Billet publié par Lova Rakotomalala
Traduit par Suzanne Lehn · Voir le billet en anglais
Au moment où les pays de la planète se rassemblent aujourd'hui à Copenhague pour le Sommet de l'ONU sur le climat, Madagascar, qui a déjà perdu 90% de sa forêt originelle [en anglais], reste confronté à la menace de l'exploitation forestière de contrebande. Un trafic illégal de bois de rose, sujet de conversation de la médiasphère malgache depuis quelques mois, vient d'être mis entièrement au jour par une équipe d'enquêteurs infiltrés. Les détails de ce trafic très lucratif ont été rendus publics et partagés par de nombreux blogueurs citoyens et publications scientifiques. Le dernier rapport produit par Global Witness et l'Environmental Investigation Agency (EIA) indique qu'une valeur marchande d'environ 460.000 dollars (310.000€) est abattue chaque jour [en anglais], l'application de la loi étant handicapée par l'absence prolongée d'un gouvernement d'union nationale. Le rapport complet se trouve ici dans sa version française (pdf).
Le rapport donne les noms des contrevenants et le volume du trafic illégal.
Le blogueur malgache Achille cite le rapport :
En 2009, huit navires porte-containers ont quitté Vohémar avec à leur bord un total de 19 730 rondins et 50 584 planches dans 324 containers autorisés par le MEF (voir Annexe 9). Cela revient à environ 9 700 tonnes de bois de rose.
Une vidéo montrant la vie des villageois de la région démontre qu'à l'évidence ils n'ont pas profité du trafic de bois de rose :
Si l'on rapproche les 460.000 dollars par jour de ce commerce du fait que 89% de la population malgache vit avec moins de $2 par jour [en anglais], on comprend aisément pourquoi la corruption et l'inégalité sont communément considérées comme les principaux obstacles au développement humain à Madagascar.
Un autre rapport indépendant soutenu par le Jane Goodall Institute Schweiz a été publié cette semaine, et confirme l'étendue de ce que ses auteurs, Schuurman et Lowry, appellent le “Massacre du bois de rose de Madagascar” (pdf, en anglais).
Les auteurs ont aussi contribué à cette vidéo pour sensibiliser à l'ampleur de la perte de biodiversité due à ce trafic :
Le Sénat américain a légiféré sur la question, et le Représentant démocrate de l'Orégon Earl Blumenauer a écrit dans une déclaration [en anglais]:
Après un coup d'Etat en mars, le nouveau et faible gouvernement d'Andry Rajoelina a promulgué des décrets de grande envergure autorisant la récolte et l'exportation de bois des forêts protégées et des sites inscrits au Patrimoine Mondial. L'administration Obama a condamné le gouvernement de fait, et la Wildlife Conservation Society, le World Wildlife Fund (WWF), et Conservation International ont dénoncé l'exploitation à grande échelle de certaines des forêts les plus riches en diversité de la planète et la dévastation des ressources et des moyens d'existence de la population locale.
Le scandale du bois de rose impacte désormais sérieusement le processus politique de Madagascar. L'ancien président Albert Zafy a menacé de révéler des noms dans l'actuel gouvernement Rajoelina si une solution permettant de débloquer l'impasse sur le gouvernement d'union nationale n'est pas trouvée prochainement. La nécessité d'arriver à un gouvernement d'union nationale est aussi rendue impérative en ce que sa formation conditionne les investissements des Etats-Unis ( AGOA et MCC) et de l'Union Européenne ( NB: 70% du budget de l'Etat malgache provient de l'aide étrangère)
Il est intéressant de noter que ce décret a rendu possible une enquête judiciaire sur les guitares Gibson. Leur siège social a été perquisitionné par le US Fish and Wildlife Service [en anglais] parce que les guitares étaient faites en bois de rose provenant du trafic illégal à Madagascar. A en juger par les réactions des utilisateurs de twitter à travers le monde, le fait que les guitares Gibson étaient impliquées a provoqué plus de réactions que la disparition potentielle de l'habitat du lémur catta [en anglais].
Le problème de la déforestation à Madagascar ne se limite malheureusement pas au trafic de bois de rose. L'agriculture sur brûlis est la cause d'une grande partie de la déforestation due à l'homme dans la région. L'ONG Vakanala a réalisé une remarquable visualisation en 3D et en temps réel des multiples incendies de forêts affectant Madagascar :
De même, l'ONG malgache Mistinjo a également consacré ses efforts à développer les compétences de communautés locales qui travaillent à la restauration de la forêt et à la séquestration du carbone à Andasibe [en anglais].
Cela fait déjà longtemps que les blogueurs locaux sensibilisent à la perte de la forêt tropicale nationale [en français et anglais]. Mais ils ne se limitent pas à cela, Patrick, un blogueur de Tamatave, replante sans discontinuer des arbres dans la région de Toamasina [en anglais] et il a impliqué de nombreuses autres associations dans l'opération :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire