Le « Cloud computing », dont on parle de plus en plus, est une révolution beaucoup plus importante, pour l’Internet, que le Web2.0. Celui-ci est une révolution des usages, alors que le Cloud computing (informatique dans les nuages) est une révolution dans les infrastructures.
Les deux se situent donc à des niveaux différents et se confortent mutuellement. C’est en grande partie parce que le web2.0, par son côté convivial, a achevé de populariser l’internet et a séduit des non-professionnels et le grand public, que les entreprises ont découvert de nouveaux marchés de masse et que les infrastructures du Réseau doivent s’adapter.
Le Cloud (puisqu’il faut parler ainsi), en effet, permet de faire plus et mieux, pour moins cher, sur Internet. Il permet d’éviter le gaspillage des ressources (humaines, financières et environnementales) que représente l’augmentation exponentielle de la puissance des ordinateurs personnels, rendue obligatoire par l’empilement permanent de nouveaux outils et logiciels.
Avec le Cloud, l’intelligence est désormais dans le réseau. De très nombreux utilisateurs peuvent faire fonctionner à distance, en même temps, les mêmes logiciels. Mais pour y parvenir sans embouteillage aux heures de pointe, l’hébergement de cette puissance logicielle doit d’être assurée de manière mutualisée : des techniques nouvelles permettent d’aller chercher la puissance de calcul et l’espace disque des serveurs là où il est disponible à un moment donné, dans le « Cloud ».
Il est clair que la possession ou la maîtrise de telles infrastructures est stratégique. Le Cloud est d’abord source de croissance et d’emploi : il existe des besoins nouveaux, qui ont leur marché, du fait du web2.0 et d’autres phénomènes comme l’internet des objets et l’internet mobile. Mais le contexte de crise financière freine les investissements. Le Cloud, qui permet d’être plus efficace pour des coûts inférieurs, permet donc de faire sauter l’un des verrous qui empêche le retour de la croissance dans les TIC (qui représentent elles-mêmes la moitié de la croissance en Europe).
Derrière l’économie, la politique
Comme toujours, derrière l’économie, il y a la politique. Tout d’abord, pour les Etats, la capacité à encourager la création de cette nouvelle infrastructure, orientera la localisation de la croissance et des emplois. Les Etats-Unis sont à l’origine du lancement d’Internet première génération. Et la croissance des Google, Yahoo, Ebay et autres, ainsi que des Microsoft, IBM, etc, qui ont pris le train en marche, a d’abord bénéficié à l’Amérique du Nord. Nous sommes dans une situation analogue aujourd’hui.
Mais le Cloud amènera tôt ou tard des questions de gouvernance, c’est à dire d’organisation juridique et politique de l’Internet. C’est un sujet crucial, mais difficile à médiatiser, qui semble rebutant et technique à beaucoup. La plupart des internautes pensent que l’Internet, « ça marche tout seul » et que « c’est gratuit ». Deux opinions courantes, aussi fausses l’une que l’autre et qui permet à l’ICANN, émanation du gouvernement américain, et à son prestataire, la société Verisign, d’opérer dans la plus grande opacité.
Avec le Cloud, les questions vont revenir, avec encore plus d’insistance et concerner des intérêts encore plus stratégiques : qui contrôle les données hébergées ? Quelle confidentialité pour les données personnelles ? Quel est leur statut juridique ? Quelle loi s’applique ? Le Cloud est-il « neutre » (c’est-à-dire est-ce que toutes les technologies, tous les formats, y sont acceptés sans favoritisme) ? Comment y pourchasser les contenus illicites ?
Il se pourrait bien que prochainement la gouvernance « classique », de l’Internet, incarnée par l’ICANN, perde peu à peu de son importance réelle. Nous en serons immédiatement informés. Le jour ou les américains diront aux européens et au reste du monde : « rentrez dans l’ICANN, chers amis, et partageons la gestion des noms de domaines et autres questions annexes ». Ce jour-là, c’est certain, le vrai pouvoir sera ailleurs.
Article publié sur le site tuviens.fr de Nathalie Kosciuszko-Morizet, en réponse à la question "Quelle gouvernance internationale pour Internet ?"
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