31 août 2012

Guerre D'Irak : Les dossiers secrets

  • Durée : 45 mn
  • - 10 Interdit aux moins de 10 ans
 Résumé :

Le site Web WikiLeaks a mis en ligne quelque 400 000 rapports militaires américains secrets sur la guerre en Irak, dévoilant les coulisses d'un conflit qui aurait fait environ 110 000 morts entre 2004 et 2009, dont 66 000 civils. Puis le site a confié ces documents à une équipe de télévision anglaise, demandant aux journalistes de les confronter avec des témoignages recueillis sur place. L'enquête menée par ces professionnels jette une lumière crue sur la guerre en Irak, entre bavures, usages disproportionnés de la force et de la torture. Les rapports laissent aussi penser que, loin d'anéantir Al-Qaida, l'offensive américaine a, bien au contraire, renforcé l'organisation d'Oussama Ben Laden.



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Pakistan : le long chemin vers la paix et la sécurité

Par Aparna Ray · Traduit par Anna Gueye
30 Aout 2012
pour http://fr.globalvoicesonline.org

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[Liens en anglais] Alors que le Pakistan entre dans la 66ème année de son indépendance, c'est un bon moment pour faire le point sur la situation sécuritaire du pays - afin de comprendre le rôle que le pays continue à jouer dans la sécurité et la stabilité de la région.

D’après le Rapport 2011 sur la sécurité du Pakistan [pdf, en anglais comme tous les liens] publié par l'Institut pakistanais des études sur la paix (PIPS), bien que le Pakistan continue à se classer « parmi les régions les plus instables du monde », il y a eu une certaine amélioration de la  sécurité générale dans le pays, surtout depuis la fin de 2011. Le rapport indique :
La dernière moitié de l'année 2011 a été une période de paix relative au Pakistan en termes de conflits armés internes, d’actes de terrorisme et des pertes qui en découlent. Une diminution du nombre d'attentats-suicides et des frappes de drones en sont les principaux facteurs … la situation sécuritaire s'améliore lentement, et la violence a diminué de 24 pour cent au cours des deux dernières années.
Étant donné que le pays a connu une forte baisse du nombre de décès causés par les attentats-suicides et qu'il n'y a pas eu d'attentats terroristes significatifs dans les grandes villes ou dans la capitale en 2012, l'évolution de la situation sécuritaire semble importante, surtout lorsqu'on la compare à la période 2009 - 2011, qui fut mortelle à Karachi, Lahore et Islamabad.
Drapeaux flottants au Pakistan le Jour de l'Indépendance. Photo sur Flickr de Ejaz Asi, CC BY-NC 2.0


Pourtant, ce n’est pas le moment d’être complaisants. Le 16 août 2012, une base militaire importante située juste à l'extérieur de la capitale Islamabad a été attaquée par des hommes armés. Il a fallu cinq heures aux forces spéciales pakistanaises pour maitriser la situation et la plupart des décès furent du côté des assaillants.
Trois jours plus tard, le gouvernement suspendait l’accès aux services de téléphonie mobile pendant 15 heures dans quatre grandes villes - y compris Karachi et Lahore - durant la fête musulmane de l'Aïd, en raison des menaces de sécurité sérieuses qu'il avait reçues.

Ces événements récents tendent à démontrer qu'en dépit des affirmations faites en mai 2012 par le Premier Ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani - à savoir, que les inquiétudes sur la situation sécuritaire du pays étaient « exagérées » -, la situation sur le terrain reste fragile et l'amélioration de la sécurité n'est pas ressentie partout.

Les «meurtres ciblés » continuent dans de nombreuses régions du pays. Karachi souffre toujours de violences politiques et ethniques  et des guerres intestines perdurent depuis 2010. Les violences continuent de toucher les régions tribales (FATA) ainsi que le Khyber Pakhtunkhwa (KP) et sa capitale Peshawar. Ces secteurs continuent à porter le poids de l'engagement du Pakistan dans la guerre contre le terrorisme [fr].

Le Balouchistan reste en proie à une insurrection, alors que le gouvernement n’est pas encore en mesure de fournir une solution viable et acceptable pour répondre à ses revendications. Au contraire, comme le journaliste et blogueur pakistanais Malik Siraj Akbar l'a souligné, la violence s'est intensifiée au début de 2012, après « une audience sans précédent de la Commission américaine des affaires étrangères qui a exprimé une profonde préoccupation face aux violations atroces des droits humains qui auraient été commises par l'armée dans la plus grande province du pays, le Baloutchistan ».


Cette infographie publiée dans le Rapport 2011 PIPS Sécurité au Pakistan fournit un aperçu de la situation sécuritaire du pays. Illustration utilisée avec autorisation.


On note aussi une préoccupation croissante devant la montée des violences entre communautés religieuses dans le pays, qui connaissent un regain depuis 2007. Pour la seule année 2012  en cours, il y a eu trois tentatives d'assassinats ciblant des chiites. Alors que le plus grand nombre d'affrontements a lieu entre les communautés sunnite et chiite, il y a eu aussi des violences internes perpétrées au sein de la communauté sunnite même ; par exemple, entre les sunnites Deobandi et Barelvi. Huma Yusuf, une célèbre éditorialiste du journal pakistanais Dawn, écrit dans son rapport d'analyse [pdf] publié par le Centre norvégien des ressources de consolidation de la paix (NOREF) :
Les violences entre communautés religieuses constituent une grave menace à la sécurité et à la stabilité du Pakistan, principalement en raison des conflits entre les communautés religieuses traditionnelles, qui menacent d'impliquer et de radicaliser davantage des pans entiers de la population pakistanaise plus que n'importe quel autre type de militantisme.
Ainsi, il apparaît que même si il y a des raisons pour éprouver un certain optimisme prudent après les améliorations relatives de la situation au Pakistan en matière de sécurité globale, le pays a encore un long chemin à parcourir dans sa lutte pour réussir à résoudre les complexités de ses multiples communautés religieuses, les questions ethniques et politiques et améliorer la stabilité et la sécurité, non seulement à l’intérieur de ses frontières, mais aussi dans la région.

Ce billet fait partie de notre dossier central sur les relations internationales et la sécurité

ISN logoCe billet, ainsi que ses traductions en français, arabe et espagnol ont été commandés par l'International Security Network (ISN) dans le but de faire entendre les points de vue des citoyens sur les questions de relations internationales et de sécurité. Le billet a été d'abord publié sur le blog de l'ISN, d'autres articles sont disponibles ici.
 

La lutte contre la production de cocaïne en Bolivie, en Colombie et au Pérou

Par Pablo Andres Rivero · Traduit par Anna Gueye
31 Aout 2012
pour http://fr.globalvoicesonline.org

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[Liens en espagnol et en anglais] La coca est une plante de la Cordillère des Andes. Elle est traditionnellement cultivée et consommée par les populations locales depuis des siècles. De nombreux produits dérivés et les feuilles elles-mêmes peuvent être légalement achetées au Pérou et en Bolivie.

Toutefois, les feuilles de coca sont aussi la matière première de la cocaïne. Le Pérou, la Colombie et la Bolivie sont donc les trois plus grands pays producteurs de cocaïne illicite du monde.

D’après le Rapport mondial sur les drogues 2012, on note une baisse globale de la production mondiale de cocaïne entre 2006 et 2010. Cela est en partie dû à la réduction de la culture de la coca en Colombie. Mais le rapport souligne également que durant la même période la culture de la coca et la production de cocaïne ont augmenté en Bolivie et au Pérou.

Destroying coca plants in the lush mountains in Medellin, Colombia. Photo by Viewpress. Copyright Demotix (05/30/2012)
Destruction des plantations de coca dans les montagnes autour de  Medellin, en Colombie. Photo de Viewpress. Droits d'auteur Demotix (30/05/2012)

La production et le trafic de drogue sont des problèmes majeurs en Amérique latine, que les gouvernements ne cessent de traiter. Et lors du dernier Sommet des Amériques [anglais] au mois d’avril beaucoup étaient d'avis que la guerre contre la drogue menée par les Etats-Unis est un échec.

Plan Colombie

Ricardo Vargas, chercheur au TNI [espagnol] et expert de premier plan pour le trafic de drogue en Colombie, déclare que le Plan Colombie - la stratégie anti-drogue financée par les Etats-Unis - a dépensé plus de 8 milliards de dollars américains pour renforcer l'armée et mener des actions militaires contre les groupes rebelles liés au trafic.

Ricardo Vargas a fait valoir, dans une interview, qu'au-delà de la violence :
El gran problema es que la oferta y el tráfico son los grandes temas ausentes en estos debates. Y Colombia es un país básicamente de producción, de procesamiento y de tráfico. Lo que quiere decir que el país aún no ha entrado a analizar a fondo la dimensión más importante que le compete. Con el agravante de que la dimensión de la oferta y el tráfico termina siendo reemplazado por un tema de seguridad.
Le gros problème est que les questions de l'offre et le trafic sont les grands absents de ces débats. La Colombie est essentiellement un pays qui produit, traite et fait de la contrebande, ce qui signifie que le pays n'a toujours pas commencé à analyser en profondeur la dimension la plus importante de sa responsabilité  Avec la dimension supplémentaire que l'offre et le trafic finissent par être remplacés par des préoccupations sécuritaires.
Bolivie : le nouveau bataillon écologique

Le président bolivien Evo Morales déclarait récemment que le trafic de drogue est l'un des défis majeurs et a également annoncé un nouveau “bataillon écologique” : un groupe de travail visant à empêcher la culture illégale de la coca dans les parcs nationaux.
Cependant, le journaliste et blogueur de La Paz  Andres Gomez remarque une importante contradiction [espagnol] dans le discours du président :
la ONU alertó que el 93 por ciento de la hoja de coca del Chapare se va al mercado ilegal (por no decir narcotráfico), e informó que en el país hay más de 30 mil hectáreas.
Recientemente, una investigación del Centro Latinoamericano de Investigación (CELIN) certificó que el país apenas requiere alrededor de 8 mil hectáreas para el consumo tradicional (acullicu y uso medicinal) de la hoja de coca. Según la Ley 1008, que todavía rige, en el país debiera haber apenas 12 mil hectáreas, pero hay más de 30 mil.
el presidente Morales reconoce que el narcotráfico es un problema para el gobierno de Bolivia, pero el presidente de las federaciones cocaleras, que es la misma persona, defiende la producción de sus bases, cuyo destino principal es el mercado ilegal.
L'ONU a prévenu que 93 pour cent des feuilles de coca de la région du Chapare vont au marché illégal (pour ne pas dire de la drogue), et a indiqué que le pays compte plus de 30 milles hectares de plantation.Récemment, une enquête latino-américaine (CELIN)  a conclu que le pays n’a besoin que d’environ 8 milles hectares pour la consommation traditionnelle (« mastication » et utilisation médicinale) de la feuille de coca. Conformément à la loi 1008 encore en vigueur, le pays ne devrait avoir que 12 milles hectares, mais il y en a plus de 30 000.Le président Morales reconnaît que le trafic de drogue est un problème pour le gouvernement bolivien, mais le président de la Fédération des producteurs de coca - il s'agit de la même personne - défend la production de son syndicat (de la coca), dont le principal débouché est le marché illicite.
Pérou : un couloir de contrebande

Depuis 2010, le Pérou est le plus grand producteur de cocaïne pure du monde. L'un des défis majeurs des autorités péruviennes est le nombre croissant de routes qu’emprunte le trafic de cocaïne.
Selon l'analyste Alfredo Palacios Dongo, ancien commandant en chef de l'armée péruvienne et blogueur sur Planteamientos Peru [espagnol] :
Las rutas internacionales de la cocaína desde el Perú, además de hacia el corredor entre Centroamérica y México hasta EE UU, está aumentando sus envíos hacia Brasil, Argentina, Chile y Bolivia. […] Brasil, país con gran demanda de droga –segundo consumidor mundial con 11 millones de consumidores, después de EE UU, con 22,6 millones–, y que además tiene una epidemia de “crack”
Les itinéraires internationaux de la cocaïne en provenance du Pérou, en plus du corridor entre l'Amérique centrale et le Mexique menant aux États-Unis, augmentent leurs expéditions vers le Brésil, l'Argentine, le Chili et la Bolivie […] Le Brésil, un pays ayant une forte demande de drogue – le second, avec 11 millions de consommateurs après les Etats-Unis et leurs 22,6 millions - souffre également d’une épidémie de « crack ».
Communauté andine et initiatives conjointes

La Communauté andine [anglais] met actuellement en oeuvre le Programme de lutte contre les drogues illégales (PRADICAN) [espagnol], un projet financé par l'Europe qui a pour but la standardisation des informations statistiques sur la production, le trafic et la consommation de drogues dans les Andes, ainsi que de coordonner les réponses des Etats membres.

La Communauté andine stipule [espagnol] qu'une approche globale est nécessaire, en ciblant principalement les mesures suivantes :
  • en priorité, bloquer la route empruntée par les trafiquants de drogue,
  • la « phase [du trafic] qui génère le plus de valeur ajoutée dans le prix final de la drogue »,
  • réduire l'accès aux fournitures et précurseurs de drogues,
  • s'attaquer au problème de la drogue comme un problème de santé publique et non pas seulement comme une guerre violente,
  • des actions conjointes pour à la fois couper les sources de financement illégales et se doter de systèmes de surveillance et d'alerte précoce contre les réseaux de trafic de drogue.
Ce billet fait partie de notre dossier central sur les relations internationales et la sécurité 

ISN logoCe billet, ainsi que ses traductions en français, arabe et espagnol ont été commandés par l'International Security Network (ISN) dans le but de faire entendre les points de vue des citoyens sur les questions de relations internationales et de sécurité. Le billet a été d'abord publié sur le blog de l'ISN, d'autres articles sont disponibles ici.

Le Parti communiste aux prises avec le mécontentement social

Par Martine Bulard
Septembre 2012
pour http://www.monde-diplomatique.fr

english version

Si, à quelques semaines du congrès du Parti communiste, on connaît les numéros un et deux de la future direction du pays, on ignore tout de leur programme. Les Chinois aussi. On devine seulement que les questions de la réforme politique et du rôle de l’Etat donnent lieu à de puissants débats internes.

Pour certains commentateurs, la destitution de M. Bo Xilai, dirigeant de la ville-province de Chongqing, ne serait qu’un fait divers. « C’est un peu comme l’affaire Strauss-Kahn en France, explique un ami chinois. Cela faisait des années que Bo se préparait à devenir un dirigeant national, et il est tombé à cause d’une sombre histoire de mœurs. » Sa femme est condamnée pour avoir assassiné un affairiste anglais, tandis que son fils mène grand train aux Etats-Unis.

Au-delà de cette sordide affaire, l’éviction spectaculaire de M. Bo témoigne aussi de la vigueur de la lutte pour le pouvoir et de l’affrontement idéologique au sein du Parti communiste, qui porte essentiellement sur le rôle de l’Etat (et du parti) ainsi que sur l’ampleur des réformes sociales et politiques.

Fort opportunément, vient d’être publié un rapport « China 2030 » qui porte l’estampille de la Banque mondiale, mais aussi celle du think-tank gouvernemental, le Centre de recherche sur le développement (CRD) (1). Si, sur les deux cent trente pages, quelques-unes invitent à une extension rapide du système de protection sociale (une urgence, effectivement), l’essentiel constitue un vaste plaidoyer en faveur des privatisations. Avec un argumentaire dont on peut apprécier la finesse : le « “monopole public” dispose d’un pouvoir artificiel sur le marché, qui entrave la concurrence (...). Il diffère du monopole naturel, où le pouvoir de marché découle de facteurs structurels [permettant] une meilleure allocation des ressources » et des revenus. Beaucoup y voient le programme de la prochaine direction, même si la crise a calmé les ardeurs libérales.

Certes, on ne peut pas ignorer qu’ici les groupes publics — des secteurs industriel, bancaire ou des services — sont des mastodontes entre les mains d’un petit groupe où règne la corruption, sans que l’efficacité soit toujours au rendez-vous, et encore moins l’innovation sociale. Mais, outre le risque de voir les « fils de prince » qui dirigent actuellement ces sociétés se transformer en oligarques à la russe en cas de privatisation, il est difficile de prétendre que « les marchés » à l’occidentale assurent une « meilleure allocation des ressources »... si ce n’est pour leurs actionnaires. Qui peut croire que les privatisations permettront de tourner l’économie chinoise vers le marché intérieur — la priorité des priorités — en favorisant la hausse des salaires ? Ce serait une grande première mondiale. Les grandes banques chinoises, publiques, sont accusées, à juste titre, de ne pas financer les petites et moyennes entreprises. Mais les grandes banques françaises, privées, ne font guère mieux. La grande question pour le pouvoir est de désétatiser tout en gardant une maîtrise publique, afin de concilier essor économique et ascension sociale. Il ne semble pas que ce défi soit au cœur des discussions du XVIIIe Congrès.

Dans le domaine des rapports sociaux, l’affrontement idéologique a été marqué par l’opposition entre ce que l’on appelle le « modèle de Chongqing », à la fois étatique, social et autoritaire, hier symbolisé par M. Bo, et le « modèle du Guangdong », libéral économiquement et ouvert politiquement, incarné par le dirigeant de Canton, M. Wang Yang. Tous deux tentent de répondre à une interrogation qui traverse tout le Parti communiste chinois (PCC) : comment faire face au mécontentement croissant de la population ? Cent quatre-vingt mille « incidents de masse » officiellement recensés en 2011, soit deux fois et demie plus qu’en 2008... Le budget de la sécurité s’est hissé au niveau des dépenses militaires, comme si l’« ennemi intérieur » était jugé aussi menaçant que celui de l’extérieur. Mais la répression a ses limites.

Désormais, les blogs et certains journaux servent de caisses de résonance : « On peut donner la parole à la population, faire des reportages sur les motifs du mécontentement, à condition de ne pas s’en prendre aux très hauts dirigeants. On a beaucoup plus d’espace qu’avant, témoigne Yan Lieshan, ex-rédacteur en chef de Nanfang Zhoumo, quotidien de Canton réputé pour ses enquêtes sans complaisance. Cela ne veut pas dire que la volonté de contrôle a disparu. » Du reste, le directeur du journal a été limogé, il y a quelques mois, sur ordre du département de la propagande de Pékin. Weibo, le « Twitter chinois », est sous étroite surveillance. Certes les abus de pouvoir, les luttes pour la défense des droits sociaux ou de l’environnement, contre la corruption, occupent une très grande place sur les réseaux sociaux, mais, à tout moment, les autorités locales (ou nationales) peuvent interrompre le flux. C’est le règne de l’arbitraire.

Un syndicat plus si unique

 

Les mouvements sociaux mettent plus souvent en cause les dirigeants locaux que les gouvernants centraux, et pratiquement jamais le régime lui-même. Mais, dans les grandes concentrations ouvrières où vivent les migrants (mingong), la confiance dans les communistes s’effiloche, et certains responsables se sentent assis sur une cocotte-minute. D’autant que le syndicat unique, la Fédération des syndicats de toute la Chine (FSTC), simple émanation du parti, ne peut jouer les pompiers, tant il est discrédité.

Comme la nature a horreur du vide, des associations indépendantes de salariés et des réseaux d’avocats ont fait leur apparition, notamment dans le Guangdong, le poumon industriel et exportateur de la Chine. Ils sont réclamés par certains travailleurs en lutte, utilisés par les directions pour négocier en cas de grève, plus ou moins tolérés par le parti. C’est le cas du cabinet Laowei Law Firm (LLF), dirigé par un avocat de Shenzhen, à une heure et demie en train de Canton. Avec onze collègues, M. Duan Yui forme les mingong de la nouvelle génération, les aide à connaître leurs droits, les défend individuellement quand c’est nécessaire et sert d’intermédiaire quand il faut négocier lors d’une grève — toujours pas reconnue comme un droit constitutionnel. Dans la banlieue de Canton, c’est une organisation de travailleurs, Guangdong Panyu Migrant Workers, qui joue ce rôle. Dans la province, il y en aurait plusieurs dizaines.

Les deux associations rencontrées soulignent surtout le changement de mentalité chez les travailleurs. « Hier, ils étaient seuls face à l’employeur. Aujourd’hui, beaucoup découvrent le poids de l’action collective et l’efficacité de la négociation avec leurs propres représentants, estime M. Duan. C’est historique. » La naissance d’une conscience de classe chez les mingong ? L’apparition de sortes de syndicats autonomes qui ne diraient pas leur nom et que le pouvoir tolérerait ou même utiliserait quand il n’a d’autre issue que de négocier ?

Aussi novatrices soient-elles, ces expériences ne concernent que quelques centaines de milliers de travailleurs, sur près de deux cent cinquante-trois millions de mingong. Elles n’en ébranlent pas moins le système du syndicat unique, piloté par un parti tout-puissant. La Constitution dispose que « la propriété publique socialiste met fin au système de l’exploitation de l’homme par l’homme ». Reste que, pour reprendre l’expression châtiée de M. Duan, « l’opposition entre le capital et le travail devient de plus en plus rude ». La lutte des classes existe. Mais existe-t-il un « parti de classe » ? Selon M. Duan, « le Parti communiste doit changer, sinon les ouvriers vont l’y obliger, ou... le rejeter ». Dans l’entreprise japonaise Ohms Electronics, à Shenzhen, en mars dernier, le candidat du syndicat officiel a été balayé au profit d’un travailleur de 35 ans qui, ayant pu se présenter après une grève des salariés, a été élu à la majorité absolue par ses sept cents collègues.

Certains dirigeants ont pris conscience du défi, même si les réponses qu’ils y apportent divergent. Grand spécialiste des relations de travail, proche du secrétaire communiste du Guangdong, M. He Gaocho résume pour nous les options actuellement expérimentées. Il prend l’exemple de la grève des chauffeurs de taxi de Chongqing, en 2008, rapidement réglée grâce à une intervention du secrétaire du parti (le fameux M. Bo) auprès de la direction de l’entreprise : « Evidemment, dans un cas comme ça, c’est bon pour les salariés — dans le reste du pays, quand le dirigeant du parti téléphone à la direction, c’est rarement en faveur des travailleurs, reconnaît-il au passage. Mais cela confirme que c’est toujours le parti qui décide de tout. » Selon lui, le parti de Guangdong « préfère pousser les travailleurs à négocier. La grève relève des acteurs sociaux : syndicat, travailleurs, direction. Ce n’est pas un fait politique dont doivent s’occuper les dirigeants politiques ».

Dans près de trois cents entreprises, des élections libres vont être organisées au cours des prochains mois, promettent les dirigeants de Canton, afin que les salariés choisissent librement leurs représentants, au lieu d’être contraints de voter pour ceux choisis par les directions du parti et de l’entreprise. Cette expérience, menée par M. Wang, promis à une belle promotion lors du prochain congrès, sera-t-elle étendue ? Le parti accepterait-il ainsi de perdre l’un de ses relais dans la société afin de mieux conserver les autres ? Nul n’est en mesure de répondre.

Martine Bulard


(1) «  China 2030. Building a modern, harmonious and creative high-income society  », Banque mondiale et Centre de recherche sur le développement du Conseil des affaires d’Etat de la République populaire de Chine, Washington, DC, 2012.

Etats Unis : Tentation du pire

Par Serge Halimi
Septembre 2012
pour http://www.monde-diplomatique.fr

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Que ferait Barack Obama d’un second mandat après avoir dilapidé les promesses du premier  ? Une fois de plus, un système verrouillé par deux partis rivalisant de faveurs accordées aux milieux d’affaires va contraindre des millions d’Américains à choisir entre le mal et le pire. 

La gangrène de la finance américaine a provoqué une crise économique mondiale dont on connaît les résultats : hémorragie d’emplois, faillite de millions de propriétaires immobiliers, recul de la protection sociale. Pourtant, cinq ans plus tard, par l’effet d’un singulier paradoxe, nul ne peut tout à fait exclure l’arrivée à la Maison Blanche d’un homme, M. Willard Mitt Romney, qui doit son immense fortune à la finance spéculative, à la délocalisation d’emplois et aux charmes (fiscaux) des îles Caïmans.

Son choix du parlementaire Paul Ryan comme candidat républicain à la vice-présidence donne un aperçu de ce à quoi pourraient ressembler les Etats-Unis si, le 6 novembre prochain, les électeurs cédaient à la tentation du pire. Alors que M. Barack Obama a déjà accepté un plan de réduction du déficit budgétaire qui ampute les dépenses sociales sans relever le niveau — anormalement bas — de la fiscalité sur les plus hauts revenus (1), M. Ryan juge tout à fait insuffisante cette capitulation démocrate. Son programme, auquel M. Romney s’est rallié et que la Chambre des représentants (majoritairement républicaine) a déjà entériné, réduirait encore les impôts de 20 %, ramenant leur taux maximal à 25 %, un plancher jamais atteint depuis 1931 ; il accroîtrait simultanément les dépenses militaires ; et il accomplirait le tout en divisant par dix la part du déficit budgétaire dans le produit intérieur brut américain. Comment M. Ryan espère-t-il réaliser une telle performance ? En abandonnant à terme au privé — ou à la charité — l’essentiel des missions civiles de l’Etat. Ainsi, le budget consacré à la couverture médicale des indigents serait réduit de… 78 % (2).

Depuis le début de l’année dernière, M. Obama applique une politique d’austérité aussi inefficace et cruelle aux Etats-Unis qu’ailleurs. Tantôt il se félicite des (rares) bonnes nouvelles économiques, qu’il porte alors au crédit de sa présidence, tantôt il impute les mauvaises (dont la situation de l’emploi) à l’obstruction parlementaire républicaine. Une telle dialectique n’étant guère susceptible de remobiliser son électorat, le président américain escompte que la crainte du radicalisme droitier de ses adversaires lui assurera un second mandat. Mais qu’en ferait-il après avoir dilapidé les promesses du premier et alors qu’il paraît acquis que le Congrès élu en novembre prochain sera plus à droite que celui qu’il a trouvé en entrant à la Maison Blanche ?

Une fois de plus, un système verrouillé par deux partis rivalisant de faveurs accordées aux milieux d’affaires va contraindre des millions d’Américains découragés par la mollesse de leur président à revoter néanmoins pour lui. Ils se résigneront alors au choix, habituel aux Etats-Unis, entre le mal et le pire. Leur verdict ne sera toutefois pas sans conséquence ailleurs : la victoire d’un Parti républicain déterminé à anéantir l’Etat social, indigné par l’« assistanat », installé à la remorque des fondamentalistes chrétiens et porté à la paranoïa par la haine de l’islam galvaniserait une droite européenne déjà démangée par de telles tentations.

Serge Halimi


(1) Lire «  Chantage à Washington  », Le Monde diplomatique, août 2011.
(2) David Wessel, «  Ryan reflects arc of GOP fiscal thinking  », The Wall Street Journal, New York, 16 août 2012.

30 août 2012

Problèmes de thyroïde à Fukushima : une population cobaye

Par Pierre Fetet
28 Aout 2012
pour http://fukushima.over-blog.fr

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Le ministre français du redressement productif, Arnaud Montebourg, a déclaré dimanche dernier : « Le nucléaire est une filière d’avenir ». Il n’aurait jamais entendu parler de Fukushima cet homme-là ? S’il avait la moindre dignité, il devrait au moins présenter des excuses publiques pour avoir tenu ces propos indécents, eu égard à ce qui se passe actuellement dans la région de Fukushima. Là, toute une population est prise en otage par le village nucléaire qui fait tout pour minimiser les problèmes sanitaires.
 
 
Le constat de la contamination en mars 2011  
       
Deux semaines après la catastrophe de Fukushima, un groupe d'experts gouvernementaux avait conduit des contrôles auprès de 1149 enfants âgés de moins de 15 ans. Ces enfants étaient résidants de trois municipalités voisines de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, Iwaki, Kawamata et Iitate, où des niveaux élevés de radiations avaient été constatés. Au total, 44,6% des 1080 enfants dont les tests étaient valides, ont présenté une contamination au niveau de la thyroïde. En effet, l’iode 131 va généralement se fixer dans cette glande, augmentant le risque de développer un cancer ultérieurement. C’est le second crime des autorités japonaises (le premier étant d’avoir laisser s’installer les conditions de la catastrophe) : elles n’ont pas donné suffisamment et clairement l’ordre de prendre les pastilles d’iode dans les territoires contaminés.
 
 
 
enfants de fukushima 10 octobre 2011 allant à l'hopital poEtudes épidémiologiques lancées en juin 2011
 
A la fin du mois de juin 2011, les autorités sanitaires ont mis en place des études épidémiologiques afin d’évaluer l’état de santé des personnes qui ont été exposées aux rejets radioactifs et de suivre son évolution. En théorie, les résultats de ces études épidémiologiques devraient permettre de disposer d’informations sur l’incidence de certaines pathologies au sein de la population japonaise (cancers, leucémies, troubles psychologiques, thyroïdiens, hépatiques, rénaux, diabète, etc.) et d’évaluer les conséquences sanitaires de l’exposition de la population aux retombées radioactives. Prévues pour une durée d’environ 30 ans, le pilotage de ces études a été confié à l’Université médicale de Fukushima, présidée par le très controversé Shinichi Yamashita.
Parmi ces études, l’une consiste à réaliser un bilan thyroïdien pour tous les enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvaient dans la préfecture de Fukushima pendant la phase des rejets : cette étude, qui a pour principal objectif la mise en évidence d’une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde telle qu’elle a été observée chez les enfants exposés aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl, portera sur environ 360 000 enfants nés jusqu’au 1er mars 2012.
 
graphiqueIRSN2
Les âges des enfants testés au 31 décembre 2011
 
Premiers résultats en janvier 2012 : inquiétants
 
L’étude publiée par la préfecture de Fukushima en janvier 2012 montrait que sur 3755 enfants, 1143 d’entre eux, soit 30,4% des enfants testés, avaient des nodules ou des kystes de taille variable (jusque 20,1 mm). Or, cet état sanitaire qui doit servir d’« état zéro » était déjà inquiétant au vu du témoignage de ce médecin : « En 30 ans de pratique de médecine générale en milieu rural français, je n'ai pas rencontré d'enfant ayant un nodule thyroïdien. (Juste quelques gonflements de le thyroïde à la puberté; phénomène banal). Je peux confirmer que les nodules thyroïdiens chez l'enfant sont rares. 30 % c'est beaucoup. Dans la littérature médicale on parle de 0,2 à 1,4% pour les moins de 18 ans (ce chiffre monte à 3,5 % si on réalise des examens systématiques par échographie). On aurait donc un facteur 10 ».
 
graphiqueIRSN1
Les premiers résultats (graphique IRSN)
 
Derniers résultats d’avril 2012 : alarmants
 
Michiyuki Matsuzaki, docteur en médecine à l’hôpital de Fukagawa (Hokkaido), s’est penché sur l’étude publiée le 26 avril 2012 qui concernait 38 114 enfants. Comme il ne disposait pas d’état zéro ‒ en effet, celui-ci n’existe pas réellement puisque les tests ont débuté seulement 7 mois après la contamination ‒ il a repris une étude réalisée en 2006 dans la préfecture de Nagasaki, co-écrite par Shinichi Yamashita, qui montre que sur 250 enfants âgés de 7 à 14 ans, deux enfants seulement (0,8%) avaient des kystes thyroïdiens.
Or, selon les résultats d’avril 2012, 13 380 enfants, soit 31,1 % des enfants testés, ont un kyste thyroïdien, ce qui confirme les résultats de janvier 2012. Même si les kystes liquidiens ne signifient pas qu'il y ait une chance immédiate de cancer de la thyroïde, quelque chose d’anormal se passe dans la glande thyroïde de ces enfants. D’où l’inquiétude légitime des parents.
 
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Une lettre de pression sur les médecins
 
En janvier 2012, alors qu’il commençait à publier les premiers résultats, le chef des opérations, Shinichi Yamashita, a envoyé une lettre aux spécialistes des maladies thyroïdiennes dans tout le Japon, leur demandant de ne pas établir d’autre diagnostic pour les familles concernées. La demande de Yamashita est pourtant un acte contraire à la loi médicale qui prévoit qu’en aucun cas un médecin ne doit refuser un examen. Ainsi, par cette démarche, ce « scientifique » démontre encore une fois sa totale soumission au village nucléaire : il veut rester le maître absolu des résultats. Pas question d’établir d’autres mesures qui pourraient contredire les données officielles. Une raison de plus pour s’inquiéter quand on a un enfant qui a des grosseurs anormales dans la thyroïde !
 
De fait, comme le rapporte un article du Mainichi daté du 26 août 2012, les examens supplémentaires sont systématiquement refusés. Par exemple, Pour ses 2 enfants, une mère de 38 ans qui se refugie à Aizuwakamatsu-shi a téléphoné vainement à 5 hôpitaux qui se trouvent à Fukushima. Un pédiatre de Fukushima avoue : « Si mon diagnostic est différent de celui de l’Université Médicale de Fukushima, cela provoquera des confusions ». Un autre de la région Aizu explique : « Ce n’est pas le rôle d’une clinique privée de faire disparaître des angoisses des parents ». Un troisième, qui s’occupe des examens du département de Fukushima, affirme : «  Le suivi réalisé par l’Université Médicale de Fukushima sera le premier et le plus utile pour montrer des effets de la radioactivité sur le corps humain. S’ils vont dans d’autres hôpitaux au lieu de venir à l’examen organisé par l’université, cela perturbera cette précieuse recherche.»
 
Des parents désemparés
 
Rien ne vaut le vécu des gens pour comprendre ce qui se passe réellement pour les réfugiés de Fukushima. Voici la traduction de quelques messages de mamans inquiètes (traduction Kazumi) :
 
1. J’ai emmené mon deuxième fils qui souffre d’une thyroïde enflée à l’hôpital connu pour les traitements de la thyroïde, Le médecin lui a touché la thyroïde, et a écrit effectivement sur le dossier qu’il a des kystes. Je lui ai dit que nous étions de Fukushima, alors il m’a dit qu’il n’avait pas le droit de donner son avis aux refugiés de Fukushima.
 
2. Mon fils a toujours la thyroïde enflée, pas d’appétit. Malgré tout, il faut l’autorisation soit de la préfecture de Fukushima, soit de l’Université Médicale de Fukushima pour le traitement. Je suis prête à payer beaucoup d’argent pour le suivi, mais ce n’est pas une question d’argent car évidemment, mon fils est couvert de la sécurité sociale. Salaud !
 
3. Bonjour. On m’a dit « Demandez d’abord à l’Université Médicale de Fukushima et attendez la réponse ». Autrement dit, aucun médecin ne peut rien faire avec les habitants et les refugiés de Fukushima sans autorisation. Par conséquent, mon médecin ne m’a donné ni diagnostic, ni l’état actuel de ma thyroïde.
 
4. Mon fils s’est fait refuser dans un hôpital qui se trouve à Nagano. J’avais déjà eu la même expérience ailleurs aussi. Le médecin m’a dit qu’il peut soigner un petit rhume ou une blessure, mais pas la thyroïde ni les maladies qui seraient liées à la radioactivité. Il m’a aussi montré une fiche « Avis sur le suivi de la santé des habitants de Fukushima » délivrée par la préfecture de Fukushima.
 
5. Pour soigner les refugiés et les habitants de Fukushima, il faut absolument une autorisation de la préfecture de Fukushima qui dit que c’est eux qui prennent l’entière responsabilité de la santé et de la radioactivité de tous les habitants « à vie ». C’est absurde ce qu’ils disent...
 
Une population cobaye : l’horreur en 2012
 
Le Japon a ainsi choisi délibérément de faire des expériences médicales pouvant causer la mort sur une partie de sa population. Les gens de Fukushima et les réfugiés nucléaires sont devenus des indésirables ‒ tels les hibakusha suite aux bombardements de 1945 qui n’auraient pas les mêmes droits que les autres citoyens. Malgré les résultats connus de la triste « expérience » de Tchernobyl, on laisse des centaines de milliers de personnes vivre en territoire contaminé, et on leur enlève le droit de se faire examiner librement. Troisième crime impardonnable contre l’humain. MM Montebourg, Valls et consorts, c’est ça le bel avenir que vous nous promettez ? Le soutien inconditionnel à l’énergie nucléaire fait glisser petit à petit nos sociétés vers la barbarie, sous couvert de raison d’état ou de raison économique. On sait parfaitement que les premiers cancers de la thyroïde apparaîtront d’ici deux ou trois ans, mais on ne fait rien. On fait semblant de ne pas savoir. Tout cela est écœurant, révoltant. Les responsables de ces actes criminels devront être jugés un jour. 
 
Le programme ETHOS
 
Pire, le crime est organisé, et bien rôdé. On l’a déjà testé en Biélorussie de 1996 à 2001 et ça marche. Pourquoi ne pas recommencer au Japon avec des moyens encore plus sophistiqués ? Le programme ETHOS, financé par l’Europe, qui visait entre autres au « développement d'une culture du risque radiologique pratique au sein de la jeunesse par l'école » n’est autre qu’un programme destiné à faire accepter à la population de vivre dans une zone contaminée. La décontamination d’un territoire qui a subi des retombées radioactives étant impossible et l’évacuation des habitants étant trop coûteuse, le village nucléaire international a trouvé la solution : faire croire à la population qu’on peut vivre en zone contaminée sans danger. Résultat des courses : malgré le programme ETHOS dont tous les participants officiels se sont félicités de la réussite, la courbe de progression des pathologies n’a cessé de croître et aujourd’hui, 40 à 80 % des enfants vivants en territoire contaminé dans la région de Tchernobyl sont malades.
 
Au Japon, on fait semblant de ne pas savoir. On crée des programmes de décontamination qui ne marchent pas, on demande aux gens de retourner vivre chez eux, dans un environnement radioactif permanent. Et surtout, on envoie M. Jacques Lochard, qui dirigeait le projet ETHOS en Biélorussie et qui est aujourd’hui président du CEPN (1), s’occuper des populations japonaises ! Je vous laisse en compagnie du docteur Michel Fernex pour vous expliquer ce qu’il en est, sans langue de bois :
 

 
 
Il est clair que les Japonais doivent être sensibilisés aux dangers du programme ETHOS. Ce genre d’action est fait pour neutraliser les associations indépendantes et pour endormir la population avec des actions inefficaces. Et au final, on risque de se retrouver avec un détournement d’argent public au profit d’une organisation qui ne sera même plus là pour compter les victimes dans quelques années.
 
 
(1) Le Centre d’étude sur l’Evaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) est une association à but non lucratif, fondée en 1976, pour évaluer la protection de l’homme contre les dangers des rayonnements ionisants, sous ses aspects techniques, sanitaires, économiques et sociaux.
Les membres actuels de l’Association sont au nombre de quatre : Electricité de France (EDF), l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) et AREVA.
 
 
Un homme se bat
 
Pour conclure cet article, je ne peux m’empêcher d’évoquer le combat d’un homme, Nelson Surjon, Français expatrié au Japon avant la catastrophe, réfugié nucléaire à présent, qui n’a jamais cessé de réclamer l’évacuation des enfants de Fukushima. Il a réalisé une série de 7 vidéos sur ce thème, en exposant la situation du Japon d’une manière remarquable et a lancé une pétition internationale pour demander l’évacuation des enfants de Fukushima. Il est important de soutenir aussi ce combat en apportant son soutien ici, car les enfants sont les premières victimes du nucléaire : ils sont infiniment plus sensibles aux radiations.
 
 
 
Sources :
- A propos de l’enquête réalisée deux semaines après la catastrophe : http://www.actu-environnement.com/ae/news/fukushima-traces-radioactives-glande-thyroide-enfants-13275.php4
- A propos de l’apparition des cancers de la thyroïde à partir de 3-4 ans après une irradiation, étude de l’INVS : http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_9452
- Etude de la préfecture de Fukushima publiée en janvier 2012 : http://ex-skf.blogspot.fr/2012/01/1117-children-over-30-of-3739-tested.html
- A propos des nodules thyroïdiens représentant une pathologie rare de l’enfant, « Nodules thyroïdiens chez l’enfant » de F. Compain et A. Lienhardt-Roussie, Endocrinologie Pédiatrique à l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant de Limoge : http://pediatrie.forumactif.com/t229-nodules-thyroidiens-chez-lenfant
- A propos du risque de cancérisation important des nodules thyroïdiens de l'enfant, « Les nodules thyroïdiens de l'enfant » de R. Coutant du Département de Pédiatrie du CHU d'Angers, publié en 2002 dans la Revue internationale de pédiatrie : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=13977118
- Rapport de l’IRSN : « Fukushima 1 an après. Premières analyses de l’accident et de ses conséquences » :
- Etude thyroïdienne de 2006 sur 250 enfants de la préfecture de Nagasaki : http://1am.sakura.ne.jp/Nuclear/kou131attach2.pdf
- Article de Michiyuki Matsuzaki, “Position Statement: What Is Currently Happening to Fukushima Children ?” : http://fukushimavoice-eng.blogspot.fr/2012/07/position-statement-what-is-currently.html
- Article du Mainichi daté du 26 août 2012 parlant du suivi de la thyroïde : http://mainichi.jp/opinion/news/20120826ddm003040163000c.html
 
 
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Annexe : la vraie nature de M. Yamashita !
 
Entretien avec Shunichi Yamashita
Où il est clair que la sauvegarde de l’économie prime sur la santé de la population
 
- Quel est l’objectif de l’examen?
- C’est un service que Fukushima offre pour assurer la santé des habitants, ce n’est pas du tout des recherches. D’après les estimations de l’OMS, la dose de la radioactivité des habitants de Fukushima serait de 100 mSv au maximum, et on ne sait pas encore quelles conséquences une dose si petite aura sur le corps humain. Je dirai, comme les autres scientifiques dans le monde, que cela devra être minime.
 
- Il y a de plus en plus des parents qui demandent une « seconde opinion » hors de Fukushima...
- Il faudra faire quelque chose. Les soucis des parents sont différents de ceux des médecins. Je vais quand même les écouter avec respect et j’essaie d’avoir une bonne relation avec eux.
 
- M. Yamashita, que pensez-vous des effets de la radioactivité sur nous ?
- Il faut attendre plus de 10 ans pour dire quelque chose là-dessus. Ce qui est important maintenant, c’est qu’il ne faut pas détériorer la relation avec les habitants de Fukushima. Mais ce qui est plus important, c’est qu’il faut sauver le Japon, il faut que le Japon ne s’écroule pas. Après Tchernobyl, il y a eu de nombreux procès à propos de l’état de santé, et les dédommagements a ruiné le budget national de l’Ukraine.
 
Texte original :
.
−−検査の目的は。
 ◆県民の健康増進のための医療サービスで、決して調査研究ではない。 WHO(世界保健機関)の推計で、福島住民の被ばく線量はどんなに高くても100ミリシーベルト。100ミリシーベルト以下の健康リスクは明らかには証明 されていない、または非常に小さいというのが科学者の国際的合意だ。
 −−県外でセカンドオピニオンを求める保護者が増えているが。
 ◆改善策を考えなければならない。医師の考え方とお母さんの立場にギャップがある。謙虚に声を聞き、信頼関係を築きたい。
 −−放射線の影響をどう判断するのか。
 ◆小さながんも見つかるだろうが、甲状腺がんは通常でも一定の頻度で発症す る。結論の方向性が出るのは10年以上後になる。県民と我々が対立関係になってはいけない。日本という国が崩壊しないよう導きたい。チェルノブイリ事故 後、ウクライナでは健康影響を巡る訴訟が多発し、補償費用が国家予算を圧迫した。そうなった時の最終的な被害者は国民だ。
 
 (source mainichi.jp, 26 août 2012, traduction Kazumi)
 
 
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Articles sur le sujet des problèmes thyroïdiens
 
 
 
 
 
 
 
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En savoir plus sur ETHOS au Japon
 
 
Exposé de Sunichi Tanaka
 
Rapport de Yoshiyuki Mizuno
 
Le site ETHOS in Fukushima
 
Jacques Lochard
 
Instauration d’ETHOS à Fukushima

Industrie, socle de la puissance

Par Laurent Carroué
Mars 2012
pour http://www.monde-diplomatique.fr

english version

En dépit des discours sur la « société de loisirs post-industrielle » qui avaient fleuri dans les années 1990 et 2000, l’industrie joue toujours un rôle majeur dans l’organisation des territoires, la dynamique des systèmes productifs et les rapports de puissance structurant la mondialisation. En vingt ans, entre 1990 et 2010, de profonds changements sont apparus dans la hiérarchie planétaire : face au dynamisme des pays émergents et des puissances régionales, l’Europe à trente (les vingt-sept pays de l’Union européenne plus l’Islande, la Norvège et la Suisse) tombe de 36 % à 24,5 % de la production. En 2011, la Chine est devenue la première puissance industrielle du monde, mettant fin à un siècle d’hégémonie américaine.De son côté, le Brésil, désormais sixième économie de la planète (1), a devancé la France pour la production industrielle ; la Corée du Sud a surpassé le Royaume-Uni, lui-même talonné par l’Inde (2).

Ces reconfigurations géo-économiques s’expliquent par l’émergence d’une nouvelle division internationale du travail, dans le cadre d’une architecture mondiale multipolaire (3). On assiste à un déplacement géographique sans précédent des marchés, aspirant investissements, emplois, localisations d’activités (voir graphiques). Entre 1990 et 2010, les profits des deux cent vingt plus grands groupes européens réalisés dans les pays émergents sont passés de 15 % à 24 %. Les logiques de localisation des transnationales en sont bouleversées. Si les délocalisations fondées sur les différentiels de coûts salariaux perdurent, les entreprises cherchent également à répondre aux demandes des nouvelles couches moyennes urbaines solvables, alors que les revenus de celles-ci dans les pays du Nord sont bloqués. Une ruée vers les marchés des Sud a commencé.
Loin de se cantonner aux activités bas de gamme, les grands pays émergents gagnent des places dans des filières plus sophistiquées : télécommunications, aéronautique, trains à grande vitesse, nucléaire, industries navale et spatiale... Ils négocient pied à pied les transferts de technologies, réalisent un sensible effort de formation de leur main-d’œuvre et se dotent d’entreprises transnationales de plus en plus dynamiques, qui taillent des croupières aux groupes occidentaux. Dans les négociations exclusives entre l’Inde et Dassault, annoncées en février 2012, pour la fourniture de cent vingt-six avions de combat Rafale, le débat porte à la fois sur le nombre d’avions construits en Inde par l’entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (86 %, en principe), sur les transferts de technologies consentis et sur les contreparties économiques et financières.
La géographie mondiale de l’innovation s’en trouve bouleversée, comme l’illustre le triptyque chinois, qui mobilise les facteurs humain, financier et technologique. Effort humain : avec 1,15 million de chercheurs, la Chine dispose d’un potentiel équivalant à 82 % des capacités américaines et à 79 % de celles de l’Union européenne ; selon la National Science Foundation américaine, elle devrait rassembler 30 % des chercheurs mondiaux d’ici à 2025. Effort financier : en 2009, pour la première fois, Pékin a affiché un budget de recherche qui le hisse au deuxième rang mondial, encore assez loin des Etats-Unis, mais devant le Japon (4). Effort technologique, enfin : en 2011, la Chine est devenue le premier déposant mondial de brevets, grâce à une stratégie nationale qui souhaite passer du made in China fabriqué en Chine ») au designed in China conçu en Chine »).

L’impact est considérable, et ouvre de nouveaux champs de concurrence frontale. Le 23 décembre 2011, le groupe China Three Gorges — du nom du célèbre barrage hydroélectrique sur le Yangzi Jiang — a acquis 21,3 % du capital de l’électricien Energias de Portugal (EDP, équivalent d’Electricité de France), privatisé au nom de la lutte contre la dette publique. Il a remporté l’affaire à la barbe du groupe allemand E.ON et du brésilien Electrobras, pour un montant de 2,7 milliards d’euros, en offrant un prix par action de 50 % supérieur à son cours de Bourse. Déjà, la Chine réalise la moitié de la production mondiale de panneaux solaires photovoltaïques, mettant sous pression les fabricants occidentaux, comme le montre la faillite, en décembre 2011, des allemands Solon et Solar Millennium. Elle dispose du premier parc mondial d’éoliennes, qui devrait être multiplié par 4,7 d’ici à 2020.

Dans ce contexte, l’impasse des stratégies communautaires et l’aveuglement des élites politiques et économiques européennes sont stupéfiants, alors que l’arrivée de la Chine au premier rang de l’industrie mondiale a provoqué un véritable choc aux Etats-Unis (5). Il est plus qu’urgent que l’Union européenne et la France se soucient enfin sérieusement de leur avenir industriel, scientifique et technologique. Chômage et sous-emploi se conjuguent dans l’Union, qui comptait 23,8 millions de demandeurs d’emploi à la fin de 2011.
La crise s’est traduite par un effondrement de 20 % en deux ans (entre 2007 et 2009) de la valeur de la production industrielle dans l’Union européenne. Le recul va de 15 % en Europe centrale et orientale à un tiers en Estonie ou un quart en Lettonie, et dépasse les 20 % en Allemagne (21,4 %), en Italie, en Finlande ou en Suède. Entre le début de la crise, à l’automne 2008, et la fin de 2010, l’Union a perdu plus de quatre millions d’emplois industriels, soit 11 % de ses effectifs. Au troisième trimestre 2011, ces pertes n’étaient toujours pas résorbées, sauf en Allemagne. La récession qui s’annonce pour 2012-2014 du fait des gigantesques plans d’austérité ne peut qu’aggraver ce déclin.

La France est devenue le pays le plus désindustrialisé parmi les quatre grands de la zone euro (les trois autres étant l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie) ; entre 1980 et 2011, les emplois industriels y sont passés de 24 % à 13 % du total des emplois. Les raisons de cette forte érosion sont sujettes à débat. On estime généralement que, depuis 1980, environ un quart du déclin est imputable aux mutations du système productif et à l’externalisation accrue des tâches industrielles vers le secteur des services, comme par exemple le recours à l’intérim. Certaines tâches de conception, de maintenance ou même de secrétariat sont ainsi répertoriées comme des services alors qu’elles étaient auparavant inclues dans la production (6). A cela, il faut ajouter la baisse d’effectifs liée aux gains de productivité, qui représente environ 30 % (7).

Il serait cependant malvenu de fermer les yeux sur la longue et très inquiétante marche française vers la désindustrialisation, que la crise ne fait qu’accélérer. En témoignent de nombreux indicateurs, comme le recul de l’investissement, en baisse de 10 % entre 2008 et 2010, ou l’explosion du déficit commercial depuis 2004. Le solde des échanges industriels est dans le rouge pour presque tous les produits, sauf l’agro-alimentaire. Les exportations ne couvrent les importations qu’à hauteur de 87 % pour l’ensemble des produits industriels, de 73 % pour les biens de consommation et de 87 % pour les biens d’équipement. Sur les cinq dernières années, le déficit cumulé atteint 113,6 milliards d’euros, en particulier avec la Chine et l’Allemagne. Alors que les points faibles sombrent, les points forts s’érodent : la France perd des parts de marché à l’exportation en Europe et dans le monde sans pouvoir faire face à ses propres besoins nationaux.

Entre 2008 et 2010, le recul de la valeur de la production française touche toutes les branches (hors secteur des déchets, eau et dépollution). Il atteint 28 % dans le raffinage et la cokéfaction, 26 % dans le textile, de 15 % à 20 % dans la métallurgie, la mécanique, l’informatique, l’optique et l’électronique, où se multiplient les fermetures de sites industriels. Entre 1989 et 2011, l’industrie française a ainsi perdu 2,5 millions d’emplois. Sans surprise, cette chute touche l’industrie lourde et celle qui utilise de la main-d’œuvre non qualifiée. Mais le recul s’étend également aux industries innovantes ou stratégiques, comme les équipements ou la robotique.
De même, si les ouvriers non qualifiés payent le plus lourd tribut, avec une régression de 671 000 emplois (- 55 %), on assiste à la perte de 182 000 postes d’ouvrier qualifié et de 74 000 postes d’ingénieur, de cadre et de technicien. En octobre 2011, Peugeot SA annonçait ainsi la suppression de 6 000 emplois, dont 1 900 dans la production et 3 100 dans les services, en particulier en recherche-développement ; 3 000 sous-traitants et intérimaires sont remerciés. En dehors de quelques vieux héritages gaullistes datant des années 1960-1970 (aéronautique, industrie spatiale, armement, nucléaire) et désormais fragilisés, ainsi que de l’agroalimentaire, le socle industriel et technologique national se délite, sans qu’une relève d’envergure ait été lancée au cours des trois ou quatre dernières décennies.

Rien d’étonnant à ce que la désindustrialisation soit devenue l’un des enjeux des élections présidentielles, la française comme l’américaine. Pas un candidat, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par MM. François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui n’en parle. Dans la foulée des Etats généraux de l’industrie de 2010, le ministre chargé de ce dossier, M. Eric Besson, promeut l’« aide à la réindustrialisation », qui permet à de petites et moyennes entreprises (PME) de bénéficier d’avances remboursables sur trois ans, alors que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) français annonce quelques prises de capital dans des PME jugées stratégiques. On ne peut cependant que constater le décalage entre ces mesures ou déclarations et les enjeux essentiels.

La Commission de Bruxelles et les gouvernements nationaux qui se sont succédé ces trois dernières décennies ont une responsabilité directe, à la fois dans la construction puis dans l’effondrement du régime d’accumulation financière d’un côté et dans le mécanisme de désindustrialisation de l’Union de l’autre : les deux faces d’une même crise systémique. Définie en 2000, la stratégie dite de Lisbonne s’est révélée une pure illusion. En effet, elle fixait comme objectif — jamais atteint — que chaque Etat consacre 3 % de son produit intérieur brut (PIB) à la recherche-développement et à l’innovation. Elle se fondait pour cela sur un système de représentation idéologique axé sur l’« économie de la connaissance », censée remplacer la production matérielle.

Ce discours a surtout permis de justifier l’abandon de pans entiers de l’industrie française et européenne, au nom d’une spécialisation internationale du travail réservant à l’Union européenne les technologies et secteurs de pointe. Il a largement accompagné le redéploiement international du capital, la financiarisation croissante et la gestion à court terme des actifs industriels, la forte dégradation du rapport entre travail et capital dans la répartition des richesses, le refus constant et systématique de toute politique industrielle communautaire et nationale au nom du dogme de la libre concurrence.

Ce désarmement idéologique, politique et économique se paye au prix fort : entre 2000 et 2010, le PIB par habitant a grimpé de seulement 0,9 % dans l’Union et de 0,5 % en France, soit l’un des taux les plus faibles des économies industrielles. L’Europe et la France se trouvent ainsi pris en tenaille entre les pays en développement et les grands pays émergents qui vont, d’ici une quinzaine d’années, les concurrencer dans des secteurs jusqu’à présent relativement épargnés. De 1998 à 2008, le poids des pays à faible coût de production dans les importations de biens manufacturés de la zone euro passe de 17 % à 44 % (8).

Il convient de souligner que la perte de compétitivité de la France dépasse largement le seul coût du travail. Toute analyse sérieuse doit intégrer à la fois la pression exercée par la politique de l’euro fort, la compétitivité liée à la qualité de la formation, à l’organisation du travail, à la place de la recherche et de l’innovation, aux caractéristiques du système productif et aux prélèvements du capital (paiement des dividendes, etc.). En effet, non seulement le coût horaire du travail en 2008 — dernière année de comparaison disponible — dans l’industrie manufacturière française est inférieur à celui de l’Allemagne (33,16 euros contre 33,37 euros), mais la productivité par personne est en France l’une des meilleures d’Europe : elle est de 21 % supérieure à la moyenne de l’Union à vingt-sept et de 15 % supérieure à celle de l’Allemagne. C’est pourquoi la stratégie systématique de baisse continue du coût du travail se révèle une impasse.

Puisque l’Allemagne est convoquée à tort et à travers dans le débat public français, il convient de rappeler quelques faits. L’efficacité allemande repose fondamentalement sur une forte stratégie industrielle (20 % du PIB et 19 % de l’emploi), elle-même fondée sur l’innovation, la montée en gamme des produits et une spécialisation dans des activités motrices centrées sur les biens d’équipement civils, un tissu productif articulant de grands groupes (konzerns) et un puissant tissu de petites et moyennes entreprises innovantes (Mittelstand), capables d’exporter. Si l’on prend les évolutions sur vingt ans, on constate que la France représente, en moyenne, 73,5 % du PIB allemand, mais que la valeur de sa production industrielle n’atteint que 42 % de celle de l’Allemagne et ses exportations de biens et de services, 52 %.

Les effets de ces choix stratégiques sont immédiats : malgré la crise, le taux de chômage officiel en Allemagne est au plus bas depuis vingt ans (6,8 %). En 2011, la croissance a été de 3 %, permettant de réduire à 1 % du PIB le déficit public. Quelque 535 000 emplois à plein temps ont été créés, et l’investissement en biens d’équipement a augmenté de 8,3 %. Cette bonne tenue de l’économie allemande est due à une hausse de 8,2 % des exportations, en particulier vers les pays émergents, dont la Chine, qui pourrait, d’ici trois ans, devenir son premier partenaire commercial.

Certes, les konzerns ont transféré à l’étranger, en particulier en Europe centrale et orientale, une partie de leur appareil productif (automobile, mécanique...). Entre 1998 et 2012, la part des importations de biens intermédiaires dans la valeur ajoutée de l’industrie passe de 33 % à 59 % (de 50 % à 80 % en France) (9). Mais les konzerns ont gardé le contrôle des segments et des fonctions les plus stratégiques et, surtout, ils n’ont pas cessé de moderniser leur appareil industriel en Allemagne même, afin de répondre aux nouvelles demandes mondiales.

Les faiblesses du capitalisme français sont connues depuis une quarantaine d’années : sous-industrialisation (12 % du PIB et 11 % de l’emploi), insuffisance de la recherche-développement privée et industrielle, positionnement de milieu de gamme pour les productions, écrasement et pillage du tissu de PME par les grands groupes — celles qui exportent étant trois fois moins nombreuses qu’en Allemagne —, insuffisance de formation initiale et continue, sous-qualification et non-reconnaissance de celles qui existent, dévalorisation de toute culture technique, technologique ou scientifique dans le système des représentations sociales... La non-compétitivité française tient en particulier au sous-investissement des industriels et du secteur privé dans la recherche. L’effort ne dépasse pas le quart des dividendes nets versés en 2008, contre 35 % en 1995  (10). En 2010, cela ne représente que 57 % de l’effort financier des entreprises allemandes.

Alors que la stratégie de Lisbonne prévoyait de porter à 40 % le nombre des 30-34 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, 46 % des Français âgés de 25 ans à 45 ans ont un niveau inférieur ou égal au brevet d’études professionnelles (BEP) – certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Enfin, le système productif français est également victime de l’hégémonie des paramètres financiarisés dans le pilotage des stratégies industrielles, les investisseurs financiers étant devenus in fine les arbitres des choix stratégiques.
Face à ces contraintes et à ces urgences, l’Union européenne et la France doivent totalement repenser leur modèle de développement et redonner au système bancaire et financier le rôle dont il n’aurait jamais dû sortir : financer une croissance économique, sociale et territoriale efficace, durable et solidaire. Sur une génération, c’est-à-dire sur une trentaine d’années, c’est une véritable révolution industrielle et productive qu’il faut engager. La rupture technique et technologique doit être équivalente à celle qui fut réalisée à la fin du XIXe siècle. L’enjeu est bien de franchir une nouvelle frontière décisive dans des activités d’avenir qui permettent de répondre aux défis communautaires et mondiaux du XXIe siècle.

Rappelons tout de même que la population mondiale doit augmenter de 1,4 milliard d’habitants d’ici à 2030, et la population active mondiale doubler d’ici à 2020. La généralisation du modèle américain de consommation à la planète entière se révèle une impasse. Un débat s’impose sur des politiques communautaires et nationales de réindustrialisation volontaristes qui s’accompagnent d’un effort à long terme d’innovation, de recherche fondamentale et appliquée, de formation et de qualification de la main-d’œuvre. Cela exige pour la France de mobiliser de 4 à 5 points de PIB supplémentaires, soit un effort indispensable, et tout à fait soutenable, de 100 milliards d’euros.

La sortie de crise ne peut s’envisager qu’à travers la promotion d’un nouveau modèle de développement aux échelles nationale et communautaire, dans le cadre d’un modèle de croissance durable. Cela suppose la réhabilitation d’un Etat stratège définissant des politiques industrielles et des investissements à long terme, une rerégulation et une réorientation du secteur financier et bancaire vers les investissements productifs, la revalorisation du potentiel humain et de l’innovation, l’émergence de nouvelles spécialisations autour d’un renforcement de l’offre fondée sur de nouveaux producteurs et de nouveaux produits.

Dans ce cadre, la France et l’Union européenne disposent, malgré les difficultés actuelles, de nombreux atouts (11). Par exemple, dans l’énergie, les déséquilibres croissants entre l’offre et la demande, la montée structurelle des prix des matières premières à moyen et à long terme et la sécurité des approvisionnements obligent à une augmentation sans précédent de l’intensité énergétique, à une utilisation plus rationnelle et plus économe des ressources énergétiques et minérales (généralisation de filières de recyclage), au déploiement de nouvelles énergies et à une vraie rupture technologique dans le nucléaire (réacteur nucléaire de nouvelle génération, gestion des déchets radioactifs à haute activité et longue vie).

Face à la hausse des besoins alimentaires mondiaux (+ 50 % d’ici à 2025), les défis à relever sont considérables pour produire à la fois plus et mieux en répondant aux exigences environnementales, sanitaires et sociétales, tout en assurant la sécurité alimentaire. Enfin, le développement de nouveaux champs sectoriels s’ouvre avec les technologies vertes, les énergies décarbonées et la capture et le stockage du CO2, les biotechnologies et les sciences du vivant, la chimie du végétal, les nouveaux matériaux, les nanotechnologies, les sciences cognitives et les nouvelles technologies informatiques. Autant de pistes pour une nouvelle révolution productive.


Laurent Carroué
Directeur de recherche à l’Institut français de géopolitique (IFG, université Paris-VIII). 
(1) Classement international du Center for Economics and Business Research (CEBR) de Londres, décembre 2011.
(2) «  World manufacturing production 2010  », IHS Global Insight.
(3) Cf. «  Crise et basculements du monde : enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques  », Historiens & Géographes, n° 416, Paris, octobre-novembre 2011.
(4) Estimations du «  Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures  », annexe au projet de loi de finances pour 2012, Paris.
(5) Cf. «  The case for a national manufacturing strategy  », The Information Technology and Innovation Foundation (ITIF), Washington, avril 2011  ; «  Report to the President. Ensuring American leadership in advanced manufacturing  » (PDF), Executive Office of the President, 2011.
(6) 36 % des métiers industriels sont exercés par des établissements non industriels, contre 26 % il y a vingt-cinq ans.
(7) «  Le recul de l’emploi industriel en France de 1980 à 2007 : quelle est la réalité  ?  », Trésor-Eco, n° 77, Paris, septembre 2010.
(8) Trésor-Eco, n° 95, novembre 2011.
(9) Flash Eco, n° 32, Natixis, Paris, janvier 2012.
(10) «  Rapport annuel sur l’état de la France en 2011  », Conseil économique, social et environnemental (CESE), Paris, 23 novembre 2011.
(11) Cf. «  France 2030 : cinq scénarios de croissance  », Centre d’analyse stratégique, Paris, mai 2011, et «  La compétitivité : enjeu d’un nouveau modèle de développement  », CESE, octobre 2011.

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