-négligeable. Mais pour des groupes peu connus, le gratuit peut avoir un effet négatif sur les ventes, dès lors que les leviers vers le payant ne sont pas véritablement établis.

Avènement du personal branding

Une chose est sûre, avec Internet, l’information est surabondante et les canaux de communication tendent à être saturés. L’attention, ressource rare, devient la base d’une nouvelle économie. Il est alors crucial de savoir s’orienter face à une cascade illimitée de données et d’opinions qui peut nous submerger. « La recherche est devenue la nouvelle interface du commerce » écrit ainsi John Battelle. Les réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace deviennent ainsi des acteurs incontournables de cette économie de l'attention et de la réputation, en particulier au sein de la jeune génération.

Les internautes se servent de leurs goûts, culturels notamment, pour tenter d’émerger de la multitude. Dans nos sociétés de consommation de plus en plus standardisées, qui s’auto-alimentent par les mécanismes de différenciation sociale, la communication via les réseaux sociaux ou les blogs, est devenue un outil majeur de personal branding. L’individu se met en scène et fait sa promotion afin de communiquer, de s’exprimer, de s’affirmer, d’émerger, de se différencier, de créer des liens.

Le phénomène du bouche à oreille, facilité par le gratuit sur Internet, apparaît donc incontournable. Toujours est-il qu’il ne faut pas se méprendre. Aujourd’hui, les jeunes Millenials qui téléchargent ou regardent en streaming des films et de la musique massivement et gratuitement (légalement ou illégalement), disposent de beaucoup de temps mais de peu d’argent. Mais dès qu’ils seront entrés dans la vie active, avec a priori plus d’argent que de temps, ceux-ci seront alors potentiellement prêts à payer pour des services qu’ils valorisent, qui leur permettent une souplesse d’utilisation, une qualité optimale, un service à valeur ajoutée.

 Proposer ce qui ne peut être numérisé


A l’ère de l’abondance, les contenus numériques coulent à flot sur le net. Dès lors, la nouvelle valeur réside dans le temps présent, la mise à jour constante. Comme le relate Alban Martin, Jacques Attali compare ce phénomène à « la bouteille d’Evian face à l’eau courante : bien que l’eau soit disponible à un coût marginal pour tous, elle continue d’être monétisée et commercialisée, sous la forme de bouteilles ayant chacune leurs caractéristiques ».

Les consommateurs recherchent à passer du temps avec leurs artistes, à accompagner leur vie artistique, à assister à des performances en direct, à vivre des expériences divertissantes uniques, personnalisées et non reproductibles en bits – et donc rares, à l’inverse de l’abondance du gratuit sur Internet. Par conséquent, l’« implication des fans, du public ou des spectateurs dans l’univers de l’œuvre, rendant le processus créatif personnalisé pour chaque personne qui le souhaite » est une des sources de valeurs essentielles de l’économie de l’attention. Cependant, comme le souligne Alban Martin, cela « ne signifie pas que les créatifs doivent tenir compte des avis du public pour modifier leur inspiration, mais plutôt établir une vraie relation de proximité avec lui ».

Robinet LED

Internet permet également d’établir un dialogue personnalisé à grande échelle avec des personnes inaccessibles auparavant. De nouvelles formes de médiation apparaissent, qui permettent de délivrer les informations aux communautés de fans et d’amateurs. Les internautes apprécient particulièrement de pouvoir tisser une relation personnelle avec les personnalités qu’ils apprécient et de pouvoir dépasser la simple relation commerciale standardisée.

Les nouveaux outils de communication permettent de tisser des liens de plus en plus forts entre les publics et leurs artistes. Alban Martin parle d’humanisation de l’artiste. Par contre, cette accessibilité accrue de l’artiste est à double tranchant selon lui, puisqu’elle peut aller « à l’encontre de l’image de magie qu’il transmet ». Toujours est-il que pour un artiste en début de carrière, « le dialogue personnel avec une communauté de fans permet de tisser des liens de fidélité durables. Et il y a fort à parier que cette même communauté fera d’eux des "stars" et les portera aux nues ».

L’expérience en temps réel permet donc de proposer une plus-value par rapport à l’offre numérique, et justifie de faire payer l’internaute. Mais la distribution numérique est également l’occasion de redéfinir le rôle entre l’industrie et ses clients. Comme l’écrit André-Yves Portnoff, directeur du think-tank Futuribles : « Il faut aller au-delà de la technique : innover, c’est réinventer métiers, modes d’organisation et styles de management. En d’autres termes, innovations technique et socio-organisationnelle forment un tout indissociable » (voir « Sentiers d’innovation », Futuribles, décembre 2004).

 Dynamique, communauté et contribution


« L’innovation émerge désormais des deux côtés de la caisse enregistreuse », affirme Eric Von Hippel, chercheur au MIT, et cité par Alban Martin. Qualifiée d’ascendante, ce nouveau type d’innovation remonte de la base des utilisateurs vers l’entreprise, alors qu’elle emprunte d’habitude le chemin inverse. « Donner des choses à faire, c’est à la fois une proposition de valeur en soi, donc une source de revenus, et une technique de marketing destinée à acquérir ou à fidéliser des utilisateurs en vue d’une proposition de valeur complémentaire » soulignent Nicolas Colin et Henri Verdier. Il s’agit de capter la richesse créée par la multitude.


Le crowdsourcing : nouveau type d’externalisation

En 2006, Jeff Howe, journaliste pour le magazine Wired, décrit ce phénomène par le néologisme « crowdsourcing », un nouveau type d’externalisation (outsourcing, en anglais). Les évolutions et la démocratisation des technologies numériques ont permis de réduire l’écart entre professionnels et amateurs. Les entreprises peuvent désormais faire appel à la foule (crowd, en anglais) des internautes pour externaliser des tâches à moindre coût. La coopération « bénévole » (ou l’échange gratuit d’idées) n’est donc pas dénuée de valeur financière, surtout lorsque ces innovations aident à améliorer l’expérience utilisateur. L’encyclopédie en ligne Wikipedia ou encore les logiciels libres en sont de très bons exemples.

Enrichissement de la communauté par la communauté

Le fait d’impliquer la communauté de clients à participer activement à l’activité et au modèle d’affaires de l’entreprise représente désormais pour celle-ci un avantage comparatif essentiel à l’ère du numérique. Ce type d’enrichissement de la communauté par la communauté permet aux membres les plus actifs de créer de façon directe, ou indirecte, de la valeur à destination des membres les plus passifs, sans aucune interférence de la part des salariés.

« Nous retrouvons là la dynamique élémentaire de l’économie de la contribution. L’activité spontanée et non rémunérée crée une multitude de rapports d’allégeance et d’amitié, dans lequel tout le monde trouve son compte : ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, ceux qui demandent et ceux qui répondent » écrivent les auteurs de L’âge de la multitude. Un crowdsourcing efficace permet alors aux suggestions d’amélioration d’être directement collectées, aux questions sur l’œuvre ou le service ainsi qu’aux problèmes après-vente d’être résolus par d’autres utilisateurs, à des services tiers tels que des applications d’être réalisés par les clients.

Les communautés sont de précieux indicateurs de tendance

Les communautés sont aussi de précieux indicateurs de tendance. Les logiciels de P2P s’avèrent ainsi être de très bons outils pour la récolte de renseignements marketings à moindre coût. Qui plus est, impliquer le public et les amateurs avertis le plus en amont possible de la production du contenu permet de minimiser les risques industriels. Alban Martin cite l’exemple de l’éditeur de jeux vidéo Buzztone, qui propose de réserver ses jeux avant leurs sorties officielles. Cela permet aux clients de tester et de faire le buzz autour de la sortie du jeu, ainsi qu’à l’entreprise de réajuster s’il le faut le contenu et la stratégie marketing.

Avec Internet, la participation des spectateurs à l’enrichissement du contenu des médias est facilitée. Le public n’est plus simplement placé « en bout de chaîne, en phase de "digestion", mais bien dans un processus participatif d’accompagnement de l’information dans une logique de cocréation de valeur » écrit Alban Martin. Mais les grandes structures peinent à s’adapter rapidement à ce changement de paradigme. Les petites structures sont pour leur part plus à même de faire face à l’explosion de leur chaîne de valeur et d’intégrer leurs clients au sein de l’entreprise. Reste à savoir s’il s’agit réellement d’une nouvelle économie radicalement différente à laquelle les industries culturelles doivent s’adapter rapidement pour ne pas mourir, ou bien s’il s’agit plutôt d’une évolution du capitalisme.

 Quelle valeur travail ?

Les frontières se brouillent entre production et consommation 

Comme le remarque Chris Anderson, Internet repose sur deux unités monétaires principales : l’attention (le trafic) et la réputation (les liens), qui sont devenues la base d’un véritable marché. Considérons par exemple le service de microblogging Twitter. L’attention portée à un profil y est mesurable à travers le nombre de personnes (followers) qui se sont abonnées aux messages de cet utilisateur, créant ainsi du trafic vers celui-ci. La réputation d’un compte apparaît pour sa part proportionnelle au nombre de messages rediffusés (retweets), qui permettent de faire des liens, d’étendre la sphère d’influence, de filtrer les messages les plus pertinents et de créer une relation de confiance entre « retweetés » et « retweeteurs » en montrant l’intérêt des uns pour les messages des autres.

Désormais, attention et réputation deviennent de plus en plus monnayables et tangibles. Les « amis » sur Facebook sont un autre exemple d’unité de monnaie de la réputation. Plus vous avez d’« amis », plus vous avez d’influence dans le monde de Facebook, et plus vous avez de capital social à dépenser. Avec son algorithme d’indexation PageRank, Google devient ainsi une véritable place de marché de la réputation sur le Web.

Les frontières se brouillent entre production et consommation, travail et expression culturelle. Mais cela ne signifie pas que chaque utilisateur se transforme en producteur actif, chaque travailleur en créateur. Les mutations des modes de production, de distribution, d’échange et de consommation des biens et services à l’ère du numérique reflètent une évolution des systèmes de valeurs. Une nouvelle économie post-capitaliste apparaît, entre promesses d’un dépassement de l’économie marchande et intensification du régime capitaliste.


Economie mixte plutôt que nouvelle économie

Pour la sociologue Tiziana Terranova, loin d’être un nouveau phénomène, l’économie numérique apparaît plutôt comme une nouvelle phase : « Il s’agit d’une mutation qui est complètement immanente au capitalisme tardif, pas tant d’une rupture que d’une intensification d’une logique culturelle et économique amplifiée. »

Richard Barbrook, spécialiste de la régulation des médias, parle d’une économie mixte, caractérisée par l’émergence des nouvelles technologies et d’un nouveau type de travailleurs : les artisans du numérique. Aux côtés de l’instance publique, qui fut notamment à l’origine du projet de construction du réseau Arpanet (l’ancêtre d’Internet), l’économie de marché a su investir le réseau, en même temps que l’économie du don, qui constitue pour Barbrook, l’élément constitutif d’un éventuel dépassement du système de production capitaliste de l’intérieur. Cette économie du don, dans une perspective marxiste-hégélienne, permet ainsi à la consommation culturelle de faire sens en la transformant en activité productive. Cependant, elle est souvent exploitée par les industries. Ainsi, la nouvelle économie basée sur la mise en réseau de l’intelligence humaine implique une mutation profonde des structures d’organisation de la main d’œuvre (voir l’ouvrage de Don Tapscott, L’économie numérique : Promesse et péril à l’ère de l'intelligence connectée).

Le capitalisme cognitif repose sur l’exploitation de la connaissance

Comme le souligne Tiziana Terranova, bien qu’il soit essentiel de surveiller et d’organiser ces flux de connaissances, « Internet fonctionne efficacement en tant que canal à travers lequel "l’intelligence humaine" renouvelle sa capacité à produire », car il permet de mutualiser les connaissances. Ainsi, « Internet accentue l’existence des réseaux de main d’œuvre immatérielle et accélère leur accrétion en une entité collective ». La valeur dépasse l’information pour s’établir dans l’interconnexion des cerveaux.

Yann Moulier Boutang nomme cette nouvelle phase Le capitalisme cognitif, qui selon lui est injustement qualifiée de nouvelle économie. « Le capitalisme cognitif est bel et bien une tendance réalisée, un type nouveau d’accumulation. Mais il n’est pas un régime stabilisé. » L’auteur souligne qu’à l’ère de l’information, « l’économie ne repose pas sur la connaissance, mais sur l’exploitation de la connaissance ». Empruntant à la fable des abeilles de Mandeville, Yann Moulier Boutang fait remarquer que l’enjeu dépasse la production matérielle du miel pour se déplacer vers le processus de la pollinisation. Ainsi, les abeilles, en amassant du miel, font en réalité autre chose ; elles permettent la reproduction des fleurs, une opération essentielle et difficile à réaliser artificiellement. La valeur de ce travail dépasse ainsi la valeur du miel produit et apparaît sans prix.

Yann Moulier Boutang parle alors d’externalités positives. « Dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l’activité est une affaire d’attention, d’intensité, de création, d’innovation. » Rejetant tout déterminisme technique « dans lequel les usages sociaux de la technique ne jouent qu’un rôle très secondaire », l’auteur place le « travail vivant » au cœur du processus de création de valeur.

Cependant, comme le souligne le philosophe Jean Zin, « insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l’infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie. S’il y a donc bien humanisation d’un côté, c’est en contrepartie d’une technicisation ». Par ailleurs, force est de constater que « ce n’est pas seulement la passion de la connaissance qui anime les accros du numérique mais plus encore la passion de la reconnaissance (et du jeu). Le cognitif n’est ici qu’une partie, certes importante, ce n’est pas le tout ».

Nouvelle lutte des classes

Des obstacles se dressent face à cette pollinisation. Selon Yann Moulier Boutang, le droit d’auteur, les systèmes de protection des contenus, les formats propriétaires, représentent autant d’éléments qui multiplient les barrières et s’avèrent fortement limitatifs en termes d’innovation, puisque qu’ils restreignent l’accès aux données ainsi que leur réutilisation, et confondent ainsi pollen et pollinisation. Comme l’explique le journaliste Jean-Marc Manach, « on a coutume de dire que quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. En l’espèce, ce qui est important, ce n’est pas la lune, ou le brevet qui pourrait la protéger, mais le halo qui l’entoure, la connaissance implicite qu’elle induit plus que la connaissance explicite de ce qu’elle produit ».

La valeur de la collecte et de l’organisation intelligente des informations se déplace alors des abeilles pollinisatrices aux producteurs et diffuseurs, maîtres des tuyaux, qui monétisent l’accès ou la circulation des données. Ainsi, «  avec le Web 2.0, la montée en puissance de l’économie du don, du gratuit et de la contribution, une nouvelle forme de lutte des classes opposerait aujourd’hui ceux qui pollinisent, en partageant leurs connaissances, et ceux qui en tirent un profit financier, et cherchent à contrôler qui a le droit de partager, quoi, où, quand, comment, pourquoi ». Yann Moulier Boutang en appelle alors à privilégier les approches ascendantes (bottom up) et à lever les verrous, afin de permettre et d’encourager le butinage.

Tandis que Yan Moulier Boutang décrit les contradictions entre l’économie de pollinisation et le système capitaliste comme une simple instabilité à résoudre, Jean Zin parle, pour sa part d’incompatibilité profonde touchant à la base du capitalisme, à savoir les droits de propriété, la production de valeur, le travail salarié. « Ainsi, l’avantage décisif de la gratuité sur Internet, supprimant les coûts de transaction et les coûts de production, rend beaucoup plus que problématique la rentabilisation des investissements consentis alors même que la contre-productivité des droits numériques condamne à plus ou moins long terme toute tentative de maintenir l’ancienne logique marchande. » Dans cette économie de la pollinisation, où la productivité n’est plus individualisable, un nouveau système de production apparaît, qui n’en finit cependant pas avec le capitalisme, mais bouleverse les rapports de production et de distribution.

Pour Laurence Lessig, fervent défenseur le l’assouplissement de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, tandis qu’il est nécessaire de préserver la séparation entre les deux sphères de l’économie (celle de l’économie commerciale et celle de la seconde économie), notamment par le biais des licences libres, il ne s’agit pas de rendre tous les usages gratuits et libres de droits. Cela reviendrait à tomber dans l’extrémisme des détenteurs de droits qui voudraient que tous les usages des œuvres soient régulés par le droit d’auteur. Il s’agit de trouver un équilibre en fonction de la nature des usages et des contenus.

 Conclusion


« Il n’y a pas de société sans gratuité, il n’y a pas même de capitalisme sans gratuité, pas de commerce sans infrastructures publiques, sans lumière abondante, ni dévouement et don. Il n’y a pas non plus de création sans gratuité : aucune invention, aucune œuvre ne peut naître sans le terreau fertile du patrimoine culturel de l’humanité », écrit Florent Latrive. Le gratuit, le partage, le libre accès à l’information ont été promus tout au long de l’évolution d’Internet comme des qualités essentielles et intrinsèques.

Or les promoteurs de cette culture du gratuit à ses débuts sont ceux-là mêmes qui la dénoncent aujourd’hui. Et tandis que les industries du divertissement offrent timidement leurs contenus sur Internet, d’autres acteurs basent leurs modèles d’affaires sur le contenu gratuit. Apple ne gagne ainsi pas d’argent en vendant des contenus mais plutôt des terminaux. Les offres d’abonnement à Internet haut débit illimité ont aussi largement bénéficié des contenus disponibles sur le Net.

hadopi piratage consommation
Extrait d'une étude de la Hadopi
biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français

Mais une chose est certaine : la gratuité n’est pas la motivation première de la majorité des utilisateurs. Les personnes identifiées comme les plus grands pirates sont de grands consommateurs de produits culturels. Il ne s’agirait donc pas de l’émergence d’une culture du tout-gratuit mais bien d’une autre façon d’appréhender la rétribution de la création et du travail intellectuel. Le Web engendre alors une révolution économique autour des modèles du gratuit. La valeur change avec la perte de l’attachement au support physique, l’accès, l’attrait grandissant pour la personnalisation des services, la soif de contribution.

Désormais, il apparaît essentiel de contrôler non plus les copies mais plutôt la relation avec les clients. Du slogan publicitaire « Pour un DVD acheté, le deuxième est offert ! », aux modèles des médias gratuits financés par la publicité, en passant par les offres de livraison gratuite, d’extrait gratuit, de pop-corn offert, la gratuité apparaît sous différentes formes, intégrée dans divers modèles économiques, répondant à plusieurs types de stratégies.

Internet nous rappelle alors que nous ne vivons pas dans une seule et même économie mais au moins dans deux. Une autre économie apparaît aux côtés de l’économie marchande traditionnelle basée sur le commerce d’un bien en échange d’argent. Qu’il s’agisse de l’économie de l’amateur, du partage, de la contribution, de la production sociale, de l’attention ou de pair-à-pair, celle-ci comporte une logique différente, plus complexe que l’économie commerciale. L’enjeu pour les industries culturelles n’est pas seulement de prendre conscience de la richesse de cette seconde économie mais d’en maîtriser également les mécanismes pour la mettre en œuvre, l’encourager, la soutenir.

Les stratégies doivent donc être mieux adaptées au Web ainsi qu’aux mutations socio-économiques induites et permises par ce nouveau média. La généralisation du téléchargement illégal incite à considérer les comportements des internautes comme le symptôme d’une culture qui veut s’affirmer. L’impact du piratage d’œuvres massif, sans être diminué, ne doit pas faire perdre de vue l’objectif premier : développer une offre légale attractive – ce que la ministre de la Culture et de la Communication, Madame Aurélie Filippetti a d’ailleurs souligné lors de la conférence de presse du 25 septembre 2012, pour le lancement de la mission culture-acte2. On est donc d’accord, gratuit ou payant, telle n’est pas vraiment la question.

Libellés

Politique (381) social (341) actualité (279) corporation (265) loi (227) Corruption (208) geopolitique (201) Documentaire (155) documentary (143) Propaganda (129) Etats (128) Guerre (126) France (124) Internet (98) Reflexion (95) Pollution (94) crise (94) USA (93) Economie (89) Europe (85) Nouvelles Technologies (82) Santé (75) Arté (59) Argent (57) Etats-Unis (53) environnement (53) reportage (53) administration US (52) Nucléaire (51) Armement (48) Surveillance (46) Nucleaire (45) Chine (44) Armées (43) Mort (42) histoire (42) Japon (40) Japan (36) Police (34) le dessous des cartes (34) rapport (33) Banque (30) Petrole (30) censure (30) Energie (29) Agriculture (27) Eau (27) Afrique (25) Conflits (24) Fukushima (24) LOBBYS (24) Russie (22) gouvernements (22) Medias (21) Sécurité (21) Frontières (20) International (20) Agro Alimentaire (19) Catastrophe (19) Revolution (19) Armes (18) Pauvreté (18) Repression (18) geographie (18) China (17) OTAN (17) Libye (16) cybersécurité (16) gouvernance (16) Army (15) Carte (15) cyberspace (15) ARTE Reportage (14) Allemagne (14) Facebook (14) Inde (14) Moyen Orient (14) Cyber-activisme (13) FMI (13) Google (13) Royaume-Uni (13) cyberespionnage (13) sciences (13) Mali (12) Manipulations (12) commerce (12) enfant (12) philosophie (12) Israël (11) Violence (11) Web 2.0 (11) capitalisme (11) Afghanistan (10) CIA (10) Immigration (10) Journaliste (10) Livres (10) Syrie (10) finance (10) religion (10) traité (10) Bresil (9) Dictature (9) Drones (9) Pakistan (9) Radioactif (9) US (9) Vietnam (9) business (9) desinformation (9) election (9) militaires (9) secret (9) travail (9) 2011 (8) Climat (8) Droit de l'Homme (8) Démocratie (8) Gaz (8) Informations (8) Irak (8) Mexique (8) Reflextion (8) Somalie (8) conspiration (8) exploitation (8) mondialisation (8) terrorisme (8) Bolivie (7) Canada (7) Democratie (7) Discrimination (7) Filtrage (7) Presse (7) controle (7) crimes (7) manifestations (7) multinationales (7) trafic (7) 2012 (6) ACTA (6) Areva (6) Asie (6) Crise sociale (6) Droit (6) Gaza (6) Grande Bretagne (6) Haïti (6) Italie (6) Madagascar (6) Netizen Report (6) Nigeria (6) O.N.U (6) Oligarchie (6) RDC (6) Société (6) UE (6) changement climatique (6) danger (6) justice (6) mines (6) ocean (6) pirates (6) projet (6) Africa (5) Algerie (5) Arabie Saoudite (5) Bahreïn (5) Brésil (5) Chimique (5) Chomsky (5) Colonisation (5) Congo (5) Crise politique (5) Debat (5) Egypte (5) Indigènes (5) Inégalités (5) Liberté (5) Loppsi (5) NSA (5) ONG (5) Palestine (5) Pharmaceutique (5) Tunisie (5) Union Européene (5) Veolia (5) agrocarburants (5) big brother (5) contamination (5) ecologie (5) emploi (5) esclavage (5) hadopi (5) informatique (5) interview (5) menace (5) prison (5) AIEA (4) Accident (4) Agent (4) Bombes (4) Chili (4) Colombie (4) Contaminés (4) Grèce (4) Honduras (4) Iran (4) Microsoft (4) Migration (4) OMC (4) Occident (4) Perou (4) Racisme (4) Tchernobyl (4) Venezuela (4) Webdocumentaire (4) Wikileaks (4) brevet (4) dette (4) fichage (4) frontex (4) industrie (4) maladie (4) nanotechnologies (4) plastic (4) plastique (4) privatisation (4) privée (4) public (4) réfugiés (4) 2013 (3) Apple (3) Australie (3) Azerbaïdjan (3) Bangkok (3) Banque mondiale (3) Banques (3) Bosnie (3) Corée (3) Dechets (3) Espagne (3) Faim (3) Islande (3) Kazakhstan (3) Kenya (3) Liban (3) Maroc (3) Monde (3) NATO (3) Nature (3) Niger (3) OGM (3) OMS (3) Politics (3) Proche-Orient (3) Riz (3) Roms (3) Sahel (3) Sarkozy (3) Totalitaire (3) Turquie (3) Twitter (3) Ukraine (3) Uranium (3) Urbanisation (3) accords (3) art (3) cancers (3) charbon (3) culture (3) cyber-censure (3) drogue (3) ethnie (3) extreme droite (3) futur (3) gouvernement (3) minerais (3) piraterie (3) ressources (3) réseau (3) sondage (3) stratégie (3) télévision (3) écologie (3) 2014 (2) 2030 (2) Abus (2) Affaire (2) Africom (2) Afrique du Sud (2) Agent Orange (2) Amerique du Sud (2) Arabes (2) Argentine (2) Arménie (2) Articque (2) Atlas (2) Attentat (2) Australia (2) Balkans (2) Bangladesh (2) Belgique (2) Bio Carburants (2) Bioethique (2) Birmanie (2) Biélorussie (2) CRIIRAD (2) Cambodge (2) Cancer (2) Caucase (2) Centrafrique (2) Cloud (2) Coltan (2) Correa (2) Corée du nord (2) Coup d’Etat (2) Crise financière (2) Côte d'Ivoire (2) DARPA (2) Defense (2) Drone (2) Défense (2) EDF (2) EFSA (2) Emirats (2) Equateur (2) Espace (2) G8 (2) Gaz de Schiste (2) Gazoduc (2) Genocide (2) Germany (2) Ghana (2) Goldman Sachs (2) Guatemala (2) Géorgie (2) IKEA (2) India (2) Indiens (2) Irlande (2) Kirghizistan (2) Kosovo (2) Les infos dont on parle peu (2) Liberté d'expression (2) Mafia (2) Maghreb (2) Mosanto (2) Médias (2) Nation (2) Nouvel Ordre Mondial (2) Obama (2) Oppression (2) Paragay (2) Parlement (2) Patriot Act (2) Petropolis (2) Quatar (2) RFID (2) Retraites (2) Royaume Uni (2) Rwanda (2) Révolte (2) Sahara (2) Science (2) Serbie (2) Sexe (2) Space (2) Swift (2) Taiwan (2) Taïwan (2) Tepco (2) Thailande (2) U.R.S.S (2) Video (2) Viol (2) WTO (2) Yemen (2) aide alimentaire (2) aluminium (2) animaux (2) bilan (2) biotechnologie (2) chimie (2) civil (2) coup d’État (2) debt (2) dessous des cartes (2) developpement (2) diaspora (2) diplomatie (2) débat (2) délation (2) education (2) ex-Yougoslavie (2) famine (2) fonds d'investissement (2) graphisme (2) hack (2) humain (2) loi Internet et Création loi Hadopi (2) medecine (2) metal (2) misère (2) mondial (2) mur (2) news (2) paradis fiscaux (2) pesticides (2) piratage (2) poison (2) populisme (2) previsions (2) prostitution (2) président (2) sensure (2) telephonie (2) terre rare (2) territoire (2) textile (2) transport (2) villes (2) war (2) 11/9 (1) 1918 (1) 1945 (1) 2 (1) 2009 (1) 2010 (1) 23andMe (1) 9/11 (1) A TelecomTV Campaign (1) AFP (1) ALENA (1) APT (1) ASN (1) Abidjan (1) Agences de notation (1) Alimentarius (1) Almentaire (1) Amazonie (1) Amérindiens (1) Angola (1) Anonymous (1) ArmeFrance (1) Asile (1) Autodialogue à propos de New Babylon (1) Awards (1) B.R.I.C (1) BASM Conférence de Dublin Le texte du futur Traité adopté (1) BCE (1) Babylon District (1) Bayer (1) Berlin 1885 la ruée sur l'Afrique (1) Berlusconi (1) Bhoutan (1) Bilderberg 2008 (1) Bill Gates Rockefeller Svalbard (1) Black Hat (1) Blackwater (1) Botnet (1) Brazil (1) Burkina Faso (1) CEA (1) CETA (1) CFR (1) CNT (1) COMMENT) SUPREMATIE DE L'INFORMATION (1) CONSPIRATION - LE BRESIL DE LULA (1) CONTROLE TOTAL (1) CPI (1) CRU (1) CUG (1) Cachemire (1) Camera City (1) Child miners (1) Chypre (1) Cisjordanie (1) Citoyenneté (1) City (1) Clearstream (1) Club de Paris (1) Cnil (1) Codex (1) Collapse (1) Colombia (1) Combattre les mines et les BASM (1) Commission (1) Contrôle maximum sur tout le spectre électromagnétique (1) Corruption des syndicats l’enquête qui dérange (1) Costa Rica (1) Criminalité (1) Crise à la Banque mondiale et au FMI (1) Cuba (1) Côte d’Ivoire (1) C’est quoi une bonne nouvelle (1) Dadaab (1) Darfour (1) Davos (1) De l’explosion urbaine au bidonville global (1) Destabilisation (1) Documentaire : No es un Joc ( Ce n'est pas un Jeu ) (1) Doha (1) Dubaï (1) Déchets (1) EADS (1) ELENA (1) Ecole (1) Ecoterrorisme (1) Ecuador - The Rumble in the Jungle (1) Eglise (1) Embargo (1) End (1) Enquête en forêt tropicale (1) Erreurs statistiques de la Banque mondiale en Chine : 200 millions de pauvres en plus (1) Eurosatory (1) Exposé sur le nouveau mode actuel de répression politique en France (1) F.M.I Finances Mondiale Immorale (1) FAO (1) FARC (1) FEMA (1) FSC (1) Finlande (1) Foret (1) Forum social mondial FSM Belém (1) Foxconn (1) Franc Maçon (1) France-Afrique (1) Fujitsu (1) G20 (1) Gabon (1) Game (1) Gasland (1) Gazprom (1) Golfe Du Mexique (1) Google Cisco HP Ericsson et Verizon (1) Greenpeace (1) Gréce (1) Guantánamo (1) Guaraní (1) Guerre d’Algérie 1954-1962 (1) Guinée (1) Génocide (1) Génome (1) Géographies des alimentations (1) Géoingénierie (1) H1N1 (1) H2Oil (1) HAARP (1) HP (1) Hackers ni dieu ni maître (1) High-Tech (1) Hiroshima (1) Hollande (1) Hotel Sahara (1) I Am The Media (1) IBM (1) IMF (1) INTERNET (QUI (1) IPRED (1) Iceland (1) Icesave (1) Imiter (1) Indonesia (1) Indonesie (1) Insertion (1) Island (1) Italia (1) J.O (1) Jean Ziegler (1) Jesus Camp (1) KYSEA (1) Karachi (1) Kurdistan (1) L'Or bleu (1) LE HOLD-UP DU SIÈCLE (1) La Commission européenne lance un programme de propagande radio (1) La Démocratie en France 2008 (1) La Fin du Pétrole (1) La Paz (1) La Stratégie du choc (1) La Trahison des médias le dessous des cartes (1) La fin de la propriété de soi (1) La guerre de l'information utilise des opérations psychologiques agressives (1) La guerre invisible (1) La guerre pétrolière oubliée du Soudan (1) La menace iranienne (1) La quatrième révolution (1) Lakmi et Boomy (1) Laos (1) Le Secret des Sept Soeurs (1) Le club des incorruptibles (1) Le grand Monopoly du gaz (1) Le grand marché des cobayes humains (1) Le nuage (1) Le temps des mensonges (1) Le ventre de Tokyo (1) Les Armées Privées dans la Cible (1) Les Occidentaux dénient que la Géorgie a procédé à un génocide (1) Les enfants des rues de Mumbai (1) Les insurgés de la terre (1) Les nouveaux chiens de gardes (1) Les secrets de la forteresse Europe (1) Leviev (1) Littérature (1) Livre (1) Londres (1) MSF (1) Malaisie (1) Malediction (1) Manille (1) Mauritanie (1) Mayotte (1) Medcament (1) Mexico (1) Minorité nationale (1) Mogadiscio (1) Money (1) Mongolie (1) Monsanto (1) Moving forward (1) Mozambique (1) Mururoa (1) Music (1) Musique (1) Médias citoyens (1) NED (1) Nazis (1) Nazisme (1) Neo Conservateurs (1) Nepal (1) Nes (1) Nestlé (1) Nicaragua (1) Nigéria (1) Noam (1) Norvège (1) Notre poison quotidien (1) Nouvelle Zelande (1) Nuage Mortel (1) O.G.M ?? Vous avez dit O.G.M : Organisation Générale du Mensonge (1) O.M.S (1) OFCE (1) Oil (1) Oman (1) Orange (1) Ormuz (1) Ouganda (1) Ouïgours (1) P2 (1) PIPA (1) PRISM (1) Pacifique (1) Papouasie (1) Paraguay (1) Pays Bas (1) Paysans (1) Pentagone (1) Pentagone: Nous devons combattre le Net (1) Perhttp://www.blogger.com/img/blank.gifte (1) Perte (1) Philippines (1) Phtographe (1) Planète à vendre (1) Pologne (1) Polynésie (1) Portugal (1) President (1) Prison Valley (1) Prix agricoles les véritables raisons de l’inflation (1) Prévisions (1) Prêt à jeter (1) Publicité (1) Pêche (1) QUOI (1) Quelle devrait être la politique européenne de l'immigration (1) RATP (1) Rapport Angelides (1) Reflection sur : Le monde de l'image (1) Regis Debray (1) Ruhnama (1) Révolution (1) SOPA (1) STIC (1) Samsung (1) Sans lutte pas de victoire possible (1) Savoir (1) Schiste (1) Scoop (1) Senegal (1) Shanghaï (1) Singapour (1) Skype (1) Sociologie (1) Soudan (1) Sri Lanka Tsunami tourisme banque mondiale (1) Station (1) Stratfor (1) Suisse (1) Sénégal (1) TAFTA (1) TPP (1) TSCG (1) TTIP (1) Tchad (1) The Shock Doctrine (1) Tibet (1) Tienanmen (1) Tokyo Freeters (1) Total (1) Touaregs (1) Turkménistan (1) U.A (1) U.S.A (1) UMP (1) Une livraison de Nouvelles questions féministes (1) Union Africaine (1) Union Européenne (1) United Kingdom (1) Vaccin (1) Vatican (1) Vie Privée (1) Viellesse (1) Viêtnam (1) VoIP (1) Voies de navigations (1) Volcan (1) Vu du ciel (1) Wackenhut (1) Water makes money (1) Windows (1) Yahoo (1) Yakutsk (1) Yaoundé by night (1) Zambie (1) Zeitgeist (1) accord (1) activisme (1) alex (1) anonymat (1) archives (1) article (1) assassinat (1) avocat (1) bactériologique (1) barrage (1) bauxite (1) bildenberg (1) biomimétisme (1) biotech (1) blocus (1) bourse (1) boycott (1) caméra (1) centrale (1) change (1) citizen berlusconi (1) coke (1) congrès (1) contamine (1) crime (1) c’est innover (1) dead (1) discours (1) domination (1) droits de l'homme (1) déchets toxiques (1) démographie (1) département (1) désinformation (1) d’Amnesty (1) e (1) electronique (1) enseignement (1) entreprises (1) estonie (1) etude (1) européen (1) eurosur (1) experience (1) explosifs (1) falsifiabilité et modèle standard de l'évolution stellaire (1) fanatism (1) femmes (1) fiscal (1) fête (1) grève (1) hackers (1) harmaceutique (1) hydrates de méthane (1) iPhone (1) information (1) ingérance (1) inondations (1) irradiés (1) jeu (1) jeux video (1) jones (1) journalisme (1) jugement (1) l'Oreal (1) la tyrannie du cool (1) lithium (1) main basse sur le riz (1) mandat (1) mer (1) methane (1) meu (1) monarchie (1) monnaie (1) obsolescence (1) opinion (1) or (1) parti de droite (1) patriotisme (1) protection des viols de brevets Google Cisco HP Ericsson Verizon (1) psychologie (1) rafale (1) rebellion (1) recherche (1) ressources naturelles (1) réunions secrètes UE OGM (1) sables bitumineux (1) salaires (1) saumon (1) sous-marin (1) speculation (1) structure (1) sureté (1) taxe (1) tourisme (1) toxique (1) transgenic (1) tribunal (1) victimes (1) vidéo (1) virus (1) vote (1) vêtements (1) ÉVASION FISCALE (1) Élections (1) États-Unis (affaires extérieures) (1) Étienne Chouard (1)