9 janvier 2014

Au Bangladesh, les meurtriers du prêt-à-porter

Par Olivier Cyran
Source : http://www.monde-diplomatique.fr
06/2013
English : In Bangladesh, the murderers of ready-to-wear

Ce mercredi 8 janvier marque l’ouverture des soldes d’hiver, une période de liesse notamment propice à l’achat de vêtements à prix sacrifiés. L’occasion aussi de s’intéresser aux conditions de travail de ceux qui les confectionnent, par exemple au Bangladesh, troisième fournisseur de la France après la Chine et l’Italie. En juin dernier, Olivier Cyran menait l’enquête sur le secteur du prêt-à-porter dans ce pays où «  il est difficile de trouver des hommes de pouvoir qui ne soient pas liés au monde du textile  ».

Avant même que l’effondrement des ateliers du Rana Plaza, à Dacca, ne tue plus d’un millier d’ouvriers, d’autres drames avaient mis en lumière les conditions de travail dans les usines de confection bangladaises. Comment le pays en est-il arrivé à une telle situation ?

Visible à plusieurs centaines de mètres à la ronde, l’étincelante tour de verre qui se dresse en solitaire sur la berge du lac Hatirjheel évoque un greffon de la City de Londres transplanté au cœur d’un gigantesque bidonville. C’est le siège de l’Association des fabricants et exportateurs de textile du Bangladesh (Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association, BGMEA), l’organisation des employeurs du prêt-à-porter.

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Contrairement à l’immeuble du Rana Plaza, qui ne respectait aucune loi en matière de construction et dont l’effondrement, le 24 avril, a entraîné la mort d’au moins mille cent vingt-sept personnes, majoritairement des ouvriers du textile, la tour du BGMEA ne menace pas de s’écrouler. Ce ne serait pourtant que justice : dans un verdict rendu le 19 mars dernier, la Haute Cour du Bangladesh a ordonné la destruction du gratte-ciel patronal dans un délai de trois mois, au motif qu’il a été illégalement bâti sur un terrain public dont l’organisation patronale s’est emparé sans droit ni titre, grâce à la complicité du ministère du commerce. Le BGMEA a fait appel du jugement. Quelle que soit l’issue de la procédure, personne n’imagine que la « tumeur cancéreuse de Hatirjheel », comme l’appellent les magistrats, puisse un jour prochain tomber en poussière.

A l’entrée, le visiteur a droit au salut militaire des agents de sécurité. A Dacca, où le touriste est rare, l’homme blanc se confond souvent avec l’acheteur de prêt-à-porter, négociant de Mango, Benetton ou Hennes & Mauritz (H&M), auquel vigiles et portiers se doivent de marquer leur déférence. L’intéressé s’accommode volontiers de ce statut seigneurial. Sa considération pour l’homme de la rue transparaît dans la brochure Dhaka Calling, offerte aux clients des grands hôtels, dans laquelle figure cette sage recommandation : « Ne riez pas des gens que la pauvreté a rendus malades, ne vous moquez pas d’eux. »

Nous sommes le 9 avril, et le Rana Plaza, à une vingtaine de kilomètres de la tour du BGMEA, tient encore debout. Le pire massacre de l’histoire industrielle du Bangladesh n’aura lieu que dans deux semaines, mais la question de la sécurité et des conditions de travail dans le textile se pose néanmoins déjà avec insistance. Le 7 janvier dernier, un incendie a provoqué la mort de huit ouvriers chez Smart Export Garment, une petite usine de trois cents salariés située dans le centre de Dacca. « Ils avaient tous moins de 16 ans », assure Saydia Gulrukh, une anthropologue qui a fondé un groupe de solidarité avec les victimes du textile. Un mois et demi plus tôt, le 24 novembre 2012, un autre incendie ravageait l’usine de Tazreen Fashions à Ashulia, un faubourg au nord de la capitale bangladaise, faisant cent douze morts et un millier de blessés, selon le bilan officiel.

Dans les neuf étages de Tazreen s’entassaient trois mille salariés, majoritairement des jeunes femmes venues des campagnes les plus pauvres en quête d’un gagne-pain pour leur famille. A raison de 3 000 takas par mois, l’équivalent de 30 euros, elles confectionnaient dix heures par jour et six jours sur sept des vêtements destinés à des marques prestigieuses, parmi lesquelles Disney, Walmart et le groupe français Teddy Smith. Les produits hautement inflammables avaient été stockés au rez-de-chaussée, à côté de la cage d’escalier, au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires. Les issues de secours ayant été verrouillées pour empêcher tout vol de marchandise, conformément aux usages en vigueur, les victimes piégées par les flammes sont mortes brûlées vives ou défenestrées. Leur patron, M. Delwar Hossain, n’a jamais été inquiété par la justice et court toujours. Son appartenance au BGMEA aurait-elle joué un rôle dans la garantie de son impunité ?

« Le patronat tient les commandes du pays » 

 

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Pour étudier la question, rendez-vous a été pris avec le président du BGMEA, M. Atiqul Islam. L’homme fort de l’économie bangladaise — le textile compte entre quatre et cinq millions de salariés et représente 80 % des exportations, ce qui fait du pays le deuxième exportateur mondial de prêt-à-porter après la Chine — n’est en poste que depuis un mois. La promotion de ce jeune entrepreneur peu connu dans le milieu en a surpris plus d’un. « C’est un petit joueur sans expérience ni relief, lâche un professionnel du secteur. S’il a été bombardé président, c’est grâce à sa malléabilité, qui permet aux gros bonnets de tirer les ficelles sans se mettre en avant. »

En décembre 2012, une mission d’inspection diligentée par le BGMEA — initiative peu habituelle, comme on s’en doute — identifiait quatre usines jugées dangereuses, car bâties en violation du code de construction. Parmi elles, Rose Dresses Limited, une fabrique implantée à Ashulia et détenue par… M. Islam. Trois mois plus tard, ce dernier était élu à la tête du BGMEA. Sachant que l’immense majorité des cinq mille ateliers de confection du pays piétinent ouvertement la loi, le soupçon s’est fait jour que l’inspection avait pour seule finalité de « coincer » le futur président et de faire peser sur ses épaules l’amicale pression de ses protecteurs.
En attendant le patron des patrons, on se remémore l’histoire économique du pays. Anu Mohammed, professeur d’économie à l’université de Jahangirnagar, la résume en ces termes : « Le Bangladesh n’a pas toujours vécu sous la tutelle du prêt-à-porter. Jusqu’au milieu des années 1980, c’est la culture du jute qui constituait la première richesse du pays. Puis sont arrivés le FMI [Fonds monétaire international] et la Banque mondiale. Sous leur égide, les plans de privatisation et de réduction des dépenses publiques provoquent un envol du chômage, un recours massif aux importations et le dépérissement des industries locales. Les bureaucrates des grands partis politiques, les officiers de l’armée, les gradés de la police et les fils de bonne famille se précipitent sur l’aubaine. » Les incitations à investir dans le textile sont irrésistibles : main-d’œuvre à bas prix, affaiblissement des syndicats du fait de la privatisation des entreprises d’Etat, suppression des taxes douanières sur les importations de machines destinées à l’industrie d’exportation. La corruption fera le reste.

Séduits, l’Europe et les Etats-Unis récompensent cette politique en ouvrant grand leurs portes aux vêtements made in Bangladesh. Dans un discours prononcé à Dacca le 21 novembre 2001, M. Pascal Lamy, alors commissaire européen au commerce, lance son « Je vous ai compris » : « L’Union européenne est disposée à soutenir le Bangladesh dans ses efforts pour parvenir à (…) une meilleure intégration dans le système commercial mondial, en ouvrant de nouvelles possibilités commerciales et en favorisant une plus grande pénétration sur le marché. » Entre 2000 et 2012, le chiffre d’affaires du textile bangladais va plus que quadrupler, passant de 4,8 à 20 milliards de dollars. Goldman Sachs exulte : en juin 2012, la banque new-yorkaise place le pays, l’un des plus pauvres du monde, en tête de sa liste des « Next Eleven », les « onze prochains » susceptibles de rejoindre les puissances émergentes des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

La poule aux œufs d’or donne naissance à une nouvelle élite occidentalisée, qui roule en 4 x 4, dîne au Pizza Hut (le comble du snobisme à Dacca), joue au golf et envoie ses enfants étudier aux Etats-Unis. « Le prêt-à-porter, c’est la promesse de l’argent facile, un moyen lucratif pour investir dans n’importe quel secteur ou briguer un siège au Parlement, poursuit Anu Mohammed. Officiellement, sur trois cents députés, vingt-neuf possèdent une usine textile. En réalité, si l’on tient compte de ceux qui s’abritent derrière un prête-nom, ils sont beaucoup plus nombreux. Au Bangladesh, il est difficile de trouver des hommes de pouvoir qui ne soient pas liés au monde du textile. Et c’est le BGMEA qui tient les commandes du pays. »

Retour au siège de l’organisation patronale. Alors que M. Islam se fait attendre, l’un de ses proches vient nous tenir compagnie dans le salon attenant au bureau présidentiel. M. Hassan Shahriar Chowdhury rentre tout juste des Etats-Unis, où il dit avoir collaboré avec un groupe de congressistes sur une « affaire de contre-terrorisme ». Officier dans l’armée de l’air, ce « fan d’Angela Merkel » ne possède pas d’usine textile — c’est du moins ce qu’il affirme. Que fait-il alors au BGMEA ? Il esquive la question, mais se montre ravi de bavarder avec un journaliste français. « J’adore la France. Vous savez, l’Etat bangladais prévoit d’acquérir deux sous-marins. D’habitude, on achète nos armements à la Chine. Je connais bien la première ministre, Sheikh Hasina. Je lui ai donc glissé à l’oreille qu’elle ferait mieux de prendre des sous-marins français. C’est plus cher, mais il y a moins de corruption, vous ne croyez pas ? » Devant le scepticisme de son interlocuteur, M. Chowdhury préfère changer de sujet en lui ouvrant avec insouciance son carnet d’adresses. « Puisque vous êtes journaliste, est-ce que cela vous intéresserait de rencontrer ma cousine, qui est ministre de la condition féminine ? Je peux aussi vous présenter les directeurs des principaux journaux du Bangladesh, ce sont tous des amis. »

L’apparition de M. Islam abrège cet échange prometteur. Serré de près par cinq conseillers, le patron des patrons annonce qu’il a changé d’avis : l’entretien est annulé. « Il vous faut une accréditation auprès du ministère de l’intérieur, fait-il, la mine sombre, sans quoi il m’est impossible de vous parler, surtout sur des sujets aussi sensibles. » En retournant vers l’ascenseur, on prend note de l’avertissement collé sur la vitre derrière laquelle s’affairent managers et secrétaires : « Parlez moins, travaillez plus. »

Pour mesurer la puissance du BGMEA, les survivantes de Tazreen fourniront peut-être de meilleurs éléments d’appréciation. Guidé par Sherin, la cheville ouvrière de la Fédération nationale des travailleurs du textile (National Garments Workers Federation, NGWF), un syndicat proche du Parti communiste, on se met en route pour Ashulia. Peu à peu, l’invraisemblable chaos urbain de Dacca fait place à un paysage lunaire, hérissé de cheminées vomissant des fumées noires dans lesquelles des adolescents dépenaillés enfournent des lingots de terre. Les briques sorties du fourneau serviront à la construction des résidences pour classes moyennes visibles à l’horizon, mais aussi à celle des usines qui continuent de croître plus au nord. Quittant la route, on s’engage sur un petit chemin de terre. Au bout, la carcasse calcinée d’un cube de béton habillé d’échafaudages en bambou : bienvenue à Tazreen Fashions, récemment encore fournisseur officiel des liquettes de Disney.

Nasreen est âgée de 25 ans, mais en paraît 40. Contrairement à d’autres rescapées, retournées précipitamment dans leur village, elle n’a pas quitté Nishchintapur, le quartier-dortoir aux ruelles tranquilles et presque douces qui s’étend au pied de l’usine. Le 24 novembre 2012, à 18 h 50, Nasreen était rivée à sa machine à coudre, au deuxième étage, quand elle a entendu la sirène d’alarme. « Le contremaître nous a dit que c’était un exercice, qu’on devait rester à nos postes, raconte-t-elle d’une voix atone. Puis l’alarme a sonné une deuxième fois. Là, on s’est mises à paniquer. On commençait à sentir l’odeur de brûlé. Le contremaître ne voulait toujours pas qu’on bouge, mais on a couru quand même. Il y avait deux portes de sortie ; l’une était ouverte, l’autre fermée. L’escalier auquel on accédait par la porte ouverte était déjà en flammes. Si on avait pu emprunter l’autre, qui ne brûlait pas, on serait toutes encore en vie. » Certaines fenêtres aussi sont verrouillées. Avec une poignée de camarades, Nasreen parvient à en ouvrir une et à se jeter dans le vide. Elle s’en sortira avec une jambe cassée, des cauchemars qui la hanteront à vie et la peur bleue de devoir un jour remettre les pieds dans une usine.

Elle n’aura pourtant pas le choix. A ce jour, elle a reçu pour seule aide « vingt-cinq kilogrammes de riz, vingt-cinq kilogrammes d’oignons et un litre d’huile ». Le maigre salaire de son mari ne suffisant pas à nourrir la famille, elle va devoir vaincre ses insomnies et se rasseoir devant une machine à coudre. Au Bangladesh, lorsqu’une usine brûle ou s’effondre, c’est le BGMEA qui indemnise les victimes. Ses tarifs sont pittoresques : 100 000 takas (1 000 euros) par blessé au titre de l’aide médicale, 600 000 takas (6 000 euros) par cadavre en guise de compensation pour la famille. L’employeur ne s’en mêle pas, la justice non plus. Et seuls les plus chanceux toucheront les miettes distribuées par le BGMEA. Car c’est ce dernier aussi qui établit la liste des victimes. Comme la plupart des embauches se font oralement, sans contrat de travail, nombre de survivants ne disposent d’aucun document pour prouver leur bonne foi. Après tout, n’importe qui peut se casser une jambe ou tomber dans un feu de cheminée.

Dans le cas de Tazreen, l’affaire se durcit encore du fait de l’impossibilité d’identifier les corps trop abîmés ou réduits en cendres. Selon Saydia Gulrukh, qui suit de près les familles abandonnées, au moins vingt-sept ouvrières disparues dans l’incendie ont été exclues de la liste des victimes. D’autres évoquent un chiffre cinq à dix fois supérieur. « Le bilan officiel n’a rien à voir avec ce qui s’est passé. Chacun de nous a des collègues qui ne sont jamais ressorties vivantes de cette usine et que le BGMEA refuse de reconnaître, sous prétexte qu’elles n’ont pas laissé de traces, s’insurge Shilpee, une autre survivante. Mais quelles traces peux-tu laisser quand tu es morte et que ta famille au village n’est même pas au courant ? »
Alors que Tazreen fumait encore, le gouvernement, par la voix de la première ministre, imputait l’incendie à une « action de sabotage » — ce que chaque Bangladais a instantanément traduit comme une mise en cause des islamistes. Cette accusation étonnante, qu’aucun élément n’est venu étayer par la suite, visait-elle à protéger le propriétaire de l’usine et le BGMEA ? Anu Mohammed n’en doute pas une seconde. La meilleure preuve en est, dit-il, qu’« au bout du compte rien ne s’est passé : pas d’enquête pour déterminer les causes de l’incendie, pas de mandat d’arrêt contre le patron et ses contremaîtres, aucune mesure pour protéger les travailleurs contre les risques d’incendie. A part les victimes elles-mêmes, personne ne songe à réclamer des comptes à l’employeur, Delwar Hossain. Depuis des mois, son nom a totalement disparu des journaux. C’est comme s’il n’avait jamais existé ».

Chez Carrefour : « Nous sommes très vigilants ! » 

 

Ses clients étrangers l’ont eux aussi rayé de leur mémoire. Le 15 avril, à l’initiative du syndicat international IndustriAll et d’un réseau d’organisations non gouvernementales, les marques approvisionnées par Tazreen étaient conviées à Genève pour une réunion visant à mettre en place un fonds d’indemnisation. Disney a décliné l’invitation : les amis de Donald disent avoir plié bagage après la combustion de leur main-d’œuvre, troquant le Bangladesh pour le Cambodge ou le Vietnam, de sorte qu’ils s’en lavent les mains. Refus catégorique aussi de Walmart, qui a d’abord nié le moindre lien avec Tazreen, avant de faire volte-face et de se défausser sur le cabinet d’audit qui avait certifié conforme cette usine modèle. Quant au président-directeur général (PDG) de Teddy Smith, M. Philippe Bouloux, occupé à vendre du « look rock’n’roll » pour 163 euros dans sa boutique parisienne de l’Opéra, impossible de le joindre au téléphone ou par courrier électronique. A force d’insister, on finit par intercepter l’une de ses collaboratrices et par lui arracher cette déclaration : « Nous sommes une toute petite entreprise, nous n’avons pas les moyens d’aller à Genève… »

Le groupe Carrefour, lui, feint de tomber des nues lorsqu’on l’interpelle. Le numéro un français de la grande distribution, qui possède ses propres bureaux à Dacca (sous l’enseigne de Carrefour Global Sourcing Bangladesh and Pakistan), admet certes avoir été client de Tuba Group, l’entreprise de M. Hossain, mais nie énergiquement avoir jamais passé commande à Tazreen. Il est vrai que le fournisseur bangladais possédait au moins dix usines, et que les tee-shirts vendus chez Carrefour ne proviennent pas nécessairement de la plus mortelle d’entre elles à ce jour. Mais, au dire d’un bon connaisseur du textile bangladais, cet argument ne vaut pas un bouton de caleçon : « Quand un client passe une commande, ce n’est pas auprès de telle ou telle usine, mais auprès d’un fournisseur. C’est lui qui signe le contrat, les chartes sociales, éthiques, environnementales et tout le baratin. Quand la commande est importante, et elle l’est nécessairement dans le cas d’un client comme Carrefour, le fournisseur va ventiler la production sur tous les sites dont il dispose. Dans le cas présent, Tazreen servait d’usine de délestage quand les autres unités de Tuba Group étaient engorgées. Carrefour ne pouvait pas l’ignorer. Pour quelles raisons d’ailleurs auraient-ils rayé de la liste cette usine-là, alors que rien ne la distinguait des autres ? »
Mais le géant français n’en démord pas. « Nous avons nos standards et nos rapports d’audit, en vertu desquels nous avons formellement interdit Tazreen comme lieu de production. Nous sommes très vigilants ! », proteste M. Bertrand Swiderski, le directeur du développement durable. On serait ravi de pouvoir consulter ces fameux rapports, mais ils sont, hélas, « confidentiels ».

« Au premier tract, on se ferait arrêter par la police » 

 

M. Swiderski accepte bien volontiers, en revanche, de nous adresser la « charte sociale » que son groupe s’enorgueillit de faire signer à ses fournisseurs exotiques. Ce document brille comme une feuille de papier cadeau sur le charnier des couturières bangladaises. Au chapitre du « respect de la liberté d’association », la charte de Carrefour stipule par exemple que « les travailleurs ont le droit d’adhérer au syndicat de leur choix ou d’en créer un, et de procéder à des négociations collectives, sans l’accord préalable de la direction ». On imagine que M. Hossain a signé de bon cœur cette pieuse exhortation. Dans les usines de son groupe, toute forme de vie syndicale était, comme il va de soi au Bangladesh, strictement interdite.
A preuve, le récit de Faizul (1). Cet ancien ouvrier de Tazreen reçoit dans une pièce nue surmontée d’un toit de tôles donnant sur une ruelle en terre battue de Nishchintapur. C’est le siège local de la NGWF, le syndicat dont il est le secrétaire pour le secteur d’Ashulia. Secrétaire clandestin s’entend. Du conte de fées sorti des cerveaux de la direction du développement durable de Carrefour, il donne une version plus lapidaire : « A l’usine, si tu prononces le mot “syndicat”, tu te fais virer tout de suite, et tu ne retrouves plus de boulot après. A Tazreen, on était une centaine d’ouvriers syndiqués, mais en secret. On n’en parlait jamais au travail. »

Après l’incendie, son local a vite été submergé par les rassemblements spontanés de survivants déterminés à en découdre, mais désespérément impuissants à agir. « Tous les ouvriers qui nous connaissaient sont venus partager leur deuil et leur colère, raconte Faizul. Cinquante-trois de nos camarades sont morts dans l’incendie. On était furieux contre le patron qui les a conduits à la mort, et contre le gouvernement et le BGMEA qui le protègent. Mais on n’a pas su quoi faire. » Diffuser un tract, organiser un meeting ? Lancer un appel à la grève dans les autres usines ? Regard peiné de Faizul, mal à l’aise devant la naïveté de son visiteur français : « Rien de tout ça n’est possible ici. Au premier tract, on se ferait arrêter par la police. Et on ne retrouverait plus jamais de travail. »

Lorsqu’on lui demande en quoi consistent alors ses activités syndicales depuis l’incendie, il explique avoir « pris contact avec des ouvriers d’autres usines pour qu’ils vérifient que les portes et les issues de secours restent ouvertes, comme le patronat s’y est engagé ». Et si elles ne le sont pas ? « Alors les camarades nous avertissent par SMS. Tout le monde possède un téléphone portable ici, c’est comme ça qu’on communique. » Difficile de savoir si Faizul n’aspire pas à des modalités d’action plus franches : il s’exprime en présence et sous le contrôle d’un cadre du syndicat venu de Dacca. On finit le thé au gingembre offert par notre hôte. Avant de nous raccompagner, Faizul nous remet la photo d’identité de sa femme : ouvrière à Tazreen comme lui, elle est morte le jour de l’incendie en se jetant du troisième étage.
On appelle « maison d’achat » le lieu stratégique qui sert d’intermédiaire entre les marques étrangères et les fournisseurs locaux. Il en existe environ deux cents au Bangladesh. Celle de M. Nizam Uddin met un point d’honneur à ce que tous ses clients — majoritairement européens — « se rendent au Bangladesh pour voir par eux-mêmes comment tournent les usines. On les accueille, on les bichonne, on s’en occupe bien ». A l’étage, une dizaine d’opérateurs téléphoniques traitent les commandes dans un chuintement de voix sourdes, tandis que dans la cave trois couturiers confectionnent en silence les modèles destinés au fabricant, suivant les spécifications techniques de l’acheteur. « Notre client principal vient de baisser ses commandes, ce qui nous oblige à prospecter de nouveaux acheteurs. C’est la première fois que cela nous arrive en treize ans », soupire M. Uddin. Sur un présentoir, dans un coin de son bureau, l’élégant directeur expose les coupes et les médailles qu’il a gagnées au golf, sa « passion ».

On s’étonne que son entreprise tourne à plein régime alors que l’opposition islamiste du Jamaat-e-Islami a décrété pour ce matin un jour de hartal (grève), vidant les rues de Dacca et bloquant l’activité économique. M. Uddin hausse les épaules : « Oh, cela ne nous inquiète pas. Quel que soit leur bord, les manifestants ne s’attaquent pas à nos intérêts. Ils brûlent parfois des voitures ou des magasins, mais ils laissent les usines tranquilles. Vous savez, le BGMEA compte des membres dans tous les grands partis. Aujourd’hui, il soutient la Ligue Awami de la première ministre Sheikh Hasina, mais il s’entend tout aussi bien avec les nationalistes du BNP [Bangladesh Nationalist Party], ou même avec les islamistes du Jamaat. »

Le champion de golf nous présente l’un de ses collaborateurs, M. Georges Paquet. Cet expatrié français de 67 ans fume des Gitanes maïs qu’il rapporte de Dubaï, où il vit la moitié de l’année. Arrivé au Bangladesh en 1994, il se dit « en fin de carrière » et s’autorise un franc-parler rafraîchissant. « On fait de tout, ici, y compris des culottes pour incontinents qui se vendent en France dans les grandes surfaces. Le problème, c’est que mes clients écrasent de plus en plus les prix. Ils veulent quoi, que les gens travaillent gratuitement ? Les marques européennes font au moins une marge de sept, c’est-à-dire qu’elles revendent nos produits à un tarif sept fois supérieur au prix d’achat, si ce n’est dix. Il n’y a plus de limite à la volonté de profit. De vieux clients nous quittent du jour au lendemain parce qu’un concurrent leur propose 10 centimes de moins sur un article. Il règne une hypocrisie incroyable. Figurez-vous qu’au moment où les dirigeants de H & M rencontraient Sheikh Hasina pour réclamer de meilleures conditions de travail dans les usines bangladaises, leurs subordonnés négociaient une baisse de 15 % sur les prix de vente de leurs fournisseurs. “Débrouillez-vous, on se fiche du reste”, voilà leur philosophie. »

Quand on l’interroge sur l’incendie de Tazreen, M. Paquet lève les yeux au ciel et reprend son souffle. « Delwar Hossain, je le connais depuis dix ans. C’est quelqu’un de bien et de pieux ; la mosquée près de chez lui, c’est lui qui l’a payée de sa poche. Au début, j’étais son deuxième meilleur client, mais il a été grisé par le succès. Il a acheté une usine après l’autre, une douzaine en tout, et puis il s’est retrouvé patron d’une boîte qui faisait 65 millions de dollars de chiffre d’affaires. Il a perdu le contrôle. Quand Tazreen a brûlé, cela faisait un an qu’il n’y avait pas mis les pieds. » L’impunité de son ami ne pose aucun problème au vieux briscard des sous-vêtements absorbants. « Faut pas croire qu’il mène la belle vie : Tazreen lui a coûté un bras et une jambe. Delwar est criblé de dettes, il n’a plus un seul client et tout le monde lui tourne le dos, même ses copains du BGMEA. Vous voulez quoi, qu’il aille en prison ? » Dommage que cette judicieuse question ne soit pas soumise à l’examen de Rehanna, dont l’image nous revient à l’esprit en cet instant : depuis qu’elle s’est faufilée par la conduite d’aération du quatrième étage pour se jeter dans le vide, fuyant les flammes où rôtissaient ses camarades, cette jeune ouvrière de Tazreen a effectivement perdu un bras et une jambe. Elle utilise désormais une brouette en bois en guise de fauteuil roulant.

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« Rien ne changera
tant que le système ne sera pas dissous » 

 

Les survivants de l’hécatombe industrielle d’Ashulia ne prédisent pas un avenir souriant à leurs collègues des usines environnantes. « D’autres catastrophes sont à venir, qui seront peut-être encore pires que celle-là », redoute un jeune rescapé au bras entortillé dans un linge sale. Saydia Gulrukh partage ce pronostic : « Tazreen n’a pas changé d’un iota la situation désastreuse des ouvriers du textile, du fait de l’indifférence des élites pour leur sort. Il faut donc s’attendre à d’autres horreurs. Des mesures cosmétiques seront sans doute prises pour que le BGMEA rassure ses clients étrangers et que ces derniers rassurent leurs consommateurs. Mais rien ne changera tant que le système ne sera pas démantelé, dissous et rebâti sur des bases philosophiques nouvelles. » Deux semaines plus tard, le carnage du Rana Plaza faisait dix fois plus de morts que l’incendie de Tazreen, suscitant cette épitaphe du ministre bangladais des finances, M. Abul Maal Abdul Muhith : « Je ne pense pas que ce soit très sérieux. C’est juste un accident. »

Olivier Cyran
Journaliste. 
(1) Le prénom a été changé.

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